Manisa (Manissa, Magnésie du Sipyle en français jusqu’au début du XXe siècle) est une ville de la province égéenne, proche d'Izmir, et dont la population est d'environ 350 000 habitants.
Carte postale, Magnésie près Smyrne
Vue générale de Magnésie près Smyrne
Editeur : J. Molko, Agent de change, local Hönischer, Quais - Smyrne
La mention de l'éditeur J. Molko apparaît sur plusieurs cartes postales sur Izmir (Smyrne) et sa région.
Au premier plan, à droite, la mosquée Muradiye, construite pour Murat III en 1583 et 1586. Elle fut conçue par Sinan, mais construite par les architectes Mahmud Halife et Sedefkar Mehmed Aga. A gauche, la mosquée Hafsa ou Sultan Camii et son complexe furent construits en 1522 à la demande de Ayşe Hafsa Sultan, femme de Selim Ier et mère de Soliman le magnifique.
Histoire et géographie de Manisa vers 1900
Extrait de Vital Cuinet, La Turquie d'Asie: géographie administrative, statistique, ... 1894, Volume 3, page 535 et suivantes
MAGNÉSIE (du Sipyle), chef-lieu du sandjak de Saroukhan, du merkez-caza de Manissa, résidence officielle du mutessarif, siège des autorités civiles et religieuses et de tous les services publics, à l'exception des forces militaires dont le quartier central est à Kassaba, est située à l'ouest du sandjak de Saroukhan et du vilayet de Smyrne, par 58° 8' de longitude et 38° 38' de latitude, sur le versant nord du Manissadagh (mont Sipyle) et la rive gauche du Ghédiz (Hermus) à 3 kilomètres au sud de ce fleuve, à 33 kilomètres au nord-est de Smyrne, à 88 kilomètres au nord-ouest d'Aïdin en ligne directe, et à 100 kilomètres à l'ouest d'Alachèhr (Philadelphie).
La France, la Perse, l'Italie et la Grèce ont des agents consulaires à Magnésie.
Population. - La population de cette ville, comprise dans le chiffre précité de celle du merkez-caza est très approximativement de 35,000 habitants, comme suit :
Musulmans 21,000 hab
Grecs orthodoxes 10,400
Arméniens grégoriens 2,000
Etrangers 600
Israélites 1,000
Outre la population fixe sus-énoncée, il y a à Magnésie, ainsi que dans plusieurs autres villes du sandjak de Saroukhan, une population étrangère flottante dont il n'est pas tenu compte ici. Cette population étrangère appartient à divers cultes, parmi lesquels dominent surtout la religion catholique et les différentes confessions protestantes ; il serait assez difficile de déterminer le chiffre approximatif de leurs adhérents. On peut seulement indiquer le nombre des édifices consacrés à chaque culte, et qui consistent en 30 mosquées, 4 églises grecques orthodoxes, 2 églises arméniennes grégoriennes, 1 église catholique, temple protestant (américain) et 3 synagogues. L'église catholique et le temple protestant appartiennent aux étrangers.
[Monuments de Manisa]
Parmi les mosquées, plusieurs méritent d'être citées, tant comme monuments qu'au point de vue historique. Les principales sont Oulou-Djami (la grande mosquée), bâtie sur le point culminant de la ville dans un site très pittoresque. C'est l'ancienne église grecque des trois hiérarques. On y voit le tombeau du prince de Magnésie, Isaac Tchélébi, détrôné par le sultan ottoman Bajazet Ier, et ceux de sa femme et de ses deux fils ; 2° Turbé Djamissi (la mosquée du tombeau), située au centre du principal quartier, et ainsi nommée parce qu'elle renferme le Turbé ou chapelle funéraire de l'émir Saroukhan ; 3° Mouradié-Djamissi (la mosquée de Mourad), bâtie en 1591 par le sultan Mourad III. Elle possède une bibliothèque remarquable. Au nombre des dépendances de cette mosquée et des deux autres grandes mosquées impériales à deux minarets, ouvrages du même sultan, il faut citer, 1 imaret ou hospice pour les étudiants pauvres ; 1 Déli-hané ou hôpital des fous ; 1 bain public ; 1 caravanséraï (hôtellerie monumentale) et 1 médressé ou école de droit et de théologie islamique. Tous ces édifices existent encore et sont entretenus en parfait état de fonctionnement. Mais le palais que le sultan Mourad II fit construire à Manissa vers 1444, avec ses magnifiques jardins et ses splendides sépultures de famille entourées de bois de cyprès, - fondation rivale du palais impérial de Brousse - tombe en ruines.
[Géographie de Manisa]
La ville actuelle de Magnésie est partagée en trois grandes sections par des torrents qui descendent du mont Sipyle. La section du sud, adossée à la montagne qui la domine verticalement, comprend les quartiers Diz-mahallé et Kara-Keuï ; celle du milieu contient le grand-Bazar, vaste édifice qui répond à toutes les exigences du commerce, quoique assez mal tenu et constitue presque à lui seul cette partie de la ville ; la section du nord est formée des trois quartiers Saz-mahallé, Arménianmahallé et Ala-Bey. Vue de la plaine, cette ville offre un aspect d'une rare beauté ; elle peut compter comme un des plus beaux sites de l'Asie Mineure. Il est encore relevé par la grande animation du paysage, le mouvement commercial continuel entre Magnésie et Smyrne et les nombreuses caravanes qui parcourent les environs. Toutefois, comme pour beaucoup de villes d'Orient, l'intérieur de la ville ne répond pas à l'idée qu'on s'en était ainsi formée.
Ecoles. Il y a à Magnésie et dans le merkez-caza 52 écoles dont 7 secondaires et 45 primaires, fréquentées par 2,495 élèves dont 1,875 garçons et 620 filles [...].
Outre les édifices anciens précités, auxquels il faut ajouter une grande bâtisse en bois, assez bien conservée, que le gouverneur actuel loue comme dépôt à la régie des tabacs, et qui fut le palais des princes Kara-Osman-Oghlou, on peut citer encore la forteresse dont les derniers débris vont bientôt disparaître, et, parmi les constructions nouvelles, trois hôpitaux, l'un musulman, entretenu aux frais de la ville ; un second, appartenant à la communauté grecque orthodoxe et un troisième fondé récemment pour les Arméniens grégoriens.
Il existe à Magnésie environ 250 boutiques occupant un grand nombre d'ouvriers à la confection de tissus indigènes de très bonne qualité, qui surmontent la concurrence des étoffes étrangères, malgré le bas prix de celles-ci. Cependant, ces ouvriers ne travaillent qu'en hiver, préférant pendant la belle saison s'occuper d'industries agricoles beaucoup plus lucratives. L'industrie des cuirs et peaux, tannage, mégisserie, maroquinerie, etc, est exercée en grand dans cette ville.
Notices historiques. On sait par Homère que Prothous conduisit à la guerre de Troie une tribu hellénique, les Magnètes, et Tacite nous apprend que, de retour dans leur patrie, ces Magnètes firent une nouvelle expédition en Asie où ils fondèrent Magnésie sur le Méandre. Un certain nombre de guerriers de la même tribu remontèrent vers le nord et s'établirent dans les terres du mont Sipyle d'où ils prirent le nom de « Magnètes a Sipylo. » C'est là tout ce que dit l'histoire touchant l'origine de Magnésie du Sipyle qui ne commença à devenir célèbre qu'à partir de la bataille gagnée dans son voisinage par Scipion l'Asiatique sur Antiochus III, en 190 av. J.-C. Elle se rendit aux Romains sans résistance, et devint après de nouveaux siècles d'obscurité politique, mais de prospérité commerciale, la seconde capitale de l'empire de Nicée, fondé du temps de l'empire latin de Constantinople par Théodore Lascaris.
[Période byzantine]
Son gendre et successeur, Jean Ducas Vatace, y établit sa résidence, en 1222. Les empereurs de Nicée, cependant, reprirent Constantinople qui se trouvait en ce moment dégarnie de troupes, le 26 juillet 1261 ; et Michel Paléologue, qui régnait alors, s'empressa d'abandonner sa résidence d'Asie Mineure pour rentrer triomphalement dans la capitale du Grand Constantin. Cet abandon des empereurs laissa leurs possessions asiatiques fort exposées aux entreprises des musulmans ; pour les contenir, Andronic Paléologue crut nécessaire de réclamer le secours du roi de Sicile, Frédéric, qui lui envoya une flotte de 26 navires montés par des troupes aragonaises, catalanes et almugavares, sous les ordres de Roger de Flor, qui fut nommé d'abord Grand Amiral de l'empire d'Orient, puis César, après avoir épousé la princesse Marie, fille de la sœur d'Andronic.
[Période byzantine, guerre contre les Turcs]
Roger de Flor passa aussitôt en Asie Mineure avec 6,000 Catalans et 2,000 soldats de l'armée impériale et délivra Philadelphie (Alachèhr), investie par 20,000 Turcs. Avant de se porter sur Éphèse, il entra dans Magnésie pour y déposer son riche butin sous la garde de quelques Catalans et la garantie du gouverneur byzantin. Mais quand il revint, en 1306, après avoir terminé son expédition et refoulé les Turcs jusqu'au delà des Portes de Fer, loin des possessions byzantines, il fut fort étonné de trouver les portes de Magnésie fermées. Pendant son absence, le gouverneur avait massacré sa petite troupe et s'était approprié ses trésors.
Rappelé par l'empereur qui le pressait de venir combattre le nouveau roi de Bulgarie, Asan, qui avait supplanté son neveu, beau-frère de Roger de Flor, le César fut obligé de renoncer à entrer de force à Magnésie pour se venger de la perfidie dont il avait été victime. Les musulmans, délivrés ainsi du seul adversaire qu'ils pussent craindre, furent bientôt eux-mêmes les instruments de cette vengeance, tout en reprenant possession des trésors de Roger, leur propre bien.
[Conquête turque]
Dès l'année 1313, Saroukhan devint le maître de Magnésie, de la plus grande partie de la Lydie et des côtes d'Ionie. Toutefois ces contrées furent comprises dans les domaines concédés aux ottomans par le dernier empereur turc Seldjoukide, et, malgré la résistance des émirs, le sultan Bajazet Ier acheva de les soumettre en 1398. Durant l'invasion si terrible, mais courte, de Timour-Leng, Magnésie n'eut point à souffrir de ses ravages, car cette place lui servit de lieu de dépôt pour toutes les richesses qu'il avait pillées dans les autres villes.
[Révolte de Dede Sultan, Börklüce Mustafa]
Les successeurs de Bajazet affectionnèrent le séjour de Magnésie, où leur domination ne fut pas toujours paisible. Dans les premiers temps, du moins, elle fut troublée par des soulèvements. populaires dont l'un atteignit des proportions trop considérables pour ne pas être cité. Cette insurrection est connue dans l'histoire ottomane sous le nom de « Sédition de Dédé-Sultan ». Un berger, nommé Mustafa, reçut ce titre qui signifie « grand père et roi », sous Mohammed Ier Tchélébi, vers 1416. Ce nom lui fut donné les foules fanatisées qu'il entraînait à sa suite par ses ardentes prédications, en leur promettant l'égalité absolue et la jouissance commune de tous les biens. Dédé-Sultan réunit ainsi une armée considérable, composée surtout de derviches, à la fois prédicateurs et soldats, qui anéantirent les troupes envoyées pour les combattre dès la première rencontre et continuèrent une longue série de victoires, jusqu'à la grande bataille qui eut lieu dans les plaines de Manissa, où l'armée ottomane commandée par Mourad, fils du sultan, âgé de 12 ans, fit prisonnier Mustafa qui fut crucifié à Éphèse, et tailla en pièces ses adhérents.
Cette sanglante défaite ne termina pourtant pas encore la guerre intestine, dont le véritable instigateur, Bedr-eddin, ancien Grand-Juge de l'armée impériale ottomane, ne fut pris qu'un an plus tard à la bataille de Sérès. Quoique « uléma » il fut pendu.
Le sultan Mourad II qui, à 12 ans, avait gagné la bataille de Manissa sur Dédé-Sultan, enrichit cette ville des monuments cités plus haut ; il y fit sa résidence, ainsi que beaucoup de ses successeurs, entre autres Mohammed II, son fils, le conquérant de Constantinople, qui habita durant sa jeunesse le beau palais bâti par son père. Mourad III y fit aussi un long séjour et y éleva également de nombreux édifices [...].
Sources
https://www.kulturportali.gov.tr/turkiye/manisa/gezilecekyer/sultan-camii
https://www.kulturportali.gov.tr/turkiye/manisa/gezilecekyer/muradye-cam