Dubeux introduit le principe de l'harmonie vocalique qui avait jusqu'ici été ignoré dans les ouvrages sur le Turc, comme il l'explique dans l'avertissement que nous reproduisons.

 Louis Dubeux
Eléments de la grammaire turque à l'usage des élèves de l'Ecole impériale et spéciale des langues orientales vivantes, par Louis Dubeux, professeur de langue turque, membre de la Société asiatiqu, etc
Paris, chez Benjamin Duprat, libraire de l'Institut, de la Bibliothèque impériale, des sociétés asiatiques de Paris, de Londres, de Calcutta, etc, 7 rue du Cloître Saint-Benoît
1856
120 pages

Disponibilité : Google

Sommaire :
Chap I : De l'alphabet, de la lecture et des signes de numération
Chap II : Règles d'euphonie et de permutation des lettres [Explication de l'harmonie vocalique]

"Tous les mots turcs se partagent en deux classes, savoir : la classe forte ou dure, et la classe faible ou douce. Ceux d ela classe forte doivent toujours se prononcer avec les voyelles fortes a, i dur, o, ou, et ceux de la classe faible avec les voyelles faibles è, i, eu, u. Le mélange des voyelles des deux classes est impossible. Ainsi le mot ounoutmaklik "oubli" a pour voyelles ou, ou, a, i dur, toutes de la classe forte. Le mot keupekler "chiens" ne contient au contraire que des voyelles faibles. Il serait impossible de substituer aux fortes du mot ounoutmaklik leurs corrspondantes faibles, et de dire unutmeklik, tout comme de remplacer les douces de keupekler par les fortes correspondantes".

Chap. III : Des parties du discours
Chap. IV : De l'adjectif et des degrés de comparaison
Chap. V : Des noms de nombre
Chap. VI : Des pronoms
Chap. VII : Du verbe
Chap. VIII : De la postposition
Chap. IX : De l'adverbe
Chap. X : De la conjonction et de l'interjection
Chap. XI : Des noms dérivés et des suffixes

 Avertissement

Les travaux de M. Roehrig sur les lois euphoniques qui régissent les idiomes tartares ont modifié un grand nombre de principes admis jusqu'à présent dans la grammaire turque. Il ne serait plus possible aujourd'hui d'attribuer au dialecte ottoman dix déclinaisons pour les noms ou douze conjugaisons pour les verbes. On ne pourrait pas davantage, malgré l'extrême similitude des formes, supposer l'unité de la déclinaison ou de la conjugaison. A ces hypothèses élevées sur des observations incomplètes, M. Roehrig a substitué un système qui repose sur les principes euphoniques de la langue, et dont l'expérience a démontré l'exactitude.

Toutefois, pendant ses voyages en Turquie et en Tartarie, ce savant a reconnu que dans la langue usuelle les règles d'euphonie souffrent quelques exceptions. Il explique ces anomalies par l'état peu avancé de la civilisation dans certaines contrées, et plus encore par la différence d'origine des habitants. En effet, parmi les peuples qui parlent des dialectes tartares, quelques-uns manquent tout à fait de culture intellectuelle [sic], tandis que d'autres appartiennent à des races étrangères et ne peuvent jamais se corriger complètement de leurs habitudes naturelles de prononciation. Telles sont les causes qui ont amené des altérations dans le langage parlé ; mais, tout en reconnaissant leur existence, on est forcé d'admettre que le principe d'euphonie n'en subsiste pas moins dans toute sa rigueur.

Depuis longtemps je me proposais de publier une grammaire turque fondée sur le système d'euphonie mis en lumière par M. Roehrig. Comme professeur, c'était mon devoir, et un sentiment tout personnel m'y engageait d'ailleurs ; car, je l'avoue, il m'aurait été pénible de laisser à d'autres le soin d'appliquer à un ouvrage spécial ces doctrines que j'ai déjà fait connaître au public par la voie du Journal asiatique et dans mes leçons. Une grave considération m'a contraint de différer jusqu'à présent.

Quelques points de la grammaire turque, étrangers à l'euphonie, et pour la solution desquels, par conséquent, les travaux de M. Roehrig ne pouvaient être d'aucun secours, me paraissaient réclamer un nouvel examen. Passer sous silence ces difficultés, eût été accorder une sanction implicite à ce que je regarde comme de véritables erreurs. Mais, d'un autre côté, il fallait y réfléchir de la manière la plus sérieuse, avant de contester des opinions en faveur desquelles militaient la consécration du temps et l'autorité des hommes les plus éminents dans les études orientales. D'ailleurs, prises en elles-mêmes, et abstraction faite de toute considération étrangère, les questions qu'il s'agissait de trancher avaient une assez grande importance, comme on va en juger.

Meninski et la plupart des grammairiens qui ont écrit sur la langue turque à des époques récentes, admettent dans cette langue un grand nombre de gérondifs. Quelques-uns en reconnaissent jusqu'à treize ; car on a réuni sous cette dénomination commune, plusieurs espèces de mots qu'une analyse incomplète et des idées peu exactes sur la nature du gérondif latin, ont fait considérer à tort comme pouvant appartenir à cette classe. Cependant si l'on y regarde avec attention, il faudra bien avouer que ces prétendus gérondifs sont, les uns des participes actifs. les autres des expressions composées. De pareilles méprises surprennent d'autant plus, que les idiomes tartares possèdent de véritables gérondifs dans les cas obliques de l'infinitif, lorsque celui-ci est employé comme nom d'action et se décline. J'ai analysé avec le plus grand soin les treize espèces de mots dont il s'agit, et je les ai distribuées suivant l'ordre qui m'a paru le plus conforme à la nature de leurs fonctions.

J'avais encore à décider un autre point tout aussi grave, relatif à la déclinaison. Suivant la plupart des grammairiens, les terminaisons des noms turcs constituent de véritables cas, tandis que, suivant d'autres, on ne doit y reconnaître que des postpositions. Il est vrai que les syllabes finales des noms turcs ne sont pas. des cas comme ceux du sanscrit, du grec et du latin. Un fait bien simple suffit à le démontrer : ces terminaisons ne forment pas une partie intégrante des noms auxquels on les joint, et ne se confondent pas avec eux, puisque dans un grand nombre de circonstances on peut les supprimer. Mais ce manque de cohésion entre les deux éléments du mot doit-il nous faire croire à l'existence de postpositions dans les syllabes finales ? La conclusion est douteuse, car le signe de pluralité se détache également des mots auxquels il appartient, et cependant nul n'y reconnaîtra une postposition.

D'ailleurs, et ceci semble probant, les terminaisons des noms turcs sont une sorte d'apocope et d'affaiblissement des mêmes terminaisons dans les autres dialectes tartares. Or, en supposant même que ces terminaisons aient été dans l'origine des postpositions, question que je réserve tout entière, il est évident que les terminaisons turques, amoindries et privées des gutturales qui les caractérisent en tartare, dépouillées de toute signification propre et soumises elles-mêmes à l'influence des postpositions, ne sont plus que de simples signes des cas. La question amenée à ces termes, il devient manifeste que l'on peut admettre des déclinaisons dans le dialecte turc, et c'est tout ce que nous voulons prouver.

Ajoutons une dernière considération, et celle-ci sera décisive pour la majeure par de des. lecteurs comme elle l'est pour nous : de Sacy a rangé la langue turque au nombre de celles qui ont des cas.

Tels sont les principaux points sur lesquels il a fallu former mon opinion avant de publier ces rudiments. Là toutefois ne se bornait pas ma tâche, car je devais encore essayer de préciser avec plus d'exactitude qu'on ne l'a fait jusqu'ici les fonctions des suffixes. Enfin, il me restait à déterminer la valeur et la nature d'un assez grand nombre de mots et de formes dont la composition on le sens n'avaient pas été éclaircis.

Je n'ai rien dit de la grammaire arabe ni de la grammaire persane : ce sont des études à part que je ne pouvais pas traiter dans un livre élémentaire comme celui-ci, et pour lesquelles il faut consulter les ouvrages spéciaux. Cependant, j'ai cru indispensable d'ajouter aux principes de M. Roehrig sur l'euphonie turque, la manière de prononcer les mots arabes et persans, si communs dans l'idiome de Constantinople.

Je n'ai pas joint à cet abrégé un modèle de lecture, comme il s'en trouve dans la plupart des ouvrages du même genre. Ces sortes de modèles me semblent plus propres à jeter le trouble et la confusion dans l'esprit des commençants qu'à leur apprendre quelque chose. Comment, en effet, pourrait-on deviner la prononciation d'un mot inconnu, puisque les trois signes qui représentent les voyelles répondent à huit sons différents ? C'est pour la même raison que j'ai supprimé partout ces signes et que je les ai remplacés par la transcription en caractères latins. Depuis longtemps déjà, Meninski avait adopté ce moyen et l'avait mis en pratique, dans sa grammaire et dans ses dictionnaires.

Malgré l'autorité de quelques graves auteurs, j'ai conservé dans mes transcriptions la valeur du hé qui termine plusieurs mots turcs, et j'ai rendu cette lettre par "à". Car dans la plupart des cas elle remplace une gutturale. Il faut donc en tenir compte, ne fût-ce que pour l'étymologie. Elle est d'ailleurs la caractéristique du datif. Je la conserve de même dans les mots persans, où souvent aussi elle tient lieu d'une gutturale. Je ne la transcris pas, cela est évident, dans les mots d'origine sémitique.

Il est à peine nécessaire d'observer que dans les transcriptions la lettre à conserve toujours le son qui lui est propre, et qu'elle ne s'adoucit jamais entre deux voyelles.

Les auteurs de la plupart des grammaires turques publiées jusqu'à présent, ont adopté, d'après Meninski, l'ordre des temps et des modes suivi dans les grammaires latines. Cependant déjà, en 1820, Abel Rémusat avait observé que dans les langues de la Tartarie l'impératif est le thème du verbe et que toutes les autres formes en dérivent. J'ai, d'après cela, placé ce mode en tête de la conjugaison, comme l'a fait avant moi M. Redhouse.

Les observations jetées dans quelques parties de ces rudiments ont pour but de faire connaître les règles les plus importantes de la concordance et de la construction. Un traité complet de syntaxe aurait exigé des développements qui ne sauraient trouver place dans un abrégé. Je me réserve de traiter ailleurs avec étendue cette partie de la grammaire.

Au reste, quelque faible que soit la valeur de cet opuscule, les élèves de l'École des langues orientales, auxquels, il est particulièrement destiné, y trouveront un avantage, celui de substituer dans nos conférences un seul livre d'enseignement à ce grand nombre d'ouvrages grammaticaux, estimables sans doute, mais conçus dans des systèmes souvent opposés et quelquefois même inconciliables.
 

Compte-rendus
"M. Dubeux [1798-1863] vient de faire paraître une grammaire turque élémentaire, dans laquelle il s'est efforcé de simplifier la théorie des formes grammaticales turques par l'application des principes d'euphonie... [Eléments de la grammaire turque par Louis Dubeux, Paris, 1856, in-8°, XIII, 120 pages]"
Extrait de "Annales de philosophie chrétienne, 4e série, Tome XIV, 1856", p. 412-413 

"Eléments de la grammaire turque, à l'usage des élèves de l'Ecole impériale et spéciale des langues orientales vivantes, par Louis Dubeux, Paris, librairie de Banjamin Du prat, 1856, in-12 de XIII-120 pages. - la grammaire que oublie M. L. Dubeux est fondée sur le système d'euphonie des idiomes tartares, mis en lumière par M. Roehrig, système que le savant professeur avait, le premier, fait connaître au public français par la voie du Journal Asiatique et dans ses leçons. Quelques points de la grammaire turque, pour la solution desquels les travaux de M. Roehrig ne pouvaient être d'aucun secours, présentaient des difficultés que M. Dubeux s'est attaché à surmonter ; il expose dans son avertissemnt les raisons qui l'ont déterminé à s'écarter souvant des méthodes suivies par quelques-uns de ses devanciers. Les élèves de l'école des langues orientales, auxquels cet opuscule est particulièrement destiné, y trouveront l'avantage de remplacer, par un seul livre d'enseignement, un grand nombre d'ouvrages grammaticaux conçus dans des systèmes opposés, ou même inconciliables."
Extrait du "Journal des Savants", année 1856, p. 575

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