A la sortie d'Ayas, sur la route de Silifke à Mersin, s'étendent les ruines de la ville d'Elaiussa (rebaptisée Sebaste par la suite), ville qui se développa à partir du IIe siècle apr. J.-C. Un théâtre fut construit à flanc de colline. Avec le texte de Beaufort (1817).
Photographies prises en 2004
Extrait de Karamania de l'amiral Beaufort, 1817
Extrait de son ouvrage Karamania, pages 240-248 (traduction-adaptation JMB)
De Korghos à Ayash, et plusieurs miles au-delà, la côte présente une succession de ruines, toutes blanches et contrastant avec les sombres collines boisées derrière elles, qui donnent au pays une impression de richesse et de densité de population ;cela ne fait, si on y regarde de plus près, qu'augmenter le contraste avec sa pauvreté et sa dégradation réelles.
[Ayas Sébaste]
Ayash est le nom donné par les habitants actuels, à un ensemble de misérables huttes, qui sont entourées par les ruines d'une ville qui autrefois occupait un espace considérable de terrain. La plus remarquable de ces ruines est un temple, admirablement placé sur la crête saillante d'une colline. Les colonnes de ce temple sont de l'ordre composite, cannelées, et d'environ quatre pieds de diamètre ; peu d'entre elles sont encore debout, et il semble que le reste ait été renversé par un tremblement de terre. Le déplacement singulier des blocs de deux des colonnes, qui sont encore debout, a conduit à cette conjecture ; dans l'une d'entre elles la pierre centrale du fût a été [décalée de quelques pouces], mais la pierre supérieure conserve sa position d'origine [...].
Près du lieu de débarquement, et isolé, se trouve un petit mausolée carré avec un toit pyramidal à douze faces ; il y a une inscription sur la porte, apparemment en arabe, mais que personne, à qui je l'ai montré, n'a été en mesure de déchiffrer. Le reste des tombes sont à l'autre extrémité de la ville, certaines d'entre elles sont grandes et soigneusement finies, avec des pilastres corinthiens, et dans un excellent état de conservation.
On a trouvé les restes d'un théâtre et une multitude d'autres ruines, trop nombreuses pour les détailler : mais la preuve la plus éclatante de la grandeur passée de ce lieu apparaît dans les efforts importants faits pour assurer l'approvisionnement en eau. Outre de nombreux et vastes réservoirs, il y avait trois aqueducs : deux d'entre eux traversent le ravin à l'ouest de la ville [...] ; ils sont relativement courts, mais le troisième, qui contourne les collines de façon à conserver une inclinaison régulière, et qui traverse les vallées intermédiaires sur des arches, communique avec le fleuve Lamas, à une distance de pas moins de six miles en ligne directe.
Cette ville était certainement Sébaste, la capitale de la Petite Arménie. Strabon situe la ville et le palais d'Archélaos sur l'île Eleusa, et il précise notamment qu'il était près de la rive. Il n'y a actuellement pas d'île sur cette partie de la côte, mais il y a une petite péninsule en face de la ville, avec de nombreuses ruines, et reliée à la plage par un isthme de sables mouvants, d'où on peut conclure que cette péninsule a été autrefois l'île Eleusa, et que l'isthme s'est formé récemment.
Quelques crêtes obliques de collines s'élèvent jusqu'ici depuis la mer, et jusque derrière la ville de Selefkeh [Silifke]. La rivière Ghiuk Sooyoo [Göksu] traverse ces collines, et il est raisonnable de supposer qu'elles sont tout au long de la même roche, visible sur la côte, à savoir un calcaire granulaire [...]. Cette circonstance est mentionnée, car elle pourrait en partie expliquer les alluvions prodigieux formés par cette rivière.
Derrière un point, à environ quatre miles à l'est de Ayash, nous avons trouvé une petite crique, ou recoin, taillé dans la roche pour accueillir des bateaux, ou des petites galères. Son usage était évidemment en rapport avec un cours d'eau qui y conduisait, et dont nous remontâmes le lit sur la colline jusqu'à un réservoir de 100 pieds de long par 50 de large, creusé à la profondeur de 28 pieds, et recouvert d'un toit en pente, soutenu par deux rangées de piliers. Près de ce réservoir se trouve un château en ruine, ou un palais avec des arcades, des balcons, des tourelles, et des escaliers. On y vit une longue inscription grecque, que, malheureusement, nous avons omis de copier.
[La rivière Lamas]
Deux miles à partir de ce point, nous sommes arrivés à une petite rivière, nommée Lamas par les Turcs. Compte tenu de la ressemblance des noms, et de la situation de cette rivière, il ne fait aucun doute que c'est l'ancien Latmus, qui, selon Strabon, sépare les deux Cilicies. Ici la côte rocheuse se termine enfin, et est remplacé par une plage de gravier et de larges plaines qui s'étendent jusqu'à l'intérieur au pied des montagnes.
Il y a des villages à proximité de cette rivière, dont les habitants se regroupèrent rapidement pour assister au spectacle nouveau d'un bateau européen remontant la rivière. Le spectacle dont ils bénéficièrent était tout aussi nouveau pour nous, car, dans aucune partie de l'empire, nous n'avions vu auparavant des femmes turques sans voile qui se mêlaient aux hommes. [...] Elles n'ont pas moins de curiosité que les dames de la plupart des latitudes : là où nous débarquâmes, elles se rassemblèrent autour de nous, riant sans modération de la singularité de nos vêtements, et, peut-être, de leur propre simplicité.
L'eau de la rivière était excellente, et ayant donné le signal pour les bateaux de se ravitailler en eau, j'allais rendre visite à l'Agha. Nous trouvâmes un vieil homme très respectable, il était assis sur son tapis, à l'ombre d'un arbre touffu, et avec une facile, mais digne urbanité, que personne ne peut mieux assumer que les Turcs, il m'offrit sa pipe, distribua son café, et commença à converser sur le pays. Il donna aussi volontiers son consentement pour que certains des officiers explorent le début du grand aqueduc, qui, comme on l'a déjà signalé, s'étend depuis cette rivière jusqu'à Ayash. Là, aucune inscription n'avait été observée, mais, comme il était peu probable qu'une structure si coûteuse n'ait conservé aucune trace de sa date et son fondateur, il semblait y avoir une chance d'en découvrir. Le chef de cabine se mit également d'accord avec l'Agha pour l'achat de bœufs, et les bateaux avec l'eau étant arrivés, chacun vaquant à ses occupations, nous le laissâmes dans une bonne humeur apparente, et reprîmes nos activités le long du rivage.
A mon retour à bord du navire pendant la nuit, j'appris que tous ces plans avaient été bousculés : quelque circonstance avait alarmé et irrité l'Agha, il avait refusé de fournir les bœufs, et arrêté les officiers qui avaient décidé d'explorer l'aqueduc. Il ne daigna donner aucune raison de ce changement soudain, et ils n'étaient pas en mesure d'en découvrir une, le pilote croyait que nous pourrions avoir semblé trop curieux du pays, mais il est plus probable qu'il avait été déçu dans ses attentes d'un cadeau. Quelle qu'ait été la cause, ces messieurs, afin d'éviter une grave querelle, renoncèrent sagement à contester, et embarquèrent sans inscription ni viande. Le retour du navire aurait opéré un changement rapide dans le comportement de ce capricieux Agha, mais, en plus de nous retarder, nous aurions peut-être compromis cette harmonie que j'avais le souci constant de préserver.
{mospagebreak}
Photographies prises en 2014
Le théâtre
Vue depuis le théâtre
© Turquie-culture