Quelques notes sur les géographes arabes et byzantins.
Extrait des pages consacrées au géographe arabe Edrisi (XIIe siècle) in Vivien de Saint-Martin, Description de l'Asie Mineure, 1852
La traduction de référence à cette époque est celle de P. Amédée Jaubert : Géographie d'Edrisi, traduite de l'arabe en français d'après deux manuscrits de la Bibliothèque du Roi, et accompagnée de notes par P. Amédée Jaubert... Paris, Imprimerie Royale, 1836-1840, 2 volumes in-4.
« Edrisi donne sur la Cilicie des détails plus circonstanciés et généralement plus exacts que sur aucune autre partie de l'Asie mineure. La Cilicie avait été longtemps au pouvoir des Arabes, et leurs géographes avaient eu ainsi plus de facilités pour la mieux connaître. Sa première place, du côté de la frontière syrienne, était Naïas, à une journée faible de Skanderoun [Iskenderun]. Deux rivières coupent le pays, le Djeïhan [Ceyhan] (Pyramos) et le Seihan (Saros) ; toutes deux sont considérables, celle-ci moins que la première. Aïn-Zarba (Anazarbus), el-Massissa et le fort el-Mulawwen (l'ancien Mallos), sont sur le Djeïhan [Ceyhan] ; Adana, sur la rive occidentale du Seïhan, Adana possède un pont d'une construction remarquable et d'une grande longueur. Tarsous [Tarsus], à une journée d'Adana, est une place très importante et d'un grand commerce, à douze milles de la mer. Entre Tarsous et la frontière de Roum, il existe des montagnes entrecoupées de gorges profondes [NOTE : Les Arabes attribuaient communément le pays cilicien à la Syrie, de même qu'autrefois les provinces au-delà (ou au Sud) du Taurus étaient regardés comme en dehors de la péninsule, et que sous les princes latins elle fit partie de la principauté d'Antioche. Nous savons d'ailleurs que les Ciliciens appartenaient originairement à la même souche que les populations araméennes de la Syrie] qui semblent destinées à servir de ligne de défense aux deux provinces.
Les historiens byzantins de cette époque, Scylitza, Cedrenus, Cinnamus, Nicetas, et les chroniqueurs byzantins des premières Croisades, abondent aussi en renseignements géographiques sur cette province de Cilcie, théâtre de fréquents combats entre les princes arméniens des hautes vallées, les princes chrétiens d'Antioche, les Turks d'Iconium et même les Grecs de Constantinople. Ceux-ci, en effet, s'efforçaient de temps à autre de faire revivre leurs anciens droits sur une province de l'empire qui avait su se maintenir contre les armes musulmanes, ou qui s'en était promptement affranchie ; mais leurs tentatives plusieurs fois renouvelées n'aboutirent qu'à y faire reconnaître temporairement une suzeraineté illusoire. Les princes arméniens de la race de Rhoupèn restèrent les véritables maîtres des vallées du Taurus et des plaines qu'elles dominent, depuis les sources du Djihoun et less confins de l'ancienne Mélitène jusqu'à Tarse et même jusqu'à Selefkèh [Silifke] ; aussi les chroniqueurs latins désignent-ils souvent la Cilicie orientale sous le nom de Terra Armeniorum.
Cette richesse comparative de matériaux pour la géographie cilicienne va se reproduire dans les périodes subséquentes du treizième et du quatorzième siècles. Chrétienne elle-même, et conséquemment plus accessible qu'aucune autre partie de l'Asie mineure aux chrétiens de Syrie dont elle était la frontière ; offrant en même temps, par sa situation maritime, de nombreuses facilités de commerce dont les Italiens étaient alors les facteurs dans toute la Méditerranée, elle fut en effet plus fréquenté et mieux connue que ne pouvaient l'être alors le pays situés de l'autre côté du Taurus. »