Les porteurs, appelés en Turc hamals, font partie de l’image d’Epinal de Constantinople / Istanbul à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Leurs silhouettes courbées sous le poids de lourdes charges fascinaient les touristes. Mais pour qu’ils puissent circuler, deleur employeur devait disposer d’un permis de transport délivré par la municipalité.
Ce permis de transport autorisait les personnes à transférer des « effets » d’une rue à une autre dans une période de 6 jours. Il était rédigé et complété en Turc ottoman et en Français. Il indiquait le propriétaire des effets, la provenance, la destination et la date. Le coût de ce permis était de 1 piastre (mention « Droit Pre 1 » sur le document).
Document au format 14 x 16 cm
Curieusement, le nom du propriétaire des effets n’est pas complété.
Sont également mentionnés :
· le nombre de Hamal (portefaix, porteurs) : 6 dans notre cas, ce qui constitue une équipe assez étoffée
· le nombre d’araba (voiture) : aucune dans notre cas
Notre permis date du 24 Juillet 1872. Il est numéroté 6666.
Le document est signé par un fonctionnaire, le chargé du service, portant le nom de Dimirji [Demirci, en Turc moderne] avec un cachet bleu en caractères ottomans.
Dans la partie supérieure, au-dessus du texte en français, figure la version en turc ottoman du document, avec les mêmes indications.
Au-dessus du petite tableau, le mention suivante :
"Tarih tezkereden alti gün için mamül ve muteberdir"
Essai de traduction littérale : "Ce document est valide et officiel pour une durée de six jours."
Dans le petite tableau, on peut lire les mêmes mentions qu’en français, comme la provenance, la destination, le nombre de hamals, d’arabas (voitures).
D’après des plans de la ville à la fin du XIXe siècle, la rue Karanfil se trouvait près de la Kemankeş Caddesi qui existe toujours dans le quartier de Beyoğlu, l’ancien quartier européen. Le rue Orta se trouvait entre la rue Kiblé et la rue Chimal (d’après l’Indicateur oriental : annuaire du commerce, de l'industrie, de l’administration et de la magistrature, Volume 7, 1887) que nous n’avons pas pu situer.
Le « sixième cercle municipal » de Galata fut créé par un décret de décembre 1857 (Noémi Lévy-Aksur, Ordre et désordres dans l’Istanbul ottomane (1879-1909), Karthala, 2013). Il correspondait à peu près à un arrondissement. Compte tenu de la forte proportion d’étrangers dans le quartier, le « directeur » de l’arrondissement (Daire müdürü) devait connaître la langue française qui était souvent utilisée par l’administration parallèlement au Turc.
Ces « cercles » géraient différents services dont celui des transports. Les taxis, les omnibus et les voitures attelées devaient également payer une taxe, qui finançaient les services municipaux, ce qui valait à la municipalité de nombreuses pétitions et protestations (https://istanbultarihi.ist/583-land-transportation-in-istanbul)
Sources
Abdullah İslamoğlu, Osmanlı Devletinde Modern Belediye'nin Hukuksal Açıdan Kurumsallaşması, thèse de doctorat, Istanbul, 2012 (https://nek.istanbul.edu.tr/ekos/TEZ/51125.pdf)