Journaliste et essayiste, Maurice Pernot participa à quelques missions pour le gouvernement français, dont trois en Turquie, en 1912 et dans les années 1920.

Il fut élève de l’Ecole normale supérieure vers 1898-1899,  agrégé des Lettres, membre de l'Ecole française de Rome. Peu attiré par l’enseignement ou la recherche, il s’engage dans la diplomatie et le journalisme et s’intéresse à la politique internationale. C’est un catholique fervent.

De 1903 à 1906, il est en Hollande où il enseigne la langue et la littérature française.

Mais il est plus attiré par le terrain et la politique internationale : en 1906, puis en 1911, il est correspondant du journal “Le Matin” à Berlin. Entre temps, en 1909-1910, il est à Rome pour le Journal des débats.

De mars à septembre 1912, il est chargé d'une enquête sur les établissements français du Proche-Orient, et se rend  à Istanbul, Le Caire, Alexandrie, Jérusalem, Beyrouth ; il publie un rapport sur son voyage.

“Parti de Paris le 11 janvier 1912, je me suis rendu directement à Constantinople, où j'ai séjourné pendant quelques semaines (4 janvier - 4 février).

...

 La visite de nos établissements en Mésopotamie m'a retenu pendant environ deux mois (Orfa, Diarbékir, Mossoul, Bagdad : 10 avril — 10 juin). J'ai employé cinq semaiines à visiter la Syrie : Alep, Homs, Damas, le Liban, Beyrouth, Tripoli, Lattaquiéh, Alexandrette, Antioche, etc : 10 juin — 17 juillet. D'Alexandrette j'ai passé à Adana, à Tarsous et à Mersina. J'ai achevé ma tournée par la visite de nos établissements en Asie Mineure et particulièrement à Smyrne. J'étais de retour à Constantinople le 5 août et à Paris quelques jours après.” (Rapport sur un voyage d'étude à Constantinople, en Egypte et en Turquie d'Asie, Janvier-Août 1912)

De 1915 à 1917, il est interprète de l’allemand et chef de la section d'information du Grand Quartier Général.

En janvier 1921, il suit à Istanbul le général Pellé (1863-1924) qui est envoyé  à Istanbul comme Haut-Commissaire de la République française en Orient avec rang d’ambassadeur.

Maurice Pernot se consacre ensuite à de grandes enquêtes pour la “Revue des deux mondes” et publie plusieurs ouvrages dont un intitulé “La question turque” en 1923, qui réunit des articles parus dans la “Revue des deux mondes” en 1922.

Maurice Pernot est à nouveau sollicité par le gouvernement français pour aller en Turquie, comme le montre la lettre du 20 mars 1923 que nous reproduisons, mais s’y rend aussi pour le compte des journaux pour lesquels il écrit. Nous ne savons malheureusement pas à qui cette lettre était adressée.

Lettre de Maurice Pernot

Texte de la lettre du 20 mars 1923

Paris, le 20 mars 1923

Mon cher ami,

Merci mille fois pour les aimables voeux que vous  avez bien voulu nous adresser à Paris, et pour votre fidèle souvenir.

Recevez, un peu tard, les souhaits que nous formons tous deux pour votre bonheur et pour votre avenir.

Je suis heureux de vous annoncer que nous serons à C[on]st[antino]ple dans les premiers jours de mai, pour un séjour de trois mois, qui comportera – si les circonstances s’y prêtent – un petit voyage en Asie. Vous devriez nous accompagner.

Je vais en Turquie avec une mission du quai d’Orsay, et, en même temps, pour mes journaux. But : mesurer les changements survenus depuis 1921. Le but n’est pas gai, mais la perspective de retrouver l’Orient m’enchante, et celle de vous revoir, comme vous le pensez bien, nous est très agréable à tous les deux.

A bientôt, mon cher ami. Nous vous adressons en attendant le meilleur et le plus affectueux souvenir.

Sur le Général Pellé

https://journals.openedition.org/sabix/179

Nécrologie de Maurice Pernot

https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1948_num_13_5_2832

Sommaire de "La question turque"

On peut trouver la version pdf de cet ouvrage ici : https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=uc1.b3480635&seq=7

CHAPITRE PREMIER.  CONSTANTINOPLE SOUS LE CONTROLE INTERALLIÉ . 

Police et politique . La justice à Constantinople . L'administration, les finances . Émigrés et réfugiés . Les Russes à Constantinople . Misère et corruption . L'esprit public sentiment national et zèle religieux . Le nationalisme turc . Le turquisme : statut territorial et statut politique . Constantinople et Angora — 1

CHAPITRE II . ANGORA . LES TURCS ENTRE L'OCCIDENT ET L'ORIENT . 

Les origines du mouvement anatolien : congrès d'Erzeroum et de Sivas . Le gouvernement d'Angora . Orientalistes et Occidentalistes . L'influence bolchéviste : Angora et Moscou . La capitale nationaliste : Moustapha Kemal . Angora et Berlin : l'intrigue allemande en Asie . L'accord du 20 octobre 1921— 63

CHAPITRE III . LES TURCS ET L'ISLAM . 

La Turquie et les réformes . Le caractère du peuple turc . L'Islam et la civilisation en Turquie . Le rôle du clergé . A propos de  droit musulman . La condition des femmes . Mœurs, tradition, culture . Solidarité et charité musulmanes — 111


CHAPITRE IV . LES MINORITÉS NON - MUSULMANES EN TURQUIE

Les Juifs . Les Grecs ottomans . Les Arméniens — 171

CHAPITRE V. LA TURQUIE ET LES PUISSANCES . 

Le point de vue de l'Allemagne . Les aspirations russes . Le dessein de l'Angleterre . La politique de la France . Le traité de Sèvres et le morcellement de la Turquie . La question de Constantinople . Les États-Unis et le Japon . L'Orient et le droit des peuples — 219

APPENDICES . 

I. Fetva Chérif du Mufti d'Angora — 275

II . Résolutions du Congrès d'Erzeroum — 282

III . Proclamation du Congrès d'Erzeroum — 296

IV . Statuts de l'organisation nationale de Balik - Kesser  — 301

V, VI, VII, Protestations formulées par le  Congrès National de Balik-Kesser — 306

VIII . Télégramme adressé au Sultan par le  Congrès de Sivas — 312

IX . Discours de Moustapha Kemal — 317

X. Déclaration de Chehabeddin Bey — 319

Compte-rendus sur "La question turque"


La revue critique des idées et des livres, 1er janvier 1923, page 63

La question turque, par MAURICE PERNOT (Grasset). — Il est superflu  d'insister sur l'erreur flagrante que fut le traité de Sèvres. Mais la  Turquie nationaliste, que par réaction il a fait naître, est-elle un  état viable ? — La très objective enquête de M. Pernot l'établit  péremptoirement. Il va de soi que nos intérêts doivent être sauvegardés,  mais l'entente est possible avec le nouvel État, et elle est nécessaire  aussi, si l'on veut éviter l'alliance turco-russe, qui, après Rapallo,  compromettrait gravement la paix boiteuse d'aujourd'hui. — Des notes  savoureuses sur les intrigues britanniques à Constantinople sous le  régime de l'occupation à trois complètent cette excellente étude. — F.  R. 

Journal "Stamboul", 3 avril 1922

LA QUESTION TURQUE D'APRÈS M. M. PERNOT

C’est une formidable bibliothèque que constitueraient les seules publications consacrées à la question d'Orient. A cause de sa durée, de son acuité sans cesse renaissante et de sa complexité, aucune n’a davantage sollicité les historiens, les hommes politiques, et surtout les polémistes nationaux ou étrangers. C’est dire que, dans cette énorme «littérature», tout n’est pas d’égale valeur. Le fatras y abonde, les passions politiques, avec tout ce qu’elles ont de sincère, mais aussi de partial, s'y donnent libre cours. Ceux qui cherchent simplement et sérieusement la vérité ont fort à faire à la démêler dans cet amas de thèses tendancieuses, d’affirmations outrancières et de statistiques contradictoires.

C’est pourquoi lorsque, de temps à autre, apparaît une étude sérieuse, dégagée de toute opinion préconçue, et qu’on sent inspirée par le seul souci d’apporter un peu de clarté dans une question très obscure, il faut s’y référer en toute confiance et en remercier l’auteur.

C’est assurément dans cette catégorie qu’on rangera la série d’articles que, sous la signature de M. Maurice Pernot, publie actuellement la Revue des Deux-Mondes. Le nom seul de l’auteur est une garantie de sérieux et d’impartialité, car tous les écrits qu’il a déjà publiés — et ils sont nombreux — portent la marque de ces qualités du meilleur cru.

Et d’abord par sa forte culture universitaire, par son passage à l’Ecole normale supérieure et à l’Ecole française de Rome, M. Pernot pratique tout naturellement les saines disciplines de la science historique. Il sait que, même dans la relation des faits contemporains - et plus peut-être encore pour ceux-là que pour les autres - la prudence et l'esprit critique s'imposent. Il sait quel effort est nécessaire pour en dégager de certaines influences et échapper à certaines atmosphères. Et cet effort, il le fait naturellement aujourd'hui parce que la modération de son tempérament l’y incline et parce qu’il en a longtemps l'habitude. Il excelle aussi à entrer dans l'esprit de ceux dont il expose les arguments, se pénètre de leurs sentiments, de leurs préjugés, quelquefois, à envisager les choses de leur point de vue, même si ce point de vue est un peu spécial. Avant de juger, il veut comprendre. Et il comprend d’autant mieux qu'à ses mérites d'impartialité, il 

joint des qualités d'observateur et de psychologue particulièrement précieuse dans l'étude des choses orientales. Enfin — comme on n’est pas impunément un normalien,— M.Pernot a la manière de dire les choses, de suggérer sans appuyer, de ne pas taire certaines vérités sans choquer ceux à qui elles s’adressent. Aucune flagornerie dans ces pages. C'est une étude de bonne foi, probe, sincère et loyale. Peut-être l’objectivité en paraîtra-t-elle à d'aucuns un peu austère et un peu froide. Pour nous, nous voyons là un des mérites essentiels de M. Pernot, dont la prose simple et directe nous repose de cette mauvaise littérature dont, par une imitation maladroite de certains grands modèles, les auteurs qui traitent de l'Orient se croient trop souvent obligés d'agrémenter leurs oeuvres.

Ajoutons que, pour faire une vaste enquête comme celle dont il publie les résultats. M. Pernot était doublement qualifié. D’abord, il connaît l’Orient de longue date, il y a résidé à plusieurs reprises,et ayant, notamment quelques années avant la guerre, parcouru toute l’Asie ottomane. Il rapporta de ce voyage, outre un rapport remarquable, une expérience qui ne lui a pas été inutile lors de son séjour à Constantinople. Et puis, professionnellement, M. Pernot est, depuis de longues années, rompu à ce «grand reportage». Il n’est guère de pays européen où ses fonctions de journaliste ne l’aient appelé. Il est de ceux dont les articles font autorité en matière de politique étrangère. On sait avec quel éclat il représente aujourd’hui, à Rome, le Journal des Débats.

Il est donc tout naturel que, à la demande du général Pellé — qui l’avait apprécié avant et pendant la guerre — M. Maurice Pernot ait été chargé par le gouvernement français d’une mission à Constantinople. Quels services il a pu rendre un autre domaine que celui de la presse, nous n’avons pas à le dire ici. 

Félicitons-nous seulement que son séjour de six mois parmi nous se soit traduit par l'utile publication dont nous voudrions, en quelques articles, faire sentir à nos lecteurs tout l'intérêt.

M. Pernot n'a pas la prétention d'apporter une solution définitive de la question d'Orient, ni même d'étudier le problème turc dans toute son ampleur. Il limite lui-même nettement la portée de son étude. Ecoutons-le :

“Qu'il s'agisse de Constantinople ou des Détroits, de l'Asie-Mineure ou de la Thrace, ces questions ne peuvent plus être réglées selon la pure convenance de l’état ou du groupe d'Etats qui se trouvera assez fort pour imposer sa volonté. Un problème les domine, qu'il faut avant tout étudier et essayer de résoudre : les Turcs musulmans forment une nation et ont, par des conquêt successives, constitué un Etat. Cet Etat doit-il et peut-il subsister, dans quelles limites et à quelles conditions ?

Cette nation, qui possède un caractère spécifique, une histoire, des institutions politiques et militaires, religieuses et juridiques, en un mot une certaine organisation, peut-elle être admise dans le concert, comme on disait autrefois, οu, соmmе оn dit aujourd'hui dans la société des nations civilisées, ou bien doit-elle en être rejetée La religion islamique et la législation qui en découlent condamnent-elles le peuple à l'immobilité ou, au contraire, lui laissent-elles la faculté de s'accomoder progressivement aux exigences et aux obligations que comporte la vie régulière d'un Etat moderne ? A ces questions difficiles, des réponses sommaires et catégoriques ont été faites récemment par des hommes politiques considérables. Peut-être n'en est-il que plus nécessaire de les soumettre à un examen sérieux et objectif.”

Voilà le but. Et voici la méthode :

“Mon dessein n'est pas de procéder méthodiquement, à un examen qui, pour être complet et définitif, exigerait les compétences réunies d'un historien, d'un économiste, d'un statisticien, d'un juriste et même d'un théologien. Je voudrais seulement en refaire ressortir l'opportunité et, s'il se peut, le préparer, en apportant ici, avec les témoignages recueillis et le plus souvent critiqués les uns par les autres, le résultat de mes propres observations. J'ai demandé aux Turcs de m'éclairer sur les choses de leur pays, en m'adressant tour à tour aux journalistes et aux hommes politiques de tous les partis, aux professeurs et aux religieux, aux fonctionnaires de l'Etat et aux hommes privés, j'ai interrogé sur la question tur que des Grecs, des Arméniens et des Juifs, choisissant, parmi les ecclésiastiques et les laïque, les personnes les plus qualifiées. Quelquefois, pour éclairer et compléter celte enquête, que les circonstances ont borné à la seule capitale et à ses proches environs, j'ai fait appel aux souvenirs d'un voyage antérieur, qui m'avait conduit de Jérusalem à Smyrne et de Diarbekir à Bagdad, à travers toutes les provinces de l'ancien empire et mis en contact avec les éléments les plus divers de la population.”

On voit que, même ainsi restreinte, l'enquête conduite par M. Pernot reste encore très vaste, et on en conçoit tout l'intérêt. 

Bien entendu, dans les quelques articles que nous allons lui consacrer, nous ne pas pourrons suivre l'auteur à travers tous les problèmes qu'il a soulevés. Nous nous bornerons à en choisir quelques-uns, à titre d'exemple, et en donnant le plus souvent possible, la parole à M. Pernot lui-même. Ce que nous voudrions avant tout, c'est donner à nos lecteurs le désir de connaître, dans leur texte intégral, ces remarquables articles, qui ne manqueront pas, sans doute, d'être réunis en volume, lorsque la Revue des Deux Mondes en aura achevé la publication.

E. Thomas

Bibliographie partielle de Maurice Pernot


·    Rapport sur un voyage d'étude à Constantinople, en Egypte et en Turquie d'Asie, janvier-août 1912, Comité de défense des intérêts français en Orient (Paris), 1913, In-8 °, XVI-338 p.
·    L'Épreuve de la Pologne, Plon-Nourrit et Cie (Paris), 1921, In-16, 311 p.
·    La question turque, B. Grasset (Paris), 1923, Collection : Politeia" , X-322 p. ; 19 cm
·    L'Expérience italienne..., B. Grasset (Paris), 1924, In-16, 260 p.
·    Le Saint-Siège, l'Église catholique et la politique mondiale ..., A. Colin (Paris), 1924, Collection Armand Colin ; N° 63, 214 p. ; in-16
·    L'expérience italienne, Bernard Grasset (Paris), 1924, Collection : Politeia" ,  8", 364 p. ; 19 cm
·    L'inquiétude de l'Orient. II. En Asie Musulmane, Hachette (Paris), 1927, Asie Musulmane -- 1927, 246 p
·    L'Allemagne aujourd'hui, Hachette (Paris), 1927, In-16, 203 p.
·    L'Inquiétude de l'Orient..., Hachette (Paris), 1927, Comprend : I. - Sur la route de l'Inde. - 253 p. ; II. - En Asie musulmane. - 245 p., Conditions sociales -- Inde | Inde | , In-16, fig. aux titres et aux couvertures
·    Balkans nouveaux, Hachette (Paris), 1929, 250 p. ; in-16
·    L'Allemagne de Hitler, Hachette (Paris), 1933, VIII-247 p. ; in-16
·    La Politique économique de l'Allemagne. Le système du docteur Funk, 1938

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