Le 12 juin 1826, Mahmoud II veut lancer la réforme de son armée en créant les echkindjiyan, soldats sélectionnés parmi les janissaires. Ceux-ci, se révoltent, mais le sultan leur tient tête avec l'appui, entre autres des artilleurs qui bombardent leurs casernes. Le corps des janissaires est supprimé, ils sont éliminés avec ceux qui leur sont liés, comme les chefs des Bektachis. La réorganisation de l'armée est en marche.

Le texte présenté ici est une traduction d'un ouvrage de Esad Effendi par l'orientaliste Caussin de Perceval. Le traducteur a réécrit des passages entiers qui lui paraissaient trop longs, supprimé les "vers ampoulés" et parfois même réordonné le texte.
Nous reproduisons les deux préfaces et le sommaire.
A notre connaissance, ce texte n'a pas été retraduit en Français.

Esad Efendi, Mehmet (1789-1848) (ou Mohammed-Assaad-Effendi ou Assad Effendi), chroniqueur et poète, fut, entre autres, rédacteur de la version turque du Moniteur ottoman, cadi d'Istanbul et ambassadeur de la Porte en Iran. Ses chroniques couvrent la période qui va de 1821 à 1826. Une partie de ses livres appartient maintenant à la bibliothèque de la Süleymaniye à Istanbul.
Sources : Journal asiatique

[Mehmet Esad Efendi], Précis historique de la destruction du corps des Janissaires par le sultan Mahmoud, en 1826 ; traduit du Turc par A. P. Caussin de Perceval, professeur d'arabe vulgaire à l'Ecole des langues orientales vivantes près la Bibliothèque royale.
Paris, Firmin Didot Frères, Libraires, 1833, 365 pages
Disponibilité : Google books

Préface du traducteur
La destruction du corps puissant et séditieux des janissaires est une époque mémorable de l'histoire ottomane. Ce grand événement, dont les détails sont imparfaitement connus en France, est diversement apprécié parmi nous. L'ouvrage dont j'offre aujourd'hui la traduction au public, peut jeter un nouveau jour sur la question d'opportunité de la grande réforme entreprise par le sultan Mahmoud. L'auteur, Assad-Éfendi, historiographe de l'empire et rédacteur de la partie turque du Moniteur ottoman, a essayé de montrer par des faits que les janissaires n'étaient plus une force militaire, et que la nation ne voyait en eux que des oppresseurs, le gouvernement qu'un obstacle à toute amélioration.
J'ai adopté pour ma traduction le même système que j'avais déja suivi en traduisant l'Histoire de la guerre des Turcs contre les Russes pendant les années 1769-1774, par Vassif-Efendi. J'ai abrégé quelques longueurs, interverti plusieurs fois l'ordre des matières pour mettre une liaison plus marquée entre les faits,  retranché des commentaires sur divers passages du Coran, et quelques vers ampoulés à la louange du sultan. Mais je n'ai rien omis de ce qui était propre à faire connaître les mœurs et les idées religieuses de la nation musulmane. Je me suis efforcé surtout de conserver au style sa couleur et son cachet oriental. Ordinairement emphatique, il descend quelquefois, mais rarement, jusqu'à la trivialité.
Je me suis proposé le double but de reproduire le tableau d'un grand drame d'un intérêt tout récent, et de donner un échantillon de la littérature ottomane, que les orientalistes français ont négligée jusqu'ici, et dont l'existence est presque entièrement ignorée. Les Turcs ont cependant des historiens qui sont loin d'être sans mérite, et un nombre considérable de poètes dans les compositions desquels on trouve beaucoup d'imagination et d'esprit.
Malheureusement le goût des Orientaux en général, et des Turcs en particulier, est si différent du nôtre, qu'un traducteur de poésies turques pourrait difficilement se flatter d'obtenir quelque succès. C'est déja mettre l'indulgence des lecteurs à une assez forte épreuve que de leur présenter la traduction d'un historien ottoman.

Préface de l'auteur
Louange à Dieu qui a donné jadis aux troupes musulmanes le secours de légions invisibles ! Salut et bénédiction sur le Prophète dont la loi sainte a abrogé les cultes antérieurs sur sa famille et ses compagnons fidèles, qui détruisaient par le glaive les hypocrites et les idolâtres !
Heureux des faveurs versées sur moi par la main bienfaisante du sultan Mahmoud-Khan, fils d'Abdulhamid, fils d'Ahmed, dont la généalogie remonte, à travers trente générations successives, au glorieux sultan Osman, moi Mohammed-Assad-Éfendi, fils du chef de la corporation des libraires, j'occupais mes jours et mes nuits à écrire la suite de l'histoire ottomane et à faire des vœux pour la prospérité de S. H., lorsque tout à coup le corps puissant des janissaires, qui causait dans l'empire tant de désordres et de maux, ce colosse contre lequel s'étaient brisés les efforts de tant de monarques, a succombé en un instant sous le glaive du sultan Mahmoud, dont la juste vengeance a effacé de la feuille de l'existence le nom même des factieux vaincus.
Quoique ce grand événement doive trouver place dans les annales que je rédige, et dont il sera le principal ornement, néanmoins un fait aussi heureux, qui est dû à l'action personnelle du sultan, un fait par lequel il a purgé le jardin de l'empire des herbes sauvages et inutiles, et l'a embelli des fruits d'une organisation nouvelle, un fait qui éclipse les exploits de ses prédécesseurs, et qui lui mérite la reconnaissance des contemporains et de la postérité, m'a paru devoir former une page à part dans l'histoire, et pouvoir être la matière d'un livre, qui, semblable à un bouquet de roses, passera de mains en mains, et sera digne même d'être offert à tous les souverains.
En conséquence, avec l'espoir d'obtenir l'approbation de Sa Hautesse, j'ai entrepris d'exposer ce drame plein d'intérêt dans un ouvrage séparé. J'ai raconté comme introduction la levée des echkendjis, qui a servi de marchepied à la destruction des janissaires ! J'ai fait connaître, en même temps que l'anéantissement de ce corps, les vices qui s'y étaient introduits. Enfin, lorsque j'ai parlé de la formation d'une armée disciplinée, j'ai inséré dans mon récit quelques réflexions et considérations utiles. Je me suis efforcé de donner à mon style cette élégance qui plait aux gens de goût, et j'ai choisi pour mon livre le titre d'Ussi-Zafer [Uss-i-Zafer] (base de la victoire) [NOTE : Elif  1 + Sin  60 + Zha 900 + Fé  80 + Ré 200 = 1241. L'année 1241 de l'hégire correspond à l'année 1835-1836 de l'ère chrétienne.], qui indique la date de l'événement.
Je l'ai présenté à Sa Hautesse. Ce prince éclairé est si porté à favoriser le mérite, que si l'œuvre médiocre d'un de ses moindres serviteurs est mise sous ses yeux, son accueil indulgent donne à l'auteur d'une ligne une renommée dont l'éclat efface celui des Pléiades ; chaque point des lettres qu'a tracées la main de l'écrivain excite la jalousie des étoiles qui brillent au firmament. Mais surtout, lorsqu'une production comme celle-ci, traitant des belles actions de Sa Hautesse, pareille à une étoffe précieuse tissée sur le métier de la composition, a été empreinte de la marque de son approbation et honorée du suffrage d'un si juste appréciateur, elle doit être un objet d'envie pour les hommes les plus éloquents. Et moi, pauvre glaneur dans le champ des connaissances, par le seul avantage que j'ai eu de redire les hauts faits de ce glorieux sultan, je puis, sans être taxé d'exagération, me proclamer au-dessus de tous les historiens précédents. Mahmoud est un Alexandre terrible. Le moindre signe menaçant de son visage arrêterait, comme une muraille , les efforts de cent mille Yadjoudj (1) ; un seul de ses gestes puissants écraserait les émules impies de Cheddad (2) qui oseraient se mettre en hostilité contre lui.

Telle est la force, telle est la rectitude de son esprit, qu'il réduit au silence les métaphysiciens et les logiciens les plus subtils, les frappe d'étonnement, et les oblige à courber humblement la tête devant sa supériorité. Il est incomparable entre les plus sages monarques, comme l'exprime ce vers :

« Il plaît également aux guerriers, aux littérateurs, aux hommes bienfaisants, par ses exploits, ses discours, et sa libéralité. »

Il possède à un degré éminent toutes les qualités, tous les talents. Pour ne citer que quelques-uns de ses mérites, son écriture, d'une beauté extraordinaire, dont les points sont autant d'étoiles fixes, est une merveille digne d'être suspendue à la voûte des cieux près de la ceinture des Gémeaux. Le style si vanté de mir Féridoun est plat en comparaison du sien. Sa générosité est telle que les eaux de la mer ne seraient qu'une cuillerée de ses bienfaits, les mines de la terre, qu'une poignée de ses dons. Son adresse au tir de l'arc et du fusil est attestée par les innombrables colonnes blanches qui s'élèvent autour des lieux de ses promenades, et marquent l'a place du but qu'il a frappé. Son courage et sa bravoure sont au-dessus de tout ce qu'on peut dire. Du moins cet ouvrage véridique donnera un faible échantillon de son grand caractère, et sera comme un index du livre de son énergie et de sa puissance de volonté.

Commenter dignement l'in-folio de ses mérites serait une tâche trop forte, non seulement pour ma chétive plume, à moi qui suis un parasite au festin de la littérature, un petit enfant de l'école de la composition, mais aussi pour les plus habiles maîtres de la science, qui avouent leur impuissance à cet égard. Je n'aurai point la présomption de l'entreprendre. Ce mot d'un poète : L'esclave ne peut offrir que ses prières, sera mon excuse et ma règle. Je me bornerai donc à exprimer ici mes vœux pour S. H. Puisse le Très-Haut conserver ce monarque, l'amour des peuples, l'ornement du trône de l'équité, étendre son, ombre bienfaisante sur l'Orient et l'Occident, et ne donner à la multiplication de ses succès et de ses années, comme à celle des quantités numériques, d'autres limites que l'infini ! Amen !

(1) Le nom de Yadjoudf et Madjoudj, ou Gog et Magog, désigne les peuples les plus septentrionaux de l'Asie. On pense que ce sont ceux que les Grecs appelaient Hyperboréens. Au dire des auteurs musulmans, Alexandre-le-Grand avait bâti une muraille pour resserrer dans leur pays ces nations barbares, et les empêcher de faire des irruptions dans le cœur de l'Asie.
(2) Personnage fabuleux qui, suivant les mahométans, était un roi puissant de l'Arabie, et fut exterminé avec son peuple, pour avoir méprisé les avis du patriarche Heber, appelé Houd par les Arabes.


Sommaire
Avant-propos du traducteur. Page V
Préface de l'auteur Assad-Éfendi. 1
Chap. I. Introduction. Projet de formation d'un corps d'echkendjis. 11
Chap. II. Assemblée générale chez le moufti. Ordonnance constitutive du corps des echkendjis. Acte d'engagement des janissaires. 28
Chap. III. Considérations sur la légalité et l'utilité de l'organisation nouvelle. 83
Chap. IV. Nomination à la place d'inspecteur des echkendjis. Distribution d'armes et de vêtements aux nouveaux soldats. Commencement des exercices. 91
Chap. V. Proclamation du grand-vizir pour empêcher les propos malveillants. 97
Chap. VI. Révolte des janissaires. Les grands fonctionnaires se réunissent au sérai. Arrivée du sultan. Il confie à ses troupes l'étendard de Mahomet. 101
Chap. VII. Le grand-vizir établit son quartier-général dans la mosquée de sultan Ahmed. Il envoie Hussein-Pacha et Mohammed-Pacha combattre les rebelles. Défaite des janissaires. Incendie des casernes. 128
Chap. VIII. Mesures de précaution. 145
Chap. IX. Punition des principaux coupables. 150
Chap. X. Suppression du corps des janissaires. Abolition de leur nom et des marques de leurs compagnies. Firman lu par l'auteur dans la mosquée de sultan Ahmed. 158
Chap. XI. Récompenses et nominations. Punition de quelques officiers. L'étendard de Mahomet est rapporté au séraï 184
Chap. XII. Le sultan donne audience aux grands officiers. Il abolit les confiscations de successions de particuliers. Tous les fonctionnaires campent dans la première cour du séraï. 198
Chap. XIII. Détails sur les janissaires. 209
Chap. XIV. Punition du reste des factieux. 265
Chap. XV. Indices étonnants des volontés du ciel. 271
Chap. XVI. Mission donnée par le ciel au sultan Mahmoud d'être régénérateur. 278
Chap. XVII. Les gens turbulents sont expulsés de Constantinople. Récompenses aux oulémas et étudiants, au peuple et aux soldats. 283
Chap. XVIII. Le sultan voit manœuvrer les nouvelles troupes. Il va visiter le sérasker Hussein-Pacha dans le vieux sérai. On fait devant lui l'exercice à feu. 291
Chap. XIX. Suppression des derviches bektachis. 298
Chap. XX. Changement nécessité par la circonstance au cérémonial du Courban Baïram. 33o
Chap. XXI. Abolition des sipahis et autres anciens corps de cavalerie. 333
Chap. XXII. Réorganisation des djébédjis, bostandjis, etc. 350
Chap. XXIII. Récompenses accordées à l'auteur. 358

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