Comme Istanbul, Izmir (Smyrne) était une ville cosmopolite tournée vers l'Europe où de multilples nationalités et religions se sont cotoyées pendant deux siècles. La ville moderne est devenue le 2e port de Turquie et garde sa réputation de modernité.
On trouve de nombreux témoignages de l'activité des européens à Izmir, comme cette lettre d'un assureur, ou la lettre d'un agent commercial...
Petite chronologie
- XIe siècle av. J.-C. : installation de colons venus des îles éoliennes
- IXe siècle av. J.-C. : la ville prospère
- 600 av. J.-C. : destruction par Alyatte III, roi de Lydie
- 334 av. J.-C. : conquête de l'Asie mineure par Alexandre
- 27 av. J.-C. : débuts de la domination romaine
- 178 apr. J.-C. : destruction de la ville par un séisme. Elle est reconstruite par Marc-Aurèle.
- VIIe siècle : Izmir est attaqué par les troupes arabes.
- 1076 : conquête par le turc seldjoukide Kutlamış Oğlu
- 1097 : reconquête de la ville par les Byzantins
- 1320 : conquête par les sultans d'Aydın
- 1344 : prise d'Izmir par les croisés
- 1402 : Remise de la ville à Tamerlan
- 1415 : conquête par Mehmet Ier
- 1688 : tremblement de terre
- 1778 : tremblement de terre
- 1922 : grand incendie d'Izmir
Description d'Izmir en 1861 (guide Joanne)
Extrait de Adolphe Joanne et Emile Isambert, Itinéraire descriptif, historique et archéologique de l'Orient, Collection des guides Joanne, Hachette, 1861
Cette description a été écrite avant la nouvelle période d'expansion que connut Izmir à la fin du XIXe siècle.
Smyrne (en grec Smyrna, en turc Izmir), fut, dit-on, selon d'anciennes traditions, fondée par une amazone du même nom, qui avait auparavant conquis Ephèse ; aussi Smyrne passait-elle pour une colonie des Ephésiens. Ceux-ci, chassés par les Eoliens, reprirent plus tard la ville avec l'aide des Colophoniens. Selon Hérodote, Smyrne était d'origine éolienne, et les Colophoniens s'en emparèrent par surprise.Quoi qu'il en soit, Smyrne cessa d'appartenir à la confédération éolienne vers 688 avant J.-C. pour entrer dans la confédération ionienne. Elle sut repousser les attaques du roi de Lydie Gygès ; mais prise et détruite par Alyatte en 627, elle ne présenta, pendant quatre cents ans, qu'un monceau de ruines. Alexandre le Grand forma, dit-on, le projet de la rebâtir, mais cette œuvre ne fut commencée que par Antigone et terminée par Lysimaque. La nouvelle ville, bâtie à 20 stades de l'ancienne, devint la cité la plus riche et la plus splendide de l'Asie Mineure, tandis que son commerce la mettait à la tête des villes de l'Eolie. Pendant les guerres de Mithridate, Smyrne, fidèle aux Romains, en reçut toute sorte de bienfaits. Mais plus tard, ayant donné asile à Trébonius, un des meurtriers de César, elle fut assiégée et prise par Dolabella. Sous Tibère, Smyrne obtint le privilége équivoque d'élever un temple à l'empereur. En 178 et 180 après J.-C., la ville, désolée par des tremblements de terre, put se relever, grâce à la munificence de Marc-Aurèle. Smyrne était, on le sait, une des villes qui se glorifiaient d'avoir donné naissance à Homère : ses habitants avaient construit en l'honneur du divin vieillard un temple nommé l'Homereion, avec la statue du poëte. On montrait aussi au bord du Mélès une grotte où Homère avait, dit-on, composé ses poésies. Smyrne n'était pas seulement une grande ville de commerce, elle possédait aussi une école de rhétorique et de philosophie très-renommée. Le christianisme s'y introduisit de bonne heure, et Polycarpe, son premier évêque, souffrit le martyre au milieu du stade, en l'année l66. Sous la domination byzantine, la ville eut à souffrir bien des vicissitudes. Vers la fin du XIe siècle, étant tombée entre les mains d'un chef turc nommé Tzakhas, elle fut presque détruite par la flotte grecque , commandée par Jean Ducas (1097). Relevée par l'empereur Jean-Ange Comnène, elle fut saccagée en 1402 par Tamerlan. Peu après, en 1424, elle fut conquise définitivement par le sultan Murad II. Les Turcs l'ont gardée jusqu'à nos jours. En 1841, un incendie terrible l'a détruite en partie.
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Smyrne, tombeau de St Polycarpe et la ville
Carte envoyée en 1918
Polycarpe est le saint patron de Smyrne. Converti au christianisme naissant vers 80, il devint l'évêque de la ville.en 96. Vers 158, il alla à Rome. Il fut, dit-on, martyrisé et brûlé vers 167. Les chrétiens recueillirent ses ossements.
Remarquez le cimetière musulman et ses pierres tombales devant le tombeau de Polycarpe, au premier plan.
Il existe toujours à Izmir une église Saint Polycarpe restaurée en 1620.
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Smyrne moderne (Guide Joanne 1861)
Sans la beauté du golfe où Smyrne baigne ses pieds, sans la nature splendide de ses campagnes, sans la douceur de son climat et l'éclat de son ciel lumineux, la ville moderne répondrait difficilement aux épithètes qu'on lui a données de tout temps : Smyrne l'Aimable, la Couronne de l'Ionie, la Perle de l'Orient, l'Oeil d'Anatolie.
On y reconnaîtrait à peine les descriptions enthousiastes qu'en faisaient les voyageurs du commencement de ce siècle, tant elle a perdu, depuis trente ans, de cette richesse et de cette activité commerciale qui en avaient fait la reine de l'Asie Mineure. Aujourd'hui son port est sans animation, son bazar sans activité ; les rues du quartier franc sont mornes , sans que la ville turque ait gagné ce qu'a perdu la population étrangère autrefois maîtresse de la ville. Plusieurs causes peuvent être attribuées à cette décadence : l'incurie de l'administration turque, le système des monopoles qui, sous le règne de Mahmoud, ont tué son industrie, et surtout l'extension de la navigation à vapeur, qui a déplacé le mouvement commercial. Smyrne était autrefois l'entrepôt central de l'Asie Mineure : de tous les points de la Péninsule, des profondeurs de l'Arménie et des frontières de la Perse, comme des cités opulentes de la Syrie, des caravanes sans nombre apportaient à Smyrne les productions du sol et de l'industrie asiatique, pour y être échangées avec les marchandises européennes. La navigation à vapeur a changé tout cela ; les Échelles de Syrie, desservies régulièrement par les paquebots, n'ont plus besoin d'envoyer leurs marchandises à Smyrne ; Trébizonde et les Echelles de la mer Noire ont également arrêté les caravanes qui venaient de l'Arménie et de la Perse. Smyrne s'est donc trouvée réduite à n'être plus que l'entrepôt de la partie occidentale de la Péninsule, en même temps que son industrie locale, les fabriques de soie, de châles, etc., étaient tuées par la concurrence des produits manufacturés de l'Europe et les causes diverses que nous avons signalées [...]. Aujourd'hui Smyrne fabrique encore des tissus communs, des tapis de qualité supérieure, de la cire, de la soie : elle exporte de la cire, de la vallonée, mais surtout des fruits secs, du raisin et des figues. On peut espérer de voir renaître la prospérité de Smyrne, si les réformes dans l'administration n'étouffent plus son industrie, si l'amélioration des routes et la construction des chemins de fer rétablissent en sa faveur la facilité des communications ; l'excellence de son port, sa proximité de l'Europe lui rendront alors ce qu'elle a perdu. Smyrne compte aujourd'hui environ 150 000 habitants, dont 80 000 Turcs, 40 000 Grecs, 15 000 Juifs, 10 000 Arméniens et 5800 Franks ou Européens vivant sous la protection de leurs consuls ; aussi les turcs l'appellent-ils Giaour Izmir [Gavur Izmir], Smyrne l'infidèle. Comprise dans l'Eyalet d'Aïdin, Smyrne est cependant le chef-lieu d'un gouvernement particulier, régi par un pacha. C'est le siége d'un archevêché grec, d'un arménien et d'un mollah de première classe. La ville est de forme elliptique et présente le long du golfe un développement d'environ 3 kilomètres.
Du côté de la terre, elle s'élève sur les pentes du Kizildag ou mont Pagus. Elle compte à peu près autant de quartiers distincts que de cultes [cette situation a évolué à la fin du XIXe siècle]. Les Franks et les Grecs demeurent le long de la mer et dans la partie N. Le quartier arménien est plus rapproché des hauteurs. Les Turcs occupent toute la ville haute et la partie O. de la ville. Le quartier juif est placé entre le quartier arménien et le quartier turc. Les maisons ne s'élèvent jamais jusqu'à deux étages ; la plupart sont construites en bois, avec un toit brun et sans cheminées, si ce n'est dans le quartier franc. Celui-ci comprend les hôtels, les cafés bâtis sur pilotis, les habitations des négociants et les demeures consulaires qui n'ont rien de monumental. La rue principale, parallèle au port, s'étend au S. vers le Bazar, et se continue au N., à partir du Casino ou club de Smyrne avec le quai anglais, promenade agréable, mais malheureusement trop restreinte, seul endroit de la ville où les maisons ne baignent pas leur pied dans la mer et d'où on puisse admirer le golfe. Dans ce quartier, les maisons sont blanches, propres et souvent construites en pierre. C'est surtout dans la rue des Roses que l'on verra les plus belles habitations. Ces maisons, fort simples à l'extérieur, laissent apercevoir par la porte une cour pavée d'un fin cailloutis imitant la mosaïque, avec une gracieuse fontaine au centre, et entourée d'un élégant portique soutenu par des colonnes en marbre avec des soffites décorés d'arabesques ou d'ornements en stuc. Derrière la cour s'ouvre ordinairement un frais jardin. Tout respire le confortable dans ces maisons de la classe opulente. Le petit nombre de fenêtres qui donnent à l'extérieur sont librement ouvertes et non garnies de moucharabis ; les toits surplombent et tendent à se rejoindre souvent d'un côté de la rue à l'autre.
Les établissements européens que l'on peut visiter avec intérêt sont : l'église latine, la maison des Lazaristes et celle des Sœurs de charité, qui se livrent à l'éducation des enfants indigènes avec un succès justifié par leur esprit de tolérance et par les soins charitables qu'ils donnent aux malades de toute croyance. L'église grecque Hagia Photini, semblable à toutes les églises de ce genre, et décorée à l'intérieur de fresques plus que médiocres, possède un beau clocher tout neuf, et présente dans son cloître extérieur une plaque consacrée à la mémoire d'un de nos compatriotes, Clément Boulanger, peintre de talent, mort, il y a quelques années, dans une excursion à Ephèse. L'Église Saint-Georges est de fondation récente. Dans le quartier turc, à l'O. de la ville, nous mentionnerons le konak ou résidence du pacha, édifice en bois, qui n'a rien de remarquable que ses grandes dimensions ; la nouvelle caserne, vaste bâtiment avec de grandes galeries ouvertes sur la mer : elle peut contenir plus de 3000 hommes, et l'intérieur en est tenu avec beaucoup d'ordre et de propreté.
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Smyrne, les quais la belle vue
Carte envoyée au début du XXe siècle.
Ces quais, longs de 4 kilomètres permirent le développement du port d'Izmir où les bateaux purent enfin accoster. Ils symbolisèrent la modernisation de la ville.
Smyrne, la grande caserne
Carte postale publiée par Sarantopoulos, envoyée d'Izmir en Allemagne en novembre 1914.
La caserne fut construite vers 1830 près du Konak.
Le Sporting Club
Carte publiée par Sarantopoulos, Smyrne. Le Sporting Club, un club élitiste où se rencontraient les riches smyrniotes était situé le long des quais. Elle est écrite en Grec et fut envoyée à Athènes.
Smyrne - L'entrée du port
Smyrne - Le port
Une vue des quais très animés avec les rails du tramway (signalés par les mots "Ligne du tram"). Au fond, on aperçoit le bâtiment de la douane (Pasaport). Carte postale envoyée en 1921, éditée par "Sabetay J. Cohen Papeterie, Bazar Arapian 54, Smyrne".
Smyrne, port intérieur, carte postale envoyée en 1919
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Mosquée et Bedesten (Guide Joanne)
[suite du texte du Guide Joanne 1861] Les mosquées de Smyrne peuvent être accessibles aux chrétiens, avec la précaution d'ôter ses chaussures et d'y garder un maintien respectueux. La principale mosquée, Essar-Djami [Hisar camii], se reconnait à ses nombreuses coupoles et à ses minarets, où s'enroulent de larges spirales de couleur rouge. L'intérieur est tapissé de nattes et de tapis et décoré d'une quantité de lampes, d'œufs d'autruche, de queues de cheval, etc., qui pendent de la voûte. La mosquée du Bézestein, située près du grand Bazar, mérite aussi une visite. La fontaine des ablutions est recouverte d'une rotonde à chapiteaux corinthiens, d'une ornementation assez riche. A peu de distance, on admirera une autre fontaine encastrée dans le mur et délicatement incrustée de fleurs, de feuillages et d'inscriptions arabes. Le Bézestein [Bedesten] de Smyrne est vaste et bien fourni de marchandises de toute sorte. Il occupe à peu près le centre de la ville à la jonction des quartiers turc, grec et juif, et se compose d'un grand nombre de rues couvertes, garnies de boutiques. L'aspect pittoresque de ce bazar et de la population qui s'y presse intéressera vivement l'étranger qui commencerait par Smyrne sa tournée d'Orient; [...] Nous renverrons aux mêmes chapitres pour ce qui concerne le Bazar d'esclaves, cour entourée d'arcades en ruines, aujourd'hui abandonné, et au khân du grand vézir, vaste entrepôt occupé surtout par des Persans.
Sidrivan djamessi (Şadırvan Camii)
Cette mosquée fut construite à la fin du XVIe siècle et restaurée plusieurs fois au XIXe siècle. Carte postale envoyée dans les années 1920, éditée par "Sabetay J. Cohen Papeterie, Bazar Arapian 54, Smyrne".
Kestene Bazar djamissi (Kestanepazarı camii)
Cette mosquée fut construite vers 1668 par Eminzade Ahmet Ağa et modifiée au XIXe siècle. Carte postale des années 1920, éditée par "Sabetay J. Cohen Papeterie, Bazar Arapian 54, Smyrne".
Hisar camii
Située dans le quartier de Konak, près du marché de Kemeraltı, elle fut construite par Aydınoğlu Yakup Bey entre 1592 et 1598.
Carte postale du début du XXe siècle.
Başdurak camii
Cette mosquée, située dans le quartier de Konak, près du marché de Kemeraltı, a été construite par Hacı Hüseyin en 1652 d'apès Evliya Çelebi. Elle a été restaurée à plusieurs reprises.
Carte postale envoyée en 1935.
Le Pont des caravanes (Guide Joanne)
Smyrne pendant les temps de neige
Le Mont Pagus (Guide Joanne)
Smyrne, le centre de la ville
Smyrne, Le Passeport et L'échelle de la Compagnie Hamidié
Le Pasaport, l'ancienne douane, existe toujours et a été transformé en centre commercial.
Izmir après l'incendie de septembre 1922, vue d'une église
Librairie Ruben Cattan, Smyrne
En 1922, après la reprise, par les troupes turques, de la ville occupée par l'armée grecque, elle fut ravagée par un grand incendie qui détruisit des milliers de bâtiments. On en voit ici les ruines avec une église (probablement l'église Evangelismos tis Theotokou construite en 1908) en arrière-plan. Cette carte date d'avant 1928 puisqu'elle comporte encore une légende en ottoman.
Intérieur d'une mosquée à Izmir
Izmir vers 1925
Izmir, Gazi Park, années 1930
Dans le parc, la statue équestre de Mustafa Kemal Atatürk fait face à la mer.
Carte éditée par Ethem Ruhi, Izmir.Elle porte un cachet B. S. Alazraki.
Izmir, Konak, années 1930
Carte éditée par Ethem Ruhi, Izmir.
A comparer avec la carte ci-dessous du début du XXe siècle, éditée par S. Sarantopoulos, Smyrne
Izmir, Türk ocağı, 1935
Carte postale envoyée en 1930, photo Etem Ruhi.
Le bâtiment au fond à gauche, le Türk ocağı binası est actuellement un théâtre d'état;
Izmir, Salepçi Camii
Carte datée 1939.
La mosquée Salepçi Camii a été construite en 1906.
Izmir, Genel görünüsü
Izmir, tour de l'horloge
Carte postale des années 1930-1950.
Izmir, umumi görünüs, 1951
Vue de la place du Konak depuis la mer. La rive est alors peu aménagé. La mer semble plus proche de la place. Carte au format 6 x 9 cm.
Izmir Kordonu
Izmir Fuari 9 Eylül kapisi
Carte envoyée en 1954, photo Cemal
La Foire Internationale d'Izmir fut créée en 1923. Elle permet à la fois de faire connaître les entreprises turques et aux entreprises étrangères de trouver des débouchés en Turquie. Elle accueille 1,5 millions de visiteurs.
A voir (en Anglais) : http://ief.izfas.com.tr/en/anasayfa/
La foire d'Izmir
Photographie
Izmir Atatürk aniti
Monument à Mustafa Kemal Atatürk, sculpture de l'italien Pietro Canonica, commandée en 1929 et inaugurée en 1932.
Carte envoyée en 1954.
Izmir, Cérémonie près du monument à Atatürk, années 1930
Izmir, le tramway
Photographies, vers 1950
A lire
KONTENTE Léon, Smyrne et l'Occident de l'Antiquité au XXIe siècle, Yveline éditions, 2008, 920 pages. Une somme sur le sujet ! avec sources à l'appui.
MEYER Guy. Les ruines de Smyrne dans les relations des voyageurs (XVIIe-XIXe siècles). Étude préliminaire. In: Journal des savants, 2008, n°2. pp. 273-381. lien : www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_2008_num_2_1_5890