La petite ville de Hacıbektaş, à 45 km au nord de Nevşehir, au centre de la Turquie, abrite le complexe de Hacı Bektâş Velî qui est un personnage historique mort vers 1270-1271. Il fut soufi et s’installa à  Sulucakarahöyük rebaptisé par la suite Hacıbektaş. La confrérie des bektachis, qui est son héritière, se constitua peu à peu après sa mort. A cause de son lien avec les Janissaires, elle eut une importance considérable dans l'empire ottoman.

Au XVe siècle, on trouve la trace d'un établissement à Hacıbektaş qui reçoit l’impôt, ce qui prouve l'existence d'une organisation. Le lien des Janissaires avec les bektachis est attesté au XVe siècle, mais les deux vrais fondateurs de la confrérie sont Balım Sultan et Sersem Ali au XVIe siècle. La première mention des derviches bektachis date, elle, de 1522. 
La confrérie se développa et absorba d'autres confréries jugées hétérodoxes, avec l'appui des autorités ottomanes, ce qui était pour elles un moyen  de les contrôler. Très influencée par le chiisme, la doctrine évolua.
Les témoignages que nous reproduisons plus loin montrent la vie du complexe à la fin du XIXe siècle.

Hacibektas

L'ancien couvent bektachi, qui est toujours un lieu de pèlerinage pour les alévis, a été transformé en un très beau musée, le Hacı Bektâş Velî müzesi avec une scénographie soignée, des reconstitutions et d'excellents panneaux explicatifs.

Hacı Bektaş Veli müzesi

Plan du Hacı Bektâş Velî müzesi

1 Cümle kapısı (entrée)
2 Birinci avlu (première cour)
3 Üçler çesmesi (fontaine)
4 Mihman evi
5 Çamasırhane, hamam
6 Üçler kapısı
7 Aslanli çesmesi (Fontaine du lion)
8 Havuz (piscine)
9 Müze idaresi
10 Ikinci avlu (2e cour)
11 Aşevi
12 Meydan evi
13 Kiler evi
14 Cami (mosquée)
15 Altılar kapisi
16 Mezarlar (tombes)
17 Hazret avlusu (cour Hazret)
18 Mezarlar (tombes)
19 Çilehane (cellule)
20 Güvenç Abdal türbesi
21 Hacı Bektaş Veli türbesi
22 Kırklar Meydane
23 Balım Sultan türbesi
24 Karadut Agacı (mûrier)

Les points rouges indiquent les entrées des bâtiments.

Nadar avlusu, première cour

La première cour, la Nadar avlusu, où se trouve la fontaine Üçler (Üçler Çeşmesi, aussi appelée Fontaine Feyzi Baba), servait à accueillir les visiteurs. Les bâtiments de cette cour ont disparu ou ont été modifiés. Cette fontaine fut construite par Fikriye Hanım au XVIe siècle. L’inscription est, elle, datée de 1320 (1902) au moment de sa restauration initiée par Fatma Nuriye Hanım, épouse du grand vizir Halil Pacha.

On entre dans la cour du Dergâh (Dergâh Avlusu) par la porte Üçler derrière laquelle se trouve une piscine carré.

hacibektas, entrée

hacibektas, entrée, fontaine

Hacibektas, Dergâh Avlusu

Piscine carrée

D’après l’inscription, elle a été construite en 1908 par Zehra Hanım, épouse du gouverneur de Beyrouth Halil Pacha. Au sommet du fronton de la piscine se trouve la « Couronne de Hüseyn » en marbre.

Hacibektas, Dergâh Avlusu

Hacibektas, Dergâh Avlusu

Portiques de la cour du Dergah

Ces portiques constitués d'arcs brisés sur  des colonnes à section carrée, cinq devant la Aşevi du côté est , trois devant la mosquée et sept devant la Mihman Evi à l'ouest. Ces nombres trois, cinq et sept, tiennent une place importante dans la symbolique bektashi.

Hacibektas, Dergâh Avlusu

Hacibektas, Dergâh Avlusu

Hacibektas, Dergâh Avlusu, inscription

Hacibektas, Dergâh Avlusu, inscription

Paroles de Haci Bektaş Veli

Hacibektas, Dergâh Avlusu

Ara bul
Kadinlari okutunuz
Incinsen de incitme
Murada ermek sabir iledir
Araştirma açik bir sinavdir
Her ne ararsan kendinde ara
Eline, diline, beline sahip ol
Arifler hem aridir hem aritici
Marifet ehlinin ilk makami edebdir 
Insanin cemali sözünün güzelliğidir
Nefsine ağir geleni kimseye tatbik etme
Hiç bir milleti ve insani ayiplamayiniz
Ilimden gidilmeyen yolun sonu karanlik tir
Düşünce karanliğina işik tutanlara ne mutlu
Düşmaninizin dahi insan olduğunu unutmayiniz
Nebiler, veliler insanliğa tanrinin hediyesidir. 

Cherche et trouve.
Éduquez les femmes.
Ne pas blesser même si l'on est blessé.
Il faut de la patience pour atteindre le but.
La recherche est un examen ouvert.
Quoi que vous cherchiez, cherchez-le en vous-même.
Surveillez vos mains, votre langue et votre taille.
Les sages sont à la fois purs et purificateurs.
La première autorité des gens de savoir est le savoir-vivre.
La beauté d’une personne est la beauté de sa parole.
N'appliquez à quiconque ce qui est difficile pour vous-même.
Ne rejettez aucune nation ou peuple.
Le chemin sans connaissance mène à l'obscurité.
Heureux ceux qui éclairent les ténèbres de la pensée.
Souvenez-vous que même votre ennemi est humain.
Les prophètes et les saints sont un don de Dieu à l'humanité. 

Hacibektas, Dergâh Avlusu, Atatürk

Arslanlı Çeşme

La Fontaine du lion est située près de l’entrée de la Asevi. La niche de la fontaine est composée de  six arcs brisés avec une alternance de pierres taillées beiges et rouges. Au centre de la niche se trouve la statue du lion rapportée, dit-on, d'Egypte par Kara Fatma Hatun, qui a fait restaurer la fontaine en 1270 (1853-54). Cette statue de lion, semblable à celle que l'on retrouve dans les jardins ottomans de cette époque comme celui de Dolmabahçe, est considérée comme le « lion d'Allah » qui représente Hz. Ali. Au sommet de la statue se trouve une représentation de Zulfikar avec la phrase « ya Ali ». De nombreuses personnes y viennent toujours chercher de l’eau considérée comme sacrée.
L'inscription "Boire pour l'amour des martyrs de Karbala" indique que la fontaine du Lion a été construite en souvenir de la bataille de Kerbala en Irak, en 680, au cours duquel Hussein, le fils d'Ali et petit-fils du Prophète, fut tué. 

Arslan cesmesi

Arslanli çesmesi

Aş evi (Soupe populaire)

D’après une inscription sur une porte, le bâtiment a été en mémoire de Ciazi Malkoç Bali Bey, en 1560. "Aş Evi” (la maison des cuisiniers) était la maison la plus importante et la plus sainte après la Meydan Evi (la maison carrée).  Sur les montants latéraux de cette porte, il y a un relief représentant un cyprès, qui symboliserait la vérité dans le symbolisme Bektashi. La porte au bout du deuxième couloir s'ouvre sur la pièce principale où se trouvent les poêles. Il y a aussi une pierre de reddition sur cette porte. De plus, dans la partie supérieure du montant droit, on voit une main de Fâtıma ou « hamse-i Âl-i abâ ».Dans la hiérarchie, le Aş Evi Babası était le deuxième personnage après le Dede baba.  
Dans les tekkes anatoliens, l’accueil des visiteurs était très important. La cuisine faisait donc partie de l’éducation. Pour les Bektashis, les aliments sont aussi essentiels pour la vie matérielle que pour la vie spirituelle. Ils ont un rôle important dans les rituels et dans la formation spirituelle : l’aliment cru évoque le spirituellement immature, alors que le cuit est sprituellement mature.
Certains aliments sont plus importants parce qu’ils ont une signification profonde : achura, helva, miel, lait, eau ont un sens particulier.
Cuisiner et manger est donc aussi un rituel en soi, et la généalogie de ce rituel remonte au Prophète qui l’a transmis à Ali et à ses disciples jusqu’à Hacibektas.

Aş evi

 

Aş evi

Aş evi

 

Aş evi

Aş evi

Aş evi

Aş evi

Aşevi Köşkü (Pavillon de la Soupe populaire)

Depuis la transformation du complexe en musée,  ce bâtiment abrite l’administration du musée. On pénètre dans la Aşevi par la deuxième porte près de la Fontaine du lion. 

Mihman Evi

Mihman signifie invité. C’était la maison où les invités étaient hébergés et où vivait le Baba de la Mihman evi (Mihmandar), responsable de l'accueil des invités, pendant la période où la dergâh était active.

Hacibektas, Meydan evi

Kiler evi

La cave était responsable de la gestion de la dergah, de l'approvisionnement en produits de première nécessité, de la comptabilité (biens de valeur, meubles, etc.), du stockage des céréales, des aliments, etc , de la protection du Türbe-i Şerif (clé du sanctuaire) ainsi que de l'ouverture et de la fermeture du sanctuaire.

Après la suppression des janissaires en 1826, la Kiler Evi a gagné en importance. Jusqu'en 1826, le Baba le plus important était connu sous le nom de Dedebaba. Jusqu'à cette date, une règle stipulait que seul le Baba de la Meydan evi pouvait être le Dedebaba ; cependant, la Meydan evi ayant fermé en même temps que les janissaires, c’est le baba de la Kiler Evi qui devint le Dedebaba.

Une fois que l'on a pénétré dans la Kiler Evi, on aperçoit des calligraphies alevi-bektaşi décorant les murs du couloir : en particulier le Hüseyin-i Taç (couronne de Hüseyin), le Teslim Taşı (Pierre de soumission) et le Zülfikar (épée Zulfikar). De l'autre côté du hall, se trouve une grande pièce avec un poêle au milieu. À l'époque de la Dergah, cette pièce était la chambre du Baba. Aujourd'hui, elle a été réaménagée en salle. Les armoires situées sur les murs présentent des vêtements portés au quotidien ainsi qu'une vitrine où sont exposés le Nisan tası (le bol d'avril), le Kuşlu tas (le bol d'oiseau) et le Şifa tas (le bol de guérison).

Une deuxième section est accessible par la porte située sur le côté droit du couloir. On y trouve à nouveau un poêle. Dans cette section et dans la pièce située à sa droite, des photos de la Dergah sont exposées, ainsi que des photos anciennes qui reflètent l'histoire, la culture et les lieux saints de la province de Hacibektaş. Dans la pièce de droite, il y a un poêle et une porte qui s'ouvre sur la cour Hazret (troisième cour). Lorsque l'on entre par la porte de gauche de cette section, on trouve une pièce avec deux arcs. À l'époque de la Dergah, cette zone était utilisée comme entrepôt de stockage des céréales. Aujourd'hui, elle a été réaménagée pour exposer des bannières, des tapis de prière en soie et d'autres objets similaires, ainsi que des calligraphies.

Le dernier Baba de la Kiler Evi était Salih Niyazi Baba, qui fut également Dedebaba. C'est lui qui accueillit Atatürk lors de sa visite à Hacıbektaş le 22 décembre 1919 et le reçut dans la Pir Evi.

Le Dedebaba Köşkü se trouve juste au-dessus de la Kiler Evi. Aujourd'hui, le Dedebaba Köşkü est utilisé comme bâtiment administratif du musée.

 

Meydan evi

[Plan 12] C'est l'une des parties les plus importantes à l’époque où la dergâh était active. D'après une inscription, elle a été construite par le sultan Murad Ier en 1367-68 et le sultan a utilisé le titre de « Ahi », une puissant corporation anatolienne.
Le plafond de la salle Cem est composé de poutres transversales qui symbolisent les neuf niveaux de la voûte céleste. C'est là que se déroulent les cérémonies. A droite du foyer, se trouve le trône bektachi. Des calligraphies et des portraits de Hacı Bektâş Velî, Balım Sultan etc ornent les murs.

Vêtements et accessoires bektaşi

 

1. Hüseyn-i taç (Coiffe avec 12 segments)
2. Teslim taşı (Pierre avec 12 branches)
3. Palenk taşı (Pierre de palenk)
4. Cilbend
5. Kamberiye
6. Keşkül (bol)

7. Nefir (corne)
8. Hırka (pull)
9. Çarık (chaussures)
10. Asa (sceptre, bâton)
11. Kaşık (cuillère)
12. Bıçak (couteau)

 

Hüseyn-i taç

 

Hazret avlusu

On passe une porte et l’on passe dans une grande cour, la Hazret avlusu.

Tombeau de Balım Sultan

C’est le deuxième personnage le plus important dans l’histoire de la confrérie bektachie. Originaire de Thrace orientale, vécut entre 1462 et 1516. Il fut formé dans le couvent de Dimetoka  avant de rejoindre Hacibektas où il devint le Dedebaba. C’est lui qui organisa la confrérie. Son tombeau fut construit en 1519 par Dulkadiroğlu Bey Şeyhsuvar Ali Bey, l'un des commandants du sultan Yavuz Sultan Selim. Devant son tombeau, se trouve un mûrier noir (dont la légende dit qu’il date de Hacı Bektâş Velî) et une petite colonne, tous deux considérés comme sacrés. Le dôme intérieur est couvert d’un cône pyramidal en pierre. L’intérieur est orné d’une calligraphie et l’on y trouve la porte originale du tombeau, un grand candélabre et les effets personnels de Balim Sultan.
La tombe de Şah Kalender, frère de Balım Sultan, se trouve dans une niche au nord de la tombe.
Sur des photographies datées de 1966, on voit que ces murs avaient une structure en moellons ; ils ont ensuite été rénovés avec des pierres taillées.

Tombeau de Baltim Sultan

Tombeau de Baltim Sultan

Tombeau de Baltim Sultan

Tombeau de Baltim Sultan

Tombeau de Baltim Sultan

Tombeau de Baltim Sultan, coupole

Tombeau de Baltim Sultan

Candélabre

Tombeau de Baltim Sultan

Tombeau de Baltim Sultan

Tombeau de Baltim Sultan

Tombeau de Baltim Sultan, mûrier

Tombeau de Baltim Sultan, entrée

Tombeau de Baltim Sultan, tombe

Tombeau de Baltim Sultan

Tombeau de Baltim Sultan

Tombeau de Baltim Sultan, fenêtre

Tombeau de Baltim Sultan

Tombeau de Hacı Bektâş Velî et autres

Ce bâtiment abrite le tombeau de Hacı Bektâş Velî, les tombeaux de Resul Bâlî et Güvenç Abdal, Kızılca Halvet et la place Kırklar
Il abrite les constructions les plus anciennes du complexe, une juxtaposition de bâtiments de différentes dates (du XIIIe au XVIe siècle). Il occupe environ 28,25 × 25 mètres. Sur des photographies anciennes, on voit qu'il n'y a de maçonnerie en pierre de taille que dans le portique de l'entrée  sud, la maçonnerie en moellons est utilisée sur les autres façades, les angles étant  renforcés par des rangées de pierre de taille. Comme dans certains autres bâtiments du complexe, les moellons ont ensuite été remplacés des pierres de taille. Cependant, le tombeau de Hacı Bektâş Velî  a, lui, été entièrement construit en pierre de taille.
Avant la porte, il y a douze tombes des Dedebaba, six à droite et, six à gauche et la tombe de l'architecte Yanko Medyan (qui devint bektachi et prit le nom de Cafer-i Sadık) avant l’entrée. La porte, appelée la Porte Blanche, est ornée du motif de l’« Aigle à deux têtes ».

La majorité des espaces étaient recouverts de poutres, certains d'entre eux avaient des dômes en bois, protégé par des toits de tuile, puis, après les dernières restaurations, de plomb .
Le tombeau de Hacı Bektâş-ı Velî dépasse de ce toit avec un dôme pyramidal.

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

Tombe de l'architecte Yanko Medyan

Tombeau de Hacı Bektâş Velî

Tombeau de Hacı Bektâş Velî, tombeau de l'architecte Yanko Medyan

Çilehane (cellule)

La Çilehane (cellule de réclusion) est le centre du complexe. On dit que Hacı Bektâş Velî y resta quarante jours et quarante nuits. Rien ne peut y distraire de la religion, on y apportait la nourriture. En s'isolant, les derviches essayaient d'y atteindre la perfection spirituelle.

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

Tombeau de Haci Bektaş Veli

De nombreux pèlerins viennent y prier.

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

tombeau de Hacı Bektâş Velî

 

Hazire (cimetière)

[Plan 16] Parmi les tombes identifiées dans le cimetière, quatre d'entre elles (Seyyid Mehmed Baba, Seyyid Hacı Ali Baba, Hâkî Ali Baba et Hasan Dede) datent du XVIIIe siècle, les autres du XIXe et du premier quart du XXe siècle.

Les pierres tombales des hommes sont ornées d'un couvre-chef qui , dans la majorité des cas, est la couronne Hüseyn-i à douze segments. Ces douze segments représentent les douze imams, qui occupent une place très importante dans la culture Alevi-Bektachi. Sur trois pierres tombales, on peut voir un autre type de couvre-chef, la couronne Edhemi à quatre segments, symbolisant les quatre portes. Fait curieux, car il ne s'agit pas d'un couvre-chef bektachi, on aperçoit aussi un fez sur une seule pierre tombale. La "pierre de délivrance" (teslim taşı), qui ressemble à une étoile à douze branches (symbolisant les douze imams), est souvent représentée comme un collier suspendu.  Une tombe est particulière car elle a une forme de sarcophage, c'est celle de Saatçi Ali Dedebaba de Sofia.

Les inscriptions sont écrits en talik. Elles commencent par "Hü Dost", "Hüvel Baki", "Hü Allah", "Hüvel Hayyi", "Ya Hü", "Hüvel Hayyelbaki". Ensuite, sont mentionnés le métier et le nom. 

Aucune profession n'est mentionnée sur les pierres tombales des femmes qui sont situées situées au fond, près du mur. Cette zone est entourée d'un mur de pierre. Ces pierres tombales sont plus ornées que celles des tombes des derviches, souvent de motifs floraux. Sur les inscriptions, après le nom, on peut lire les mots "Ana" ("Mère"), "Hatun" ("Dame"), "Hanım" ("Madame") ou "Kadın" ("Femme").

Hacibektas, cimetière

Hacibektas, cimetière

Hacibektas, cimetière

A droite, on aperçoit la tombe avec le fez

Hacibektas, cimetière

Tombe de femme

Hacibektas, cimetière

Hacibektas, cimetière

Hacibektas, cimetière

Tombe sarcophage

La « pierre de délivrance », en forme d'étoile à douze branches, est ici bien visible sous le couvre-chef.

 

Témoignages

Vital Cuinet, La Turquie d'Asie: géographie administrative, statistique ..., Volume 1, 1892

NAHIÉ DE HADJI-BEKTACH
Population. Les maisons de ce nahié, en y comprenant celles du chef-lieu, qui est le bourg de Hadji-Bektach, sont au nombre de 696. Sa population totale est de 3,455 habitants des deux sexes.
Hadji-Bektach.

Hadji-Bektach, chef-lieu du nahié, est un bourg situé à 60 kilomètres sud-est de Kir-Chéïr [Kirsehir] , à 75 kilomètres nord-ouest de Césarée [Kayseri], à 111 kilomètres sud-ouest de Yuzgat [Yozgat] et à 195 kilomètres sud-est d'Angora [Ankara]. Il se compose de 311 maisons avec un marché de 50 boutiques.

Population.
La population de ce bourg est de 1,519 habitants, tous musulmans et affiliés aux derviches-bektachi. Les édifices publics sont : une mosquée, un médressé de fondation récente et une salle d'asile.
Climat. Le climat et les eaux sont renommés pour leur salubrité.

Villages.
Les principaux villages du nahié sont: Avitch, Eughel, Kaptiyan et Djouril.
Produits. - Ce nahié n'a aucune autre industrie que l'extraction du sel. Ses productions agricoles sont les mêmes que celles de tout le sandjak, c'est-à-dire toutes les céréales, surtout le froment et l'orge. Les jardins sont très beaux et les vignes magnifiques.
Les bestiaux de ce nahié ont été compris parmi les chiffres donnés plus haut pour le caza de Kir-Chéïr.
Derviches-bektachi.
Tout l'intérêt de ce district se concentre sur le tékké des derviches-bektachi, où se trouve le tombeau de leur fondateur Hadji-bektach-Véli.
L'ordre des Bektachi a été fondé sous le règne du sultan Orkhan, peu de temps avant la milice des Janissaires qui lui était intimement liée. Lors de la création de cette milice, le sultan Orkhan, après avoir tenu conseil avec le grand vizir Alaeddin, son frère, et Kara-Khalil-Tchendéréli, son parent, vint chez Hadji-Bektach-Véli, à Soulidjé, près d'Amassia [Amasya], et lui présenta quelques nouveaux miliciens en le priant de les bénir en leur donnant un nom et un drapeau.
Posant la manche de son hyrka (vêtement) sur la tête d'un jeune soldat, de façon qu'elle pendît derrière son dos, Hadji Bektach-Véli bénit la nouvelle milice, prédit la haute illustration qu'elle devait acquérir par sa valeur, lui donna le nom de Yénitchéri, dont on a fait Janissaires, et, sur un drapeau de couleur écarlate, il fit poser comme emblème un croissant blanc avec le sabre à double pointe d'Omar.

Tous les janissaires étaient affiliés à l'ordre des Bektachi. Le cheikh (supérieur) de ces derviches était en même temps colonel du 99° régiment; et huit derviches bektachi, établis dans les casernes des janissaires, priaient nuit et jour pour la prospérité de l'empire et pour le succès des armes de leurs compagnons (les janissaires) de la famille de Hadji-Bektach.

Certaines pièces du costume des derviches-bektachi sont indispensables, ce sont :
Le teslim tache, étoile de jade qu'ils portent sur la poitrine; Le nifir, sorte de cornet à bouquin;
Le djilbend, espèce de giberne, et surtout le tadj ou couronne, coiffure de feutre blanc qu'ils fabriquent eux-mêmes dans leurs tékkés, et qu'ils ne peuvent sans péché abandonner à l'examen des profanes.
Les Bektachi portent aussi une boucle, ordinairement de jade, à l'oreille droite seulement.

Tékké. Le tékké (couvent) du bourg de Hadji-Bektach est entouré de vastes jardins abondamment pourvus d'eau. Les derviches, qui sont très laborieux, y cultivent eux-mêmes toutes sortes de légumes, d'arbres fruitiers et de fleurs. L'enceinte renferme deux mosquées; l'une sert pour les namaz (prières) journaliers des derviches et des villageois; l'autre est attenante au turbé de Hadji-Bektach-Véli, dont la porte est recouverte d'argent. Les bâtiments du tékké ne sont pas très spacieux, mais ils sont proprement tenus et agréablement décorés. Tout autour de l'une des cours, il y a des chambres à l'usage du grand nombre de visiteurs musulmans et chrétiens qui viennent chaque jour vénérer le tombeau du fondateur Hadji-Bektach-Véli, considéré par les chrétiens indigènes comme étant le même personnage que saint Haralambos.
Dans cette croyance, en entrant dans le turbé, les visiteurs chrétiens font le signe de la croix, tandis que les pèlerins musulmans vont dans la mosquée attenante faire leur namaz [prière]. — Les uns et les autres sont également bien reçus, bien nourris; on leur offre le tchorba, le pilaf et autres plats nationaux, sans jamais recevoir pour cela aucune rétribution.
Toutefois, la cuisine étant bien garnie d'ustensiles dont les dimensions extravagantes excitent la curiosité, on les montre aux visiteurs. On leur fait voir, notamment, un chaudron de 1m, 50 de diamètre sur 1m, 25 de profondeur. Or, il est d'usage que chacun dépose, soit dans ce chaudron, soit dans les énormes chandeliers de la mosquée, quelque offrande monnayée.

Le gouvernement affecte aux dépenses d'entretien de ce tékké le produit des dîmes de 42 villages. Cette munificence, reste d'une ancienne allocation qui se composait, dans le principe, du produit des dimes de 362 villages, avait été motivée, selon une vieille légende accréditée dans le pays, par la guérison miraculeuse d'un sultan au moyen de 362 applications sur sa poitrine du pied d'un derviche-bektachi. Depuis ce temps-là, l'État a successivement retiré, village par village, les dîmes ainsi concédées, - tantôt pour faire bâtir une mosquée à New-Cher [Nevsehir], tantôt pour en élever une autre à Arabissou, puis pour installer des conduites pour l'approvisionnement d'eau d'Urgub [Ürgüp], etc., de sorte que le tékké de Hadji-Bektach ne perçoit plus que les dîmes de 42 villages, dont il doit donner la moitié à Tchélébi Effendi, personnage dont l'origine mystérieuse est très diversement expliquée. On raconte généralement que son premier ancêtre est né d'un souffle. Suivant la seule version admise par les Bektachis, Tchélébi Effendi descend d'une femme stérile devenue féconde par un miracle, pour avoir bu un verre de sang produit d'une saignée que s'était faite lui-même Hadji-Bektach-Véli.
Quoi qu'il en soit, il résulte du partage avec Tchélébi Effendi que les revenus actuels du tekké consistent dans le produit des dîmes de 21 villages seulement et dans celui de la vente des fruits. et légumes de ses jardins, des vendanges de ses vignes, et des offrandes pieuses des visiteurs.
A ces revenus, il convient aussi d'ajouter 1,435 kilogrammes de sel de la mine de Hadji-Bektach que l'Administration de la Dette Publique lui concède gratuitement chaque année, et sur lesquels ils en donnent 615 à Tchélébi Effendi. Cette contribution, servie aux Bektachi par l'État ou ses ayants droit, est censée représenter la part d'inventeur de Hadji-Bektach-Véli. Celui-ci, en effet, ayant été, à son passage à Touz-Keuï, invité par les habitants de ce village à partager leur repas, témoigna son étonnement du manque absolu de sel dans tous les plats qui lui furent servis. Les villageois s'excusèrent sur l'impossibilité de se procurer ce condiment, alors inconnu dans le pays. Hadji Bektach-Véli les conduisit sur l'emplacement de la saline actuelle, et, frappant la terre de son bâton : « Creusez ici, leur dit-il, vous trouverez de bon sel ». C'est ainsi qu'il fit connaître aux habitants de Touz-Keuï la mine de sel gemme qui porte aujourd'hui son nom.
La vertu prolifique du sang de Hadji-Bektach-Véli ne s'est pas éteinte avec lui. Il l'a léguée à tous les derviches-bektachis, qui exercent ce pouvoir de la façon suivante.
On sait que les derviches-bektachis portent à l'oreille droite une boucle de jade. Avant de pouvoir introduire cette pierre dans le lobe de l'oreille, il est nécessaire d'en préparer la place en y perçant un trou d'aiguille, qu'ils élargissent en le remplissant de boulettes de cire, progressivement de plus en plus grosses, jusqu'à ce que la pierre puisse être logée. Ces boulettes de cire mêlée de sang sont précieusement conservées et l'on en recouvre à l'occasion des grains de blé et des lentilles pétrifiées miraculeusement par Hadji-Bektach-Véli, en punition du refus de quelques villageois de lui en donner pour calmer sa faim. Les maris de femmes stériles font avaler à ces dernières ces grains recouverts de cire ensanglantée, et aussitôt elles deviennent fécondes ! Telle est la croyance populaire.
Les derviches-bektachis, contrairement à la règle générale, font vœu de virginité, d'après ce qu'affirment des personnes dignes de foi et en situation d'être parfaitement bien renseignées. Dans le tékké de Hadji-Bektach, leur nombre varie entre 50 et 60. Ils n'y sont admis que moyennant des preuves établies de bonne conduite.

Ernest Chantre, Recherches anthropologiques dans l'Asie occidentale. Missions scientifiques en Transcaucasie, Asie mineure et Syrie 1890-1894

Paru in “Archives du Museum d'histoire naturelle de Lyon”, Tome VI, 1895

Les Bektachi qui, pour les Turcs, constituent une autre grande secte beaucoup plus importante que la précédente, se rencontrent en très grand nombre en Cappadoce et dans d'autres régions de la Turquie. Ils présentent au point de vue de leurs caractères physiques et ethnographies, de grandes analogies avec les Yezidi, les Ansariés et ces autres petits groupes ethniques qu'il n'est plus possible de confondre avec les autres grandes races qui les entourent. Il y a donc un vif intérêt à les étudier au même titre que ces derniers.
L'ordre des Bektachi a été fondé sous le règne du sultan Orkhan: peu de temps avant la milice des Janissaires qui lui était intimement liée. Leur fondateur est Hadji-Bektach-Veli, un saint homme qui vivait à Soulidjé, près d'Amassia, et dont le tombeau est conservé aujourd'hui dans le grand tekké du village de Hadji-Bektach, situé entre Urgub et Kir-Chehir. C'est là tout ce que l'on sait de précis sur cette secte à laquelle tous les Janissaires s'affilièrent. Des idées personnelles de Hadji Bektach, de leurs rites, on ne sait pas grand'chose.
De leur tekké où nous avons été reçus largement, nous avons emporté l'impression que les Bektachi sont très riches et très puissants; qu'ils vénèrent particulièrement le tombeau de leur fondateur; que, chez eux, la mosquée est un lieu visité pour la forme plus que pour le fond; enfin que dans leurs chapelles privées, grandes et petites, dans leurs oratoires, figure une abondance de chandeliers de cuivre, plusieurs centaines, dont quelques-uns ont une véritable valeur artistique. Ceux-ci nous ont paru plus ou moins symboliques ou, dans tous les cas, tenant une grande place dans leur culte dont ils sont à peu près les seuls objets apparents.
Les derviches de cette secte font voeu de chasteté. Quelques pièces de leur costume sont indispensables. Ce sont : le teslim-tach, étoile de jade, qu'ils portent sur la poitrine (en Anatolie où le jade manque il est remplacé par le marbre d'Urgub) ; le nifir, sorte de cornet à bouquin ; le djilbend, espèce de giberne, et surtout le tadj, coiffure de feutre blanc, de forme haute et cannelée, qu'ils fabriquent eux-mêmes et qu'ils ne peuvent, sans péché, abandonner à l'examen des profanes.
Il faut ajouter à cela que l'imam Hadji-Mehemet-baba, supérieur du tekké de Hadji-Bektach, porte à l'oreille droite une boucle en argent, d'une forme spéciale (boucle de robe de femme), tandis que les derviches simples en portent une en jade ou en pierre d'Urgub.
Les chrétiens indigènes ont identifié Hadji-Bektach-Veli à saint Haralambos, d'où il résulte que le tekké est ouvert à tous indistinctement.

Mme B. Chantre, En Asie mineure : souvenirs de voyages en Cappadoce et en Cilicie, Le Tour du Monde, 1896-1898

Chez les derviches bektachi. Tchelebi-Effendi.
Pendant que notre caravane s'installe, nous nous rendons directement au tekké, où nous sommes reçus par le cheikh, un homme d'une cinquantaine d'années, d'aspect fort distingué. Il est coiffé d'un feutre blanc cannelé de forme lourde et enturbanné de vert ; il porte un long manteau de soie verte, et sur le châle qui lui serre la taille brille un gros bouton de cristal taillé. Ajoutons encore que ce chef religieux a l'oreille droite ornée d'une grande boucle en argent, affectant la forme d'une de nos boucles de robe. Les présentations faites, le cheikh nous conduit au fond d'une galerie couverte qui règne sur un côté de la cour intérieure du tekké, et où une sorte de petit salon est établi. Des matelas, des coussins, des tapis couvrent cet emplacement, au milieu duquel est placée, pour le plaisir des yeux, une pyramide de vases de fleurs.
L'ordre des Bektachi et la milice des janissaires ont été intimement liés, et voici pourquoi. L'ordre fut fondé peu de temps avant cette dernière, sous le règne du sultan Orkhan, par Hadji-Bektach Veli, un homme révéré pour sa sainteté [Ce récit est une légende]. Lorsque le sultan créa la nouvelle milice, il fit présenter quelques miliciens à Hadji-Bektach en le priant de les bénir et de leur donner un nom et un drapeau. Posant sa main sur la tête d'un jeune soldat, le saint bénit la milice, prédit le grand rôle qu'elle était appelée à jouer par sa valeur, lui donna le nom de Yenitcheri, dont on a fait « janissaires », et sur un drapeau de couleur écarlate il fit poser comme emblème un croissant blanc avec le sabre à double pointe d'Omar. Tous les janissaires furent, de la sorte, affiliés aux Bektachi. Leur cheikh était colonel du 99e régiment, et huit derviches bektachi, établis dans les casernes, priaient nuit et jour pour la prospérité de l'empire et le succès de leurs nouveaux frères.
Le gouvernement affecte à l'entretien de ce tekké le produit des dîmes de 42 villages. Encore la moitié de cette somme est-elle donnée à Tchelebi-Effendi, dont nous parlerons plus loin. Le revenu du tekké se réduit par ce fait aux dîmes de 21 villages, à la vente des produits de ses jardins, aux vendanges de ses vignes, aux offrandes des visiteurs, et aussi aux cotisations des adeptes. Les derviches reçoivent en outre, de l'administration de la Dette publique, une concession de 1 435 kilogrammes de sel. La légende rapporte que la mine de sel du voisinage a été découverte par le saint Hadji-Bektach, qui a ainsi gagné d'en recevoir sa part.
Le chef suprême actuel de la secte est, nous dit le personnage au bouton de cristal, Ali-Mehemet-Baba. Il habite le village d'Erenkeui, non loin de Stamboul. Celui-ci vient en second lieu, c'est l'imam Hadji-Mehemet Baba. Il nous donne lui-même ces noms par écrit. Tandis que nous recueillons de la bouche de Hadji-Mehemet Baba d'intéressants détails sur la secte, surgissent d'un peu partout des derviches tout de blanc vêtus et coiffés du feutre cannelé, en forme de potiron, enfoncé sur les yeux et les oreilles. Contrairement à la règle générale, ils font vœu de chasteté. Ils sont au nombre de 50 à 60 dans le couvent, dont ils font tous les travaux. Nous sommes frappés de la variété des types qu'ils représentent, mais cela s'explique quand on nous dit que parmi eux se trouvent des Grecs convertis, des Arabes purs, des Albanais, des hommes appartenant enfin à toutes les races de l'Asie Mineure. Cette secte des Bektachi est à l'heure actuelle une des plus puissantes de l'empire ottoman. Elle a des ramifications partout, jusque dans nos grandes villes d'Europe. Hadji-Mehemet-Baba nous dit avec orgueil que sur un signe ils peuvent rassembler une armée redoutable. L'argent ne leur manque pas, et l'aspect prospère de cette maison contraste d'ailleurs vivement avec la misère qui règné partout ailleurs.
Les derviches blancs, aux allures silencieuses, vaquent à leurs travaux. Ceux-ci écrasent du sel, ceux-là moulent du café à notre intention. Tous portent une boucle à l'oreille, mais au lieu d'être en argent, comme celle de l'imam, elle est en jade. Tous aussi ont sur la poitrine une étoile en pierre d'Urgub, portée par les affiliés en général. Quelques imams à turban vert constituant l'état-major du chef sont venus s'accroupir près de nous et, le café pris, ils nous proposent la visite du tekké, qui a cette particularité d'être ouvert à tous, sans distinction de religion ni de race.
Dans son ensemble, le tekké occupe une grande partie du village. Il est clos de murs, et comprend une suite de bâtiments: chapelles, tombeaux, mosquée, logements pour les pèlerins, cours, jardins, etc. Les jardins sont particulièrement intéressants, parce qu'ils renferment à peu près toutes nos cultures. On y voit des pommes de terre, des topinambours, des artichauts, des haricots, des fèves, des pois, toutes nos salades, des oignons, des melons, pastèques, concombres, je ne sais quoi encore ! Des fruits en abondance, des vignes et enfin beaucoup de fleurs toutes choses extrêmement rares dans l'intérieur de l'Anatolie, et inconnues même pour la plupart. Les derviches sont très fiers de leurs cultures, objet de tous leurs soins. Cette traversée du jardin nous amène devant un petit édifice en pierre, hexagonal, comme toutes les constructions funéraires de style perse, et qui n'est autre que le sanctuaire révéré du tekké, le turbé ou repose la dépouille du saint Hadji-Bektach-Veli. Il faut se déchausser pour y pénétrer.

Le turbé comprend deux parties un vestibule et la chapelle funéraire. Dans le premier, quelques Bektachi accroupis sur les tapis précieux qui recouvrent le sol restent plongés dans leur prière. Cette pièce n'offre rien de particulier, et n'est ornée que de tapis et de peaux de gazelles et de tigres, accrochées aux murs. Une porte basse, fermée par une merveilleuse portière en vieille soie verte brodée d'or donne accès dans la chapelle, dont les murs et la coupole pointue, blanchis à la chaux, sont couverts de peintures capricieuses dans le style perse. Au centre, sur une estrade, est placé le tombeau du saint, couvert d'étoffes de soie, aux tons effacés rose, vert pâle, et crispées d'exquises broderies d'or. La pièce serait froide sans ces étoffes qui l'éclairent d'une lueur douce. Des chandeliers de cuivre étincelants sont rangés sur les marches de l'estrade.
Des ex-voto, des dons, envoyés ou apportés par des pèlerins venus des pays lointains, couvrent les murs. Ce sont des prières en belle écriture arabe; des sébiles en noix de coco ou en métal, ciselées, sculptées avec art; des cornes de bouquetin également ouvragées, des haches à double tranchant, des amulettes. Un autre turbé sans intérêt renferme le tombeau du sultan Orkhan, et enfin une mosquée délabrée, dans laquelle on entre sans se déchausser et qui, chose curieuse, ne semble pas avoir d'importance aux yeux des Bektachi, complète la série des édifices religieux du tekké.
L'eau est fournie par une abondante fontaine. Nos guides ont gardé pour la fin la visite de la cuisine et de la boulangerie, justement célèbres dans toute l'Anatolie par leurs proportions gigantesques. Il n'y a rien d'exagéré dans cette réputation. La boulangerie est une immense salle voûtée avec un four dans lequel on cuit tous les jours de l'année 1 000 petits pains distribués aux allants et venants, pèlerins, mendiants, qui, sans cesse, visitent le couvent. Ces pains, délicieux, nous sont remis en grand nombre. Rien ne peut nous être plus agréable, car il y a beau temps que nous ne savons plus ce que c'est que de manger de bon pain.
Une propreté éblouissante règne partout chez les Bektachi. La cuisine, haute et voûtée, renferme plusieurs foyers, au-dessus desquels sont accrochées des marmites de diverses tailles. L'une d'elles, absolument colossale, sert les jours de grande fête, alors que les pèlerins accourent en foule au couvent, notamment le 22 août, qui est le jour de la plus grande fête des derviches. Dans ces prodigieuses marmites on plonge des cuillers de 1, 2 et 3 mètres de longueur ! Ce qui me frappe encore dans cette cuisine, c'est une abondance de chandeliers de cuivre si brillants qu'ils jettent des lueurs d'étincelles sous les sombres voûtes de la salle. Là encore règne cette même propreté méticuleuse rendant d'avance appétissante la tchorba (soupe) qui cuit dans les kazanes ventrues.

Notre visite terminée, Hadji-Mehemet-Baba nous remet quelques grains de pierre de la grosseur de grains de froment, sur lesquels règne une légende fort accréditée, et que les pèlerins ne manquent pas d'emporter de leur visite. Voici le fait miraculeux qui transforma ce froment en une dure argile. Le saint Hadji-Bektach ayant demandé un jour à des paysans de lui remettre un peu de leur blé pour assouvir sa faim, ceux-ci le lui refusèrent. Il s'écria, alors, indigné : « Qu'Allah change en pierre votre récolte ! » Ce qui fut fait. Aujourd'hui ces grains sont donnés aux visiteurs, comme doués de tous les pouvoirs et efficaces à tous les maux. Nous recevons dans notre main une pincée de ce précieux talisman.
Le village proprement dit est bâti en briques de terre; il n'offre rien de remarquable, sinon au nord-ouest un grand tell appelé Souloudja-Kara-Euyuk, du haut duquel nous prenons une vue du tekké. Ce tell, comme la plupart de ceux déjà rencontrés, renferme des débris de vieilles poteries et des monnaies byzantines. La population est essentiellement kizilbach. Elle offre un mélange manifeste de races, et est en outre laide, maladive et sale [sic]. Kizilbachi et Bektachi sont affiliés.

La ville de Hacıbektaş

Hacıbektaş

Hacıbektaş

Hacıbektaş

Hacıbektaş, affiche

Affiche du maire à l'occasion de la fête du 1er mai

Sources

https://www.kulturportali.gov.tr/turkiye/nevsehir/gezilecekyer/hacibektas-vel-muzes

http://www.hacibektas.gov.tr/hacibektas-veli-muzesi

Hacı Bektâş Velî müzesi, cartels et panneaux explicatifs

Alberto Fabio Ambrosio, Pouvoir et secret dans l'Empire ottoman. L'initiation dans la confrérie Bektasîe, Paris, CNRS éditions, 2017, 250 pages

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