Extrait de Joanne A. et Isambert E., Itinéraire descriptif, historique et archéologique de l'Orient, 1861 : Turquie
v. est l'abréviation pour "village".
ROUTE 77.
DE SMYRNE A SARDES, PHILADELPHIE, LAODICÉE, MILET ET ÉPHESE.
25 à 30 jours _ on couche à Triada, Beiedir, à Demisch, Téké, Sardes, Ala-Schehr, [471] Inèh-Gueul, Boulladan, Hiérapolis, Denizlu, Gaïra, Aschaga-Naslu, Aïdin, Aïnèh-Bazar, Samsoun, Hiéroada, Palatia, Ayaslouk cl Trianda.
De Smyrne à Trianda, 6 heures (V. R. 76), — De ïrianda la route se dirige à l’E.-S.-E., à travers une plaine inculte, de 5 lieues de large environ; on traverse un ruisseau à la hauteur de Fourtouna (4 kil.), puis. un second (8 kil.)i on croise (8 kil.) la route qui va à Nyinphi, et l’on franchit encore un troisième (2 kil.) et (6 kil.) un quatrième ruisseau. De distance en distance on rencontre de petits corps de garde en feuillage, occupés par des Zeibeks. Le chemin tourne au N.-E. (12 kil.) et atteint (7 kil.)
Baïndir (12 h. de Smyrne). C’est une ville entièrement moderne, bâtie sur le versant d’un des derniers contre-forts du 'Imolus. Le coton est la principale culture du pays.
La plaine recommence au delà de Baïndir ; on traverse successivement deux ruisseaux (2 kil. — 4 kil.), laissant à gauche, sur la pente de la montagne, le v. de Iaki-Kéui, et plus loin, du même côté, celui de Bourgaz (4 kil.). Au delà d’un troisième ruisseau (6 kil.) apparaît le Caystre, couvert de roseaux, et coulant au milieu de la plaine fertile appelée chez les anciens plaine Cilbiane. Les ruines d’une église en forme de basilique et d’un monastère byzantin s’élèvent au bord de la route. Le chemin incline légèrement au N., parallèlement au cours du Caystre; il traverse un ruisseau (7 kil.), franchit un des petits cratères du Tmolus, puis rencontre (4 kil.) un café au confluent de deux ruisseaux et, tournant au N. (3 kil.), arrive (7 kil.) à
Démisch ou Eudémich (6 h. de Baïndir), ville assez considérable. Un grand torrent qui descend du Tmolus la traverse et sert à l'irrigation des rues. Démisch possède une église grecque toute neuve, d'assez belle apparence et bâtie en partie avec des matériaux lires des ruines d’Hypœpa. D’autres monuments, qui ont la même origine, offrent quantité d’inscriptions de toutes les époques. Une statue de Vénus, prise encore à Hypœpa, sert à soutenir l’escalier de l’école grecque de Démisch. Cette Vénus appartient à la plus belle époque oc l’art grec. Par sa pose, par ses admirables draperies, elle a une grande ressemblance avec la Vénus de Milo.
Pour visiter Hypæpa (5 ou 6 h. aller et retour), il faut se diriger vers le N.-O., s’engager dans les montagnes, s’élever sur un plateau, puis redescendre pour traverser un cours d'eau et remonter (10 kil.) vers l'antique Hypæpa, en grec moderne llypipa, en turc Tépé,bâti sur un des versants du Tmolus. Ce village est coupé en deux par un ravin profond rempli d'eau seulement pendant une partie de l’année. Cinq ponts joignaient autrefois les deux bords, il n’en reste plus qué trois. Le mieux construit et le plus large, situé au milieu du village, est muni d'un parapet en marbre blanc. Tout près on voit l’ouverture d’un souterrain qui conduisait jadis hors des murs. En remontant le ravin, on arrive auprès du second pont, dans un vaste champ d’oliviers énormes, qui renferme une construction d’un style assez rare. C’est une double galerie souterraine qui parait avoir appartenu à un grand temple. Entre les deux galeries règne une rangée de fûts de colonnes en granit, fûts bruts, espacés de 4 mèt. en 4 mèt., reliés par un mur fait de petits moellons, avec des arcs de décharge, en forme de niche. Ces colonnes sont profondément engagées par en bas dans le sol et, par en haut, dans l’épaisseur des voûtes. M. Charles Texier pense que ce pourrait bien être le temple fondé par Artaxerxès, dont Pausanias fait mention. De l’autre côté du pont et sur une colline, cst le théâtre, édifice fort petit, dont il ne reste que le mur de soutènement des gradins. Au [472] bas de la colonne, on voit le soubassement d’un temple sur lequel quelques colonnes cannelées en spirale sont restées debout.
On revient à Démisch.
De Démisch, la route monte vers le N. et court en écharpe sur le versant des montagnes, au-dessus du torrent qui traverse Démisch, et franchissant un ravin et un ruisseau, parvient enfin à (10 kil.)
Birgui (6 h. de Démisch) [Birgi (Ödemiş)]. Ce village contient dans ses constructions modernes des débris antiques enlevés aux ruines d’Hypæpa, ce qui a porté certains voyageurs à placer ici cette ville même.
La route de Birgui à Sardes est peu fréquentée et présente quelques dangers ; il est bon de prendre une escorte à Birgui. Le chemin monte dans des montagnes plantées de noyers et de châtaigniers, puis tourne à droite dans un vallon où d’abondantes fontaines coulent de tous côtés. Il passe (l h. 30) au pied d'un énorme platane sous lequel on peut faire halte. Le tronc, à hauteur d’homme, a 12 mèt. de circonférence, et l’élévation totale de l’arbre est en proportion. Près d’un café abandonné (1 h.) on découvre vers le S. la plaine du Caystre, et vers le N. une partie.de celle de Sardes. La route, qui monte toujours, parvient (1 h.) sur un petit plateau où s’élève le v. de Téké; et où le Pactole prend sa source. Il est bientôt assez abondant pour faire tournef un nombre considérable de moulins : à droite se dresse le sommet du Tmolus (aujourd'hui Bouz-Dagh, montagne de glace) qui s’élève à 1330 mèt. au-dessus du niveau de la mer. Le chemin et le fleuve se côtoient et traversent le plateau du S. au N. Bientôt le Pactole se précipite en cascades sur des blocs de granit et s’enfonce dans un ravin étroit et profond; tandis que la route quitte le basfond pour s’élever sur les flancs de la montagne. Les deux côtés de la vallée portent parmi les rochers quelques chênes clair-semés seuls restes des belles forêts qui l’ombrageaient autrefois. Le voyageur passe auprès du lac Gaza-Cleu, puis il descend pour traverser un affluent du Pactole, et laisse de côté un chemin creux conduisant au v. d'Alectiane, placé à 1000 mèt. au-dessus de Sardes, au milieu d’un paysage frais, verdoyant, qui rappelle la Suisse. On franchit une chaîne de montagnes parallèle au Tmolus et on descend vers Sardes. Un dernier sommet, isolé du reste de la chaîne, porte des constructions antiques qui appartenaient à la citadelle de Sardes. Leur nom est Kiz-Koulèssi (la tour de la Fille). La route tourne à l'E. et rejoint le Pactole près de Sardes (Sart) (6 à 7 h. de Birgui), fondée à une époque très-reculée, et qui, devenue capitale de l’empire des Lydiens, fut sous le roi Crésus une des villes les plus riches et les plus magnifiques du monde ancien. L’empire des Lydiens fut détruit et la capitale prise en 545 avant Jésus-Christ, par Cyrus. Sardes fit alors partie ae l'empire des Perses jusqu’à l’époque de l’expédition d’Alexandre le Grand, entre les mains de qui elle tomba après la bataille du Granique. Elle passa plus tard au pouvoir des rois de Syrie, puis à celui des Romains, quand Pompée eut réduit la Syrie en rovince romaine, en 69. Arrachée l’empire grec par les Turcs, elle fut détruite par Tamerlan, qui acheva ainsi l’œuvre à moitié accomplie par les tremblements de terre. La religion chrétienne fut prêchée à Sardes par saint Paul, qui y fonda une Eglise. Un évêché y fut érigé, et plusieurs conciles généraux s’y sont réunis.
Aujourd'hui, l’emplacement de Sardes n’est plus même occupé par un village. Des bergers nomades viennent s'établir chaque année dans ses ruines pour y passer quelques mois d’automne. Un moulin mû par le Pactole ci habité par un chrétien est la seule habitation moderne de cette plaine, pourtant si belle et si fertile. [473] Des murs très-considérables, mais trop ruinés pour indiquer la disposition des édifices auxquels ils appartenaient, marquent l'étendue de l'ancienne ville. A l’E. de son enceinte est le théâtre, adossé à la montagne. Il n’en reste que des vestiges du pourtour extérieur et le mur de soutènement des gradins. Tout auprès, parallèlement à la façade du théâtre, s’étend le stade; en avant dans la plaine, se dressent les ruines d’une vaste construction qui paraît avoir été le gymnase et qu’on a prise quelquefois pour le palais de Cresus. Parmi les autres ruines, on peut reconnaître les débris de deux églises, l’une dédiée à la Panagia, l’autre à saint Jean. En arrière de la ville, à 2 kil. environ dans la direction du Tmolus et au delà du Pactole, sont les ruines du grand temple de Cybèle. Il n’en reste que trois colonnes debout et quelques autres couchées à terre ou en morceaux.
La nécropole de Sardes est à 13 kil. au N. Le chemin qui y conduit coupe celui de Philadelphie (2 kil.), traverse le v. de Karagnalu (3 kil.), et courant toujours en plaine atteint et franchit l’Hermus (Guédis-Tchaï), puis tourne au N.-O., à travers une plaine marécageuse ; gravissant alors (0 kil. ) des collines crayeuses, il arrive (2 kil.) au lieu dit
Bin-Tépé (les mille tertres ). Soixante tumulus de forme conique, ce qui est l’indice d’une haute antiquité, se dressent sur unfe colline. Leur hauteur varie de 16 à 20 mèt. Celui qui est désigné comme étant le tombeau d’Alyattes en a 80. Hérodote et Strabon ont donné une description fidèle de ces lieux, qui n’ont pas change depuis trois mille ans. Le volume du tombeau d’Alyattes a été évalué à 2 650 800 mèt. cubes, et le prix qu’il a dû coûter a 10 603 000 fr. Il fut bâti aux frais des marchands, des artisans et des courtisanes. Cinq termes placés en haut portaient des inscriptions marquant la part qu’avait payée chacune de ces trois classes. On ne voit plus aujourd’hui sur le haut du monument qu’une fondation de 6 mèt. carrés qui porte une pierre énorme en forme de phallus, de 3 mèt. de diamètre, mais sans, inscription. Les tumulus en maçonnerie sont recouverts de gazon.
On revient vers Sardes, et l’on prend (11 kil.) la route de Philadelphie, que l’on avait laissée sur la droite pour aller à Bin-Tépé.
Cette route se dirige à l’E., à travers une plaine sans culture, où l’on ne rencontre que les v. de Saléili et de Déré-Keui; on traverse successivement trois cours d’eau (7 kil. — 8 kil. — 6 kil.). Plus loin, elle tourne vers le S. ; les collines se succèdent sans changer d’aspect. On en franchit quelquesunes qui s'avancent davantage dans la plaine. Une suite de cours d’eau se présentent (7 kil. — 4 kil. — 5 kil. — 8 kil.). La rivière qui les reçoittous dansla plaine n’est plus l’Hermus, mais un de ses affluents, le Coyamus (aujourd’hui KousouTchai) ; on arrive enfin à (13 kil.)
Ala-Schéhr [Alaşehir] ou Philadelphia (11 h. de. Sardes). Cette ville fut fondée par Attale Philadelphe frère d’Eumène, roi de Pergame. Son histoire est peu connue. C’est une des sept églises de saint Paul. La ville actuelle d’Ala-Schèhr est située, partie dans la plaine, partie sur une colline assez élevée. La ville basse est traversée par un ruisseau qui va se jeter dans le Cogamus, Ala-Schèhr contient trois mille maisons, deux cent cinquante appartenant à des chrétiens et le reste aux Turcs, plusieurs mosquées, des bazars, des bains et un khân. Elle sert de résidence à un évêque du rite grec et d’étape pour les caravanes qui vont de Smyrne à Alep.
Les anciens murs de la ville subsistent encore, mais en très mauvais état. Ils forment un carré à peu près parfait. Une seule des portes antiques est debout. Au milieu de la ville sont les ruines [474] d’un grand édifice qui passe pour une ancienne église chrétienne, mais qui offre tous les caractères d’un temple païen ; peut-être a-t-il été consacré au culte chrétien longtemps après sa fondation. Dans la partie supérieure de la ville, on voit une enceinte carrée indépendante des murs, et qui a dû être le Castrum.
La route suit le Cogamus à une certaine distance, elle court dans la plaine vers le S. -O. au pied des montagnes et traverse trois cours d’eau (7 kil. — 8 kil. — 10 kil.) dont le dernier précède immédiatement Inèh-Gueul (4 h. de Philadelphie). Gros bourg servant de résidence au Muteseilim, qui commande le district environnant, lequel comprend 23 villages.
£n quittant ce bourg, on suit la laine dans sa longueur pendant b. 30min. puis on m’engage dans un ravin dans lequel on marche environ 2 h. 30 min., et l’on arrive à Dervent, d’où partent deux routes, dont l’une conduit à Séraï-Keui et à Denizlu, l'autre, que nous suivrons, à
Boulladan (8 h. d’Inèh-Gueul), v. traversé par un torrent et bâti en amphithéâtre sur un des versants du Messagis. On descend vers le S.-E. et on traverse une plaine coupée par des chaînes de petites collines jusqu’à (12 kil.)
lénidjèh, v. au S.-E. duquel s’élèvent les ruines de Tripolis, qui n’est guère connue dans l'histoire que pour avoir été le théâtre du martyre de saint Philippe. Elle fut pendant longtemps le siège d’un évêché. Les murs de l’ancienne ville ont laissé assez de vestiges pour qu’on puisse déterminer sa situation. Elle s’étendait sur un plateau compris tout entier dans l’enceinte de ses murailles. Sur le bord occidental de ce plateau, on reconnaît les ruines du théâtre; une partie du proscenium, de la cavea et des gradins sont encore debout. Au milieu des arbres apparaît un autre édifice qui a pu être le gymnase.
Au delà d’Iénidjèh, la route descend vers le S.-E., traverse le Méandre (3 kil.), et plus loin (7 kil.) franchit' un petit ruisseau pour gagner à travers une plaine marécageuse (11 kil.)
Hiérapolis aujourd’hui Pambouk-Kalessi (pron. Pammouk) [Pamukkale] (7 h. de Boulladan). Cette ville faisait partie de la Phrygie. Son histoire particulière, peu connue, n’offre aucun intérêt. Kilo était pourtant célèbre dans l’antiquité à cause de ses eaux chaudes minérales, Hiérapolis est la patrie d’Epictète.
Les ruines de l’ancienne ville s'étendent sur le haut d’un rocher qui forme un plateau de 3 kil. de circonférence adossé à des montagnes. En face, s’ouvre la belle vallée que le voyageur vient de traverser. Ce rocher offre un curieux phénomène aux yeux de celui qui arrive. Il semble qu’une cascade s’échappe des ruines dont il est environné et se précipite dans la vallée; mais il n’y a point de cascade, et cet effet est produit par des sédiments de matière calcaire parfaitement blanche, déposée par des sources qui filtrent parmi les ruines et ont formé en divers endroits de curieuses stalactites. Ces dépôts ont même exhaussé le sol du plateau aride et sans arbres qui offre l’aspect d’une plaine couverte de neige. Au milieu, jaillit la source principale, dont la température s’élève à plus de 80° centigrades.-— Les monuments anciens eux-mêmes sont enterrés à la profondeur de 2 mèt. Quelques restes des anciens murs d’enceinte régnent encore autour du plateau. On entre par une porte antique : à ' gauche se présente d’abord un vaste monument qui n’est autre chose qu’un établissement de bains composé d’une salle assez large, où se réunissaient jadis les baigneurs, et d’une suite de petites pièces. La grande salle conduit à une avant-cour, aux deux extrémités de laquelle on aperçoit deux hémicycles, et dans l’intervalle deux rangs de pilastres [475] avec des chapiteaux corinthiens. A côté est le théâtre, qui n’offre rien de remarquable. Entre le théâtre et l’arc de triomphe s'étend un large espace dans lequel s’élèvent çà et là des fûts de colonne. L'arc ou plutôt la porte triomphale est percé de trois arcades et flanqué de deux tourelles rondes. Il se rattachait autrefois à une muraille qui formait une vaste enceinte dans l’intérieur même de la ville. En se dirigeant au N. vers les murs, on rencontre un grand édifice quadrangulaire adossé à ces murs : c’est une église des premiers temps du christianisme. La nef est une voûte à plein-cintre dont les retombées portent sur trois arcs latéraux, dans les enfoncements desquels étaient dressées des chapelles. Le fond se termine en hémicycle. Derrière l’église sont des tombeaux d’époques très-diverses.
Après Hiérapolis, la route descend au S., traverse une plaine marécageuse et arrive au Tchorouk-Sou (ancien Lycus) qu’elle franchit sur un pont (8kil.), puis elle oblique au S. E. et passe un-ruisseau (2 kil.). Il faut alors la quitter et remonter le cours de ce ruisseau. Les restes massifs d’un pont à trois arches (1 kil.) annoncent
Laodicée, fondée par Laodicé, sœur d’Antiochus Théos, roi de Syrie, Cette ville fut célèbre dans l’antiquité par l’étendue de son commerce et la finesse de ses laines; renversée par un tremblement de terre l’an 65 de Jésus-Christ et rétablie plus tard, elle fut définitivement ruinée par Tamerlan en 1402. Le pont dont nous avons parlé donne accès dans l'ancienne enceinte. Deux théâtres s’élèvent sur le flanc d’une colline. Le plus beau est celui qui regarde l'E. Ses sièges bien conservés sont tous en marbre et supportés par des pattes de lion. Les autres ruines sont peu remarquables. On peut y distinguer cependant l’enceinte extérieure de plusieurs églises.
En traversant la ville ancienne du N. -O. au S. -O., on regagne la route nu v. d’Eski-Hissar. — En sortant de ce village, le voyageur monte vers le S, les premières rampes du mont Cadmus, aujourd’hui Baba-Dagh, et arrive à (8 kil.)
Denizlu (4 h. de Hiérapolis) [Denizli], ville considérable bâtie au pied du colossal Baba-Dagh et chef-lieu d’un liva. On n'y verra pas d’antiquités mais seulement quelques tékiéa de derviches.
Après Denizlu, la route se dirige à l’O., à travers les montagnes, franchit un ruisseau aux portes mêmes de la ville, et trois autres successivement (2 kil. — 3 kil. — 4 kil.). Plus loin elle s’élève sur un plateau et arrive (7 kil.) au v. de Sambu-Keui, pour descendre dans un vallon où coule un ruisseau (4 kil.). Elle remonte sur un plateau et atteint (8 kil.) le v. de Djérélu-Keui, situé dans un vallon auprès de la source d’un ruisseau. On redescend pour franchir un cours d’eau (4 kil.), puis on remonte sur un plateau qu’on traverse du N.-E. au S. -O. En descendant une longue rampe, le voyageur arrive au v. de Ipsili-Hissar (15 kil.) qu’on croit bâti sur l’emplacement de l’ancienne ville d’Attuda. Ipsilî-Hissar est placé au fond d’un vallon, sur un cours d’eau affluent du Méandre. La route se dirige alors au S. et monte sur un plateau qu’elle traverse pour descendre (11 kil.) dans la vallée du Kara-Sou, et franchit cette rivière (3 kil.) avant d’arriver à
Gaïra (11 h. de Denizlu) situé sur l’emplacement de l’ancienne ville d'Apnrodisias. Les ruines enveloppent le village actuel. Le temple de Vénus, qui fut plus tard consacré au culte chrétien, est de la plus belle époque de l’art grec.
Il se présente sous l’aspect de deux rangées parallèles de dix-huit colonnes, distantes de 18 mèt. Seize de ces colonnes sont entières. Devant la façade s’élève un rang de petites colonnes corinthiennes, au pied desquelles s’alignent de [476] petits piédestaux. A droite et a gauche on voit s'élever deux randes vasques de marbre blanc e 4 mèt. de diamètre, et plus en avant encore un lion couché. Des débris de toute espèce en marbre blanc sont semés autour de cet édifice. Tout près de là s’élève la façade d’un monument corinthien, composé de quatre colonnes sur piédestaux, qui soutiennent un fronton. La frise est entourée de rinceaux, de figures d’enfant et de génies soutenant des guirlandes. Le fût des colonnes est cannelé en spirale, genre d’ornements assez rare dans les monuments antiques. A gauche du temple s’étend une grande place entourée d’une colonnade ionique, aujourd’hui coupée par des murs, des fossés et des haies. La colonnade se compose d’environ quarante et une colonnes. Dans la partie N. -O. de la ville est le stade, très-bien conservé. L’arène a 227 mèt. de longueur. Vingt-six rangs de gradins en garnissent tout le pourtour.
En quittant ces ruines, le voyageur se dirige vers le N. -O. et longe en écharpe une montagne qui domine le Kara-Sou, montant et redescendant pour franchir successivement deux affluents de cette rivière (13 kil. — 15 kil.). On marche alors en plaine jusqu’au (6 kil.) v. de lénidjch, dominé par un vieux château. Au delà de ce village on côtoie le Kara-Sou, laissant à droite, dans la plaine et de l’autre côté de la rivière, les ruines peu intéressantes d’Antioche, et l’on arrive à un carrefour où aboutissent trois autres routes. Il faut prendre celle du N. -O. qui, suivant toujours le Kara-Sou, aboutit (7 kil.) au Méandre (aujourd’hui Buyuk-Mendcr- Tchdi). Quelquôs huttes s’élèvent au bord du fleuve qu’on franchit pour arriver (5 kil.) au v. de Andalu. Là le chemin tourne vers l’O., traverse en plaine trois cours d’eau (2 kil. — 3 kil. — 3 kil.) et aboutit (1 kil.) à Aschagha- Nazillu < (10 h. de Gaïra), grand village moderne. A 3 lieues au N. dans la montagne est l’emplacement, de l'ancienne ville de Maslaurà. Aux portes d’Aschagha-Nazillu, à l’O., coule un ruisseau que la route traverse, puis un second (7 kil.), après lequel on rencontre (5 kil.) un petit -hameau. On atteint ensuite (1 kil.) le v. de Akchèh-Bazaret, laissant à droite la route directe de Trallcs, on monte à (5 kil.)
Sultan-Hissar, v. avec une forteresse moderne. Il est bâti sur le versant de.la montagne. Au-dessus et un peu à l'O. s’étendent les ruines de l’ancienne ville de Nysa, ruines peu intéressantes. On y voit des vestiges d’un théâtre, d’un amphithéâtre et d'un pont sur le petit ruisseau au bord duquel s’élève le village moderne.
La route descend au S. -O., traverse un ruisseau (3 kil.) et débouche sur le grand chemin qui va à Aïdin-Guzel-Hissar (I kil.). On se dirige à l’O., en se rapprochant du Méandre, puis remontant un peu vers le N., on traverse un ruisseau et on, arrive au (12 kil. v. de Kieuchk. Le chemin redescend vers le S., rencontre une route’ avec laquelle il se confond auprès d’un ruisseau (6 kil.) qu’il faut franchir, passe (5 kil.) encore un ruisseau, de riches vergers, des champs de figuiers, et enfin (5 kil.) un troisième cours d’eau. On aperçoit déjà depuis quelque temps les ruines de Tralles sur une montagne à l’O. Il faut ensuite remonter un peu vers le N., pour arriver (6 kil.) à
Aidin-Guzél-Hissar (11 h. de Aschagha-Nazillu), situé sur le penchant du Messagis, et traversé par une rivière qui descend des montagnes. Au-dessus de la ville moderne, les sommets sont couronnés par les ruines de l’antique Tralles. Cette ville fut fondée, suivant Strabon, par des Argiens, qui lui donnèrent le nom de l'une de leurs tribus. Mais elle a porté divers autres noms. Sa situation, qui ressemble à celle de Magnésie [477] du Méandre, l'a souvent fait prendre pour cette dernière.
La ville moderne de Aïdin [Aydin] est la plus importante de la contrée après Smyrne ; elle n’en est pas moins entièrement construite en bois, à l'exception des monuments publics Elle compte environ 30 000 habitants, dont les deux tiers sont Turcs et le reste chrétien ou juif. Elle sert de résidence à un pacha, renferme quelques belles mosquées, des églises chrétiennes, des synagogues juives et des bazars entourés d’arbres. Son commerce est considérable. On y fabrique des maroquins teints en jaune au moyen de la graine de Perse, qui sont fort estimés. Les environs sont fertiles. De beaux jardins et de grands vergers entourent la ville et s'étendent à ses pieds dans la plaine.
Pour aller aux ruines, au N. -O., on traverse quelques champs d’oliviers. Les débris d'un théâtre se présentent d'abord. Ils se composent de trois grandes arcades, attenantes à des, salles encore ornées de quelques peintures. Au milieu du théâtre, des chapiteaux d’ordre corinthien, et dans la partie, occidentale quelques belles sculptures jonchent le sol. Les environs sont parsemés de débris de colonnes, sle fragments de granit, de chapiteaux. Les mosquées modernes d’Aïdin ont été en partie construites avec des pierres enlevées à ces ruines.
Après Aïdin, la route suit, au pied d'une série de collines qui sont les derniers sommets du Messagis, le bord septentrional de la plaine du Méandre. Elle rencontre (2 kil.) un ruisseau, (1 kil.) une route qui va à Milet, (1 kil.) un second ruisseau, (5 kil.) la rivière de Ekis-Deré et le v. de Karabounar. Puis elle laisse à droite un des chemins d’Ephèse pour franchir (4 kil.) un ruisseau, et traverser (4 kil.) le v. de Boklu. On coupe une autre route d’Éphèse (3 kil.) et on descend vers le S.-O. Presque aussitôt après, il faut franchir une rivière, couper (9 kil.) la route de Milet qui va vers le S., et remontant vers l'O., traverser une seconde rivière qui est l’ancien Lethæus (8 kil.) pour atteindre Ainèli-Bazar (prononciation locale Aïna-bazar) (6 kil. d’Aidin), v. moderne au N. -O. duquel s’élèvent les ruines de Haésie du Méandre. Cette ville faisait partie de la province de Lydie; elle fut fondée à une époque très-reculée par une colonie éolienne, suivant Strabon, et suivant Pline, par des Magnésiens de Thessalie. Elle acquit bientôt une puissance assez considérable pour lutter avec Ephèse. Plus tard elle devint le siège d’un évêché. Les Turcs la détruisirent lors de leur invasion en Lydie. M. Hamilton, d'après les indications de Barbié du Bocage, a le premier reconnu l’emplacement de cette ville, qu’on avait jusque-là confondu avec celui de Tralles.
Magnésie est placée en partie dans la plaine du Letheus, en partie sur le versant du mont Thorax, aujourd’hui Gumusch-Dagh. Les anciennes murailles de la ville, auxquelles on arrive en sortant d’Aïnèh-Bazar du côté du N., et en remontant le Lethæus, sont encore debout en grande partie, et presque intactes à l'endroit où on les rencontre. Elles sont défendues de distance en distance par des tours carrées. Le voyageur qui entre dans l’ancienne enceinte et la traverse de l'E. à l’O. dans la direction de la montagne, rencontre d’abord les ruines du temple de Diane Leucophryne, le plus célèbre des monuments de Magnésie, cité par Vitruve comme le modèle des temples pseudodiptères (v. p. 36). Ce temple a été ruiné par un tremblement de terre. Il est placé dans une enceinte quadrangulaire toute en marbre blanc. Il mesure 50 mèt. de largeur sur 60 de longueur, La plus belle partie de ce temple (une frise de 75 mèt. contenant deux cents figures d'hommes et de [478] chevaux, en très-bon état) a été transportée à Paris et est aujourd’hui au musée du Louvre. — Auprès du temple s’étend le gymnase, vaste édifice très-bien conservé, qui se compose d’une grande salle entourée de plusieurs salles plus petites, et présente tous les caractères d’une construction romaine. A l’O. du temple, dans un lieu marécagéux et couvert de joncs, s’élèvent les ruines d’un petit édifice de l’époque romaine; et sur un tertre voisin, une mosquée bdtie au siècle dernicrjiar les aghas de Gumusch, pour l’usage des caravanes qui se rendent des villages de l'intérieur aux grands martntés de Nazillu et de Aïdin. Un cimetière situé derrière cette mosquée reçoit les morts des villages voisins.
En montant plus haut vers l’O., on rencontre d'autres ruines, mais sans aucune physionomie. Arrivé au coin S.O. de l’enceinte, le regard embrasse d’un côté toute la plaine du Lethœus avec ses ruines, et de l'autre celle du Méandre. Le sommet, sur lequel le voyageur est alors parvenu, porte les ruines de l’hippodrome, dont le pourtour et les sièges sont passablement conservés. Au N. -O., le mont Thorax, qui domine le paysage, avait tout couvert de bois.
Aïnèh-Bazar. la route se dirige au S. -S. -O. en longeant le pied du Thorax et passe (4 kil.) un ruisseau. La plaine du Méandre.s’élargit, on franchit un second ruisseau et on entre (4 kil.) au v. de Giaour-Keui. La route traverse deux ruisseaux (6 kil. — 3 kil.) et le v. de Sou-Keui, passe (3 kil.) un autre petit cours d’eau, remonte légèrement la montagne de Mycale, aujourd’hui .Samsoun-Dagh, et arrive à (3 kil.) Gumèhes. Elle aboutit en longeant le pied de la montagne et redescendant vers le S. à (5 kil.) la route de Priène. Celle-ci se dirige directement vers l’O. et arrive à (4 kil.)
Samsoun, l’antique Priène [Samum Kalesi]. Le v. moderne de Sainsoun (6 h. d’Aïnili-Bazar) est bâti sur le penchant d’une montagne, au milieu desrochers, dans une situation qui domine la plaine du Méandre. Les ruines de Priène s’élèvent (1 kil.) au N. -O. de Samsoun, au pied du mont Mycale (Samsoun-Dagh). Ces ruines peu intéressantes se composent d un grand nombre de murs qui couvrent une grande surface de terrain sur le flanc d’une colline. Au-dessus, se dresse un rocher perpendiculaire comme un mur, qui jiorte quelques vestiges de l'acropole.
Au delà de Samsoun, la route se dirige au S., traverse (1 kil.) une rivière non loin de sa source, et court dans une plaine très-peu accidentée; qui plus loin (7 kil.) devient marécageuse. On franchit le Méandre (7 kil.) pour atteindre (1 kil.)
Palatia (3h. de Samsoun) [Balat], village malsain, composé de quatre ou cinq cabanes, mais qui, d’après quelques voyageurs, occupe l’emplacement de Milet.
Milet, fondée d’abord par des Crétois, puis renouvelée et agrandie par des Ioniens, occupa bientôt le premier rang dans la confédération ionienne, par le génie indiistriel et commercial et la richesse de ses habitants. Elle fonda près de trois cents colonies et tint sur pied jusqu’à cent navires de guerre. L’époque de sa plus haute prospérité est le ve siecle avant. J -C. Elle exportait dans tout le monde ancien des laines estimées et des étoffes de pourpre. Milet donna sqn nom à un premier essai du roman que les littérateurs anciens appelaient des compositions milésiaques; ce qui indique que les lettres n’y étaient pas moins cultivées que le commerce. Les Milésiens adoraient Apollon Didyméen, qui avait aux environs un oracle très-célèbre. — D’autres voyageurs placent les ruines de Milet un peu plus bas, auprès du village de Hiéronda.
Les ruines de Palatia se composent d’un immense théâtre des [480] restes d’un aqueduc, de quelques Miurs et d’une église clirétienne, dont les matériaux ont primitivement appartenu à un temple païen.
De Palatia la route se dirige vers le S. et court sur le sommet d’une chaîne de collines jusqu’au (6 kil.) v. d’Ak-Keui. Au-dessous s’étend une plaine arrosée par un des bras du Méandre. A Ak-Keui la route se bifurque. On prend à gauche et l’on descend dans urie petite plaine qu’on traverse pour; s’engager de nouveau dans les montagnes jusqu’à (10 kil,) Urada, d’où l’on redescend dans une plaine au milieu de laquelle s’élève (3 kil.)
Hiéronda (4 h. de Palatia). Les ruines qui s’étendent au S. du v. de Palatia appartiennent, suivant M. Charles Texier, au temple d’Apollon Didyme. A côté d’énormes blocs de marbre entassés, trois colonnes sont encore debout, dont deux cannelées et d’ordre ionique sont unies par leur architecture; la troisième est isolée et inachevée. Le temple avait 48 mèt. de largeur : le chapiteau ionique employé dans cette construction passait pour le modèle et la perfection du genre. Dans la partie occidentale de ces ruines, on voit un fragment représentant un génie, sans bras, avec de grandes ailes ouvertes. C’est un des chefsd’œuvre de la sculpture monumentale des Grecs.
On revient à (4 h.) Palatia et à (3 h.) Samsoun par le même chemin. (v. ci-dessus.)
Une route directe conduit en 2 h. à Tschanly par la montagne.
Une route plus longue (12 h.), mais plus intéressante, se dirige vers l’O. et suit le pied du mont Mycale, ayant à sa droite la plaine qui se termine au marais de Milet. Au delà du v. de Tomatia (11 kil.) la plaine se resserre à mesure qu’on avance. On marche sur une étroite bande de terre, entre les rochers et la mer, et bientôt (10 kil. ) sur une route en corniche à pic au-dessus de la mer, jusqu’à (17 kil.) l’extrémité du cap Santa-Maria (ancien Trogilium), en face de Samos; à ce point, le chemin tourne à droite et se dirige vers l’E.-N.-E., toujours à pic au-dessus de la mer et en vue de l'île de Samos, arrive (22 kil.) au v. de Giaour-Tschanly, après lequel il franchit quelques sommités plus escarpées, nuis descend vers un ruisseau et se dirige vers l’E., pour arriver dans un étroit vallon où se trouve (8 kil.) le v. de
Tschanly (12 h. de Samsoun) [Canlı]. On se dirige ensuite au N. et, franchissant un plateau étroit au bas duquel est (5 kil.) le v. de Karaman, on traverse une petite plaine, serrée entre les montagnes et la mer, pour arriver à (5 kil.) Arnea. Au sortir de ce v., le chemin franchit un ruisseau, puis monte sur un plateau bientôt dépassé, et redescend (8 kil.) vers
Scalanova (3 h. de Tschanly) [Kuşadası], qui a donné son nom au vaste golfe d’Éphèse. Cette petite ville n’a rien de remarquable, mais on peut se reposer et y renouveler en partie ses provisions.
On sort de Scalanova par le N. -E. La route est très-accidentée. Après avoir traversé une plaine élevée, elle atteint (7 kil.) le v. d’Arvista, puis serpente à travers des vallons étroits, dans des gorges resserrées, ou sur des rampes plus ou moinsrapides, jusqu’à ccciu elle débouche dans la plaine d’Ayaslouk (6 kil.). Peu après on arrive (12 kil.) au v. d’Ayaslouk (3 h. de Scalanova). — D’Ayaslouk à Smyrne (1.5 h.), F. Jt. 76, p. 468-470, lisez a rebours.