Fontaine et marché à Scutari.
Le marché aux fruits, à Scutari, est placé au bord de la mer : au milieu on voit une ancienne fontaine, d'un style simple, mais gracieux. Elle fournit une grande quantité d'excellente eau, qui vient du sombre sommet du Bulgurlhu ; et, par une superstition dont il est difficile de connaître la cause, les Turcs n'ont jamais voulu souffrir qu'elle servît aux besoins des habitants de la côte européenne, même dans les temps de la plus grande sécheresse. Aussi, en 1836, dans un moment où l'eau était excessivement rare, et que, des villages placés à l'entrée de la mer Noire, on la transportait à grands frais et après beaucoup de temps à la ville qui en manquait, on laissait la fontaine de Scutari couler à grands flots, et porter jusqu'au Bosphore la surabondance de ses eaux.
On a du marché une vue magnifique de l'ensemble du canal ; et l'endroit en lui-même est remarquable et digne d'intérêt. L'énorme quantité des fruits les plus parfumés et les plus délicieux qu'on y voit, ainsi que leur bon marché, [360] a quelque chose de surprenant pour un Européen. Les raisins et les melons de Scutari ont une grande réputation dans tout l'Orient ; ses figues rivalisent avec celles de Smyrne ; et il n'y a pas une seule des îles de l'Archipel dans laquelle les grenades soient plus belles et plus juteuses. Les oranges, les citrons, tes pêches, les délicates pommes d'api, qui n'ont de celles de l'Occident que la forme, y sont en abondance; et, avec quelques piastres, le Franc peut en remplir son calque.
Musiciens à la Vallée des Eaux Douces d'Asie.
J'ai déjà parlé de la Vallée des Eaux Douces d'Asie, de ses majestueux platanes, de sa charmante rivière, de ses délicieuses pelouses, des jeunes beautés qui viennent se reposer sous ses ombrages, des sultanes qui les embellissent par leurs brillants équipages, et des jeunes enfants qui font retentir les airs de leurs chants. Mais les musiciens font une classe à part, et méritent une notice séparée.
Leur musique n'a rien de bien harmonieux : le virtuose ne doit chercher aucun art dans leurs accords, et le poète ne peut pas se plaire à entendre leurs absurdités ; cependant il est impossible de ne pas rire de ce qu'ils disent, et de ne pas partager la bruyante gaieté qu'ils excitent autour d'eux. Le calpac [kalpak] de l'un et le turban de l'autre couvrent également le malin et l'homme industrieux. Que de choses on peut dire dans un poème, et donner à entendre dans une stance ! Là on voit la matrone, toujours circonspecte et vigilante, se rappelant ses jeunes années, et les piéges dont elle était entourée : maintenant, séduite par l'artificieuse musique des bardes voyageurs, elle semble tout oublier, sauf les charmes de leur vive imagination et de leur apparente simplicité. Près d'elle est la jeune beauté voilée, et dont la toilette indique de jalouses précautions, il est vrai, mais dont le cœur est aussi brûlant, l'imagination aussi ardente que si les grilles et les jalousies étaient inconnues dans le pays où elle est née. Ses joues, où règne la pâleur, se couvrent d'un doux incarnat, son pouls bat avec plus de force aux paroles qu'elle entend; car les récits des bardes font sur elle une impression plus profonde que sur sa tranquille compagne. Dans cette foule nombreuse se remarquent aussi des groupes d'enfants qui, dans une muette admiration, prêtent une attention soute nue aux chants des musiciens. Ceux-ci débitent de vieilles légendes d'un ton bas, traînant et monotone, qui ne contribue pas beaucoup à relever le peu d'intérêt qu'elles ont quelquefois : mais le tambour de basque et le bruyant carillon de ses sonnettes argentées, ainsi que le son un peu sourd du petit tambour arabe, dont ils s'accompagnent ordinairement, font oublier l'ennuyeuse monotonie de leur débit. Il faut au reste que ce spectacle ait un grand charme ; car on voit les spectateurs rester là plusieurs heures de suite, écoutant, et faisant retentir les airs de nombreuses et bruyantes acclamations, sans donner la moindre marque d'ennui.
Il y a parmi ces musiciens beaucoup de Valaques et de Juifs : et rien n'est [361] plus singulier que de les voir rester pendant un temps considérable sur une seule note, la téte en arrière, la bouche ouverte, les yeux fixes, et en prononçant avec force et rapidité une phrase entière sans reprendre haleine. Mais ces troubadours orientaux ne sont pas sans rivaux dans l'admiration des beautés voilées qui les entourent : les sorciers, les improvisateurs, les conteurs et les danseurs bulgares leur enlèvent une partie de leur auditoire; et autour d'eux règne un bruit continuel, causé par les vendeurs d'eau, de fruits et de sorbets. Cependant, de tous ces hommes-là, ce sont les musiciens qui sont les plus populaires; et celui d'entre eux qui a un talent reconnu ne manque guère de gagner une bonne journée, à chaque fête qui a lieu aux Eaux Douces d'Asie.
Beglier Bey [Beylerbey]
Le palais d'été impérial de Beglier Bey, sur la côte asiatique, est ce que le Bosphore offre de plus élégant. C'est un bâtiment très étendu, et dont la façade est irrégulière, construit sur le bord du canal, dont les flots baignent le pied d'une magnifique terrasse en marbre, et s'introduisent même quelquefois dans les mystérieux appartements inférieurs. Le palais est en bois; et la partie où est placé le harem se compose d'une suite de pignons dans lesquels sont pratiquées de longues rangées de fenêtres défendues avec le soin le plus minutieux par des contrevents en bois doré. Le Salemliek [Selamlık], qui renferme les appartements de parade, les salons particuliers du sultan, et les pièces occupées par la famille impériale, est un édifice octogone, dont le toit pointu est surmonté d'un croissant supportant une étoile, dont les rayons richement dorés jettent l'éclat du feu, lorsqu'ils sont éclairés par les rayons du soleil. Tout l'édifice est peint en blanc et en or pâle; et il a plutôt l'aspect d'un palais de fées élevé par enchantement, que l'ouvrage de l'homme.
Une porte en marbre ferme la terrasse du côté de la ville : c'est par là qu'on fait entrer les visiteurs dans un jardin rempli des plus belles fleurs, et embaumé de leur parfum; où de nombreux jets d'eau rafraîchissent l'air, et, par leur doux murmure, ajoutent à l'agrément du lieu; où des oiseaux errent à volonté, et dont le plumage éblouissant brille des couleurs de l'arc-en-ciel, de même que les fleurs au milieu desquelles ils se jouent. Une grille dorée défend du côté de la mer cette retraite délicieuse : au-delà, une porte, d'un beau travail et de superbes proportions, conduit à la grande salle d'entrée.
Dans le premier moment, l'intérieur n'a rien d'imposant : le double escalier, formant une espèce de croissant dans le milieu de la pièce, en diminue la grandeur et en fait presque disparaître les proportions; défaut que rendent moins sensible le beau travail des sculptures, et les dorures des colonnes et des balustrades. Néanmoins cet effet du premier coup d'œil est trompeur: car de cet appartement, couvert d'ornements en bois précieux, dont le plafond est peint en arabesques, et qui est parfaitement éclairé, on entre dans huit salons spacieux, disposés pour la famille impériale.
[362]
Au-delà sont les appartements de parade, resplendissants de dorures, et qui sont meublés avec tout le luxe que peu vent déployer l'Orient et l'Occident. Des divans turcs en étoffes d'or et en velours brodé, des sofas et des lits de repos a la mode d'Europe, de la bijouterie de Genève, de la porcelaine de Sèvres, des marbres d'Italie, des mosaïques de Pompéi, des tapis de Perse, des tentures d'Angleterre, y sont à profusion. Dans le principal salon, on voit six des plus belles glaces qu'on puisse voir dans le monde, si ce ne sont pas même les plus belles: c'est un présent fait au sultan par l'empereur de Russie, après le traité d'Unkiar Skelessi [Hünkâr İskelesi]. Entourées de larges cadres de vermeil, et portant les armes réunies des deux empires, ces glaces magnifiques réfléchissent dans toutes les directions les ornements dont la pièce est décorée, et produisent un effet presque magique. D'un autre côté, le plafond richement travaillent sur lequel sont sculptées d'élégantes guirlandes de fleurs, le riche et brillant tapis qui couvre le plancher, viennent contribuer à donner à ce salon un aspect enchanteur et délicieux, qu'augmentent encore toutes les beautés du jardin placé sous les fenêtres, avec-ses jets d'eau, ses orangers, et ses beaux treillages.
Le salon de réception est petit, et remarquable seulement par l'élégance et la commodité du divan sur lequel le sultan reçoit les visiteurs, ainsi que par la vue magnifique dont on y jouit, et qui s'étend sur tout le canal, de puis la pointe du sérail jusqu'au château de Mahomet.
La salle de banquet est entièrement lambrissée de bois rares et précieux, travaillés en mosaïque. Le plafond et le parquet représentent des guirlandes de feuilles de vigne et de grappes de raisin, entremêlées de pommes de pin du travail le plus exquis.
De là une longue galerie conduit à l'appartement privé du sultan : de chaque côté sont de gracieuses fontaines de marbre blanc, dont les eaux jaillissantes retombent avec un harmonieux murmure dans des bassins ornés de sculptures. Dans une d'elles, le filet d'eau coule par un bouquet de plumes en albâtre, dont le travail est si délicat qu'elles paraissent plier sous le poids de l'eau qui en tombe. Dans une autre, l'eau se répand avec abondance sur une fleur de lotus, au bord de laquelle est placé un groupe d'Amours. Les appartements particuliers qui séparent le harem des pièces de parade réunissent toutes les commodités imaginables. Deux des pièces sont lambrissées en osier, admirablement travaillé, et revêtu d'une couleur à la crème. Il est difficile de voir une idée aussi gracieuse rendue avec plus de goût.
Le harem est comme un livre fermé : car les femmes du sultan n'ont pas même la permission de satisfaire leur curiosité, en visitant la partie du palais réservée à Mahmoud lui-même ; et on ne peut pas supposer qu'un étranger fût admis à franchir le seuil, si scrupuleusement gardé, qui conduit chez elles.
Il ne me reste plus qu'à parler des vastes et magnifiques jardins, dont les terrasses s'élèvent les unes au-dessus des autres jusqu'au sommet de la
[363]
montagne qui domine le palais. Chaque terrasse est confiée à la garde d'un jardinier étranger, et disposée suivant le goût et la manière de son pays. La plus belle partie du jardin renferme une charmante pièce d'eau, qu'on nomme le Lac des Cygnes, et sur laquelle on voit en grande quantité ces beaux oiseaux, que le sultan aime avec tant de passion qu'il passe quelquefois des heures entières à les voir glisser sur la surface des eaux. Des bateaux peints et dorés sont amarrés à l'ombre des magnolias, des saules, et d'autres beaux arbres qui entourent le lac. A plusieurs toises du bord est un charmant et délicieux pavillon appelé le Bain d'Air, et qui sert d'abri contre les grandes chaleurs de l'été. Le toit, les murs et les planchers sont en marbre, sur lequel sont gravés des emblèmes maritimes. Des fontaines répandent leurs eaux sur une suite de coquilles, de divinités de la mer, de plantes marines et de petits rochers de corail, et entretiennent un courant continuel d'air frais, en faisant entendre un doux et délicieux murmure. Plusieurs autres pièces font suite à ce magnifique salon, et tout l'ensemble forme le plus joli bijou qu'il soit possible d'imaginer. Les ondulations que forme la côte, garnie de maisons, et abritée par des collines couvertes d'une épaisse verdure, les rochers fortifiés ; les voiles brillantes des vaisseaux passant sur le canal ; et, plus loin, l'orageux Euxin, semblant dédaigner de baigner de ses flots les forteresses qui hérissent ses barrières : tout se réunit pour former un tableau digne de fixer l'attention du peintre, et d'exciter l'admiration du voyageur.
Après cette longue digression, qui n'aura pas été, nous le pensons, sans intérêt pour le lecteur, nous allons reprendre la narration de notre voyage.
Lorsque notre sacolève eut subi la visite ordinaire de la douane des Dardanelles, et que nous eûmes rendu nos devoirs au consul de France, nous continuâmes notre route vers l'embouchure du canal. Nous passâmes entre les deux premiers châteaux d'Europe et d'Asie, et découvrîmes, dans le lointain, la côte de Troie, que le soleil couchant éclairait de ses derniers rayons.
A six heures du soir nous sortîmes de l'Hellespont, par un vent frais du nord-est, qui nous favorisa tellement toute la nuit, que le 28, à la pointe du jour nous nous trouvions au sud-ouest de Mételin (1), à la vue de l'île de Scio, où nous aurions bientôt abordé, sans un calme plat qui nous retint toute la journée entre Ipsara et l'entrée du golfe de Smyrne.
Scio. — Nous ne jetâmes l'ancre dans le port de Scio que le 29, à huit heures du matin. C'était le troisième jour du Courban-Baïram, la fête la plus solennelle des musulmans.
1. Mételin est l'ancienne île de Lesbos. Elle a une quarantaine de lieues de tour : ses deux meilleurs ports sont Porto-Sigri et Port-Olivier. J'eus occasion de relâcher dans ce dernier, à mon premier voyage à Constantinople. La ville est bâtie en amphithéâtre, à peu de distance de la mer, et sur des rochers très escarpés. On y voit peu de Turcs ; la majeure partie des habitants de l'île sont Grecs.
Les drapeaux de soie des janissaires [364] flottaient sur la forteresse, et la variété de leurs couleurs produisait un coup d'œil charmant. Quoique nous fussions à la fin de décembre, l'air était aussi doux et le temps aussi beau qu'au mois d'avril.
Nous ne passâmes, cette fois, que deux jours à Scio. J'entrerai plus bas dans quelques détails sur cette île, où je demeurai dix-huit jours, à mon retour de Smyrne.
Après avoir fait une visite au consul de France, nous cherchâmes de suite une occasion pour nous rendre à Smyrne, où nous devions passer une partie de l'hiver.
Nous nous embarquâmes sur un petit bateau turc, chargé d'oranges et de citrons, qui nous transporta de Scio à Tchesmé [Çeşme], sur la côte d'Asie, dans l'espace de deux heures et demie. La largeur du canal n'est que de cinq lieues; mais nous souffrîmes cruellement de la mer dans notre frêle embarcation, qui contenait une vingtaine de passagers entassés les uns sur les autres, sans compter les matelots turcs et leur flegmatique patron, qui ne cessa pendant tout le trajet de fumer et de dormir, sans se mêler en rien de la manœuvre.
Tchesmé [Çeşme]. — A notre arrivée à Tchesmé, nous nous fîmes conduire, par un matelot, chez l'agent de France, pour lequel le consul de Scio nous avait donné une lettre de recommandation.
Cet agent était un jeune Grec, vêtu à l'orientale, et d'une ignorance complète des mœurs et de la langue de la nation qu'il représentait, quoique dans le pays tout le monde le saluât du titre de consul. Il nous offrit assez poliment sa maison pour y passer la nuit, à condition que nous déménagerions le lendemain ; mais il nous déclara formellement qu'il lui était impossible du nous donner à souper, parce que c'était vigile, et qu'il ne se trouvait rien dans le pays qui fût digne de nous être présenté. Nous nous récriâmes unanimement contre une pareille déclaration, protestant que nous n'étions pas d'humeur à nous coucher sans souper ; et nous offrîmes même de payer d'avance toutes les provisions qui nous seraient nécessaires. Ces dernières paroles produisirent tout l'effet que nous en avions attendu sur l'esprit de cet honnête agent, qui, bien convaincu qu'il ne réussirait point à nous faire jeûner, devint tout à coup l'homme du monde le plus traitable, et s'empressa d'expédier de tous côtés ses domestiques, qui ne tardèrent pas à rentrer avec d'excellent poisson, de très bon vin, et des fruits de toute espèce.
1. Les consuls de France ont, sur différents points de leurs départements, des agents chargés de les représenter, et de protéger en leur nom les voyageurs français. Ces agents sont le plus souvent des gens du pays, qui gagnent par ce moyen la protection du gouvernement qu'ils servent, mais qui ne se comportent pas tous de manière à le faire respecter. Il serait fort à désirer, pour l'honneur de la nation, que les consuls n'accordassent ces places de confiance qu'à des Français.
L'agent fit alors dresser une table ronde, couverte d'une nappe d'indienne de couleur, assez malpropre : il ne voulut jamais se mettre à table avec nous, malgré nos instances réitérées. Pendant tout le souper, il resta constamment debout, avec ses domestiques et les nôtres, occupé à nous verser à boire et à changer nos assiettes.
Au moment où, pour nous délasser des fatigues de la journée, nous nous disposions à prendre quelque repos sur un sofa qui occupait tout le tour de l'appartement, notre agent, qui venait de disparaître subitement, rentra d'un air embarrassé, une écritoire et une feuille de papier blanc dans une main, et dans l'autre une grosse liasse de papiers écrits, enfilés par un long fil de fer. Nous ne pouvions deviner où il allait en venir, lorsqu'il nous pria le plus humblement possible de lui délivrer, avant de nous endormir, un petit certificat par lequel nous reconnaîtrions avoir été reçus et hébergés chez lui, afin que ladite pièce pût lui servir et valoir en tant que de besoin ; et, pour nous déterminer plus vite à lui accorder cette faveur, déroulant en un clin d'œil sa liasse de papiers, il étala avec complaisance une trentaine d'attestations semblables, que lui avaient délivrées divers voyageurs et passagers français. Nous rédigeâmes, à l'instant même, un acte en bonne forme, tel en tout point qu'il l'avait désiré ; et la pièce fut incontinent et en notre présence enfilée avec les autres, pour être exhibée dans l'occasion. Je ne cite ce fait que pour donner au lecteur une idée du mélange d'orgueil et de bassesse dont se constitue le caractère de la plupart des agents de nos consuls : on doit penser que nous rîmes beaucoup de l'aventure. Nous consacrâmes le reste de la soirée à faire nos préparatifs, afin de continuer notre route dès le lendemain matin. Nous fîmes en conséquence arrêter des chevaux pour nous rendre par terre à Smyrne, qui n'est éloignée de Tchesmé que de quinze lieues.
Tchesmé est une ville de cinq ou six mille habitants turcs et grecs, située sur la côte d'Asie, en face de l'île de Scio. C'est dans ce port que fut détruite, le 7 juillet 1770, la flotte ottomane sous le commandement du fameux Gazi-Hassan-Pacha, par l'amiral russe Spiritow. Les campagnes environnantes sont, comme celles de Scio, couvertes d'orangers et de citronniers.
Il existe au bord de la mer, et à peu de distance de la ville, une source d'eau chaude; bientôt on cesse de côtoyer le rivage pour entrer dans des montagnes arides, en se dirigeant sur le pic des Deux-Frères, le point le plus élevé de la chaîne de montagnes qui finit au cap Karabournou.
Ourlak [Urla]. — Nous n'arrivâmes que fort tard à Ourlak, gros bourg à un quart de lieue de la plage, sur le promontoire Karabournou [Karaburnu], et que quelques voyageurs prétendent être l'ancienne ville de Clazomène, l'une des sept cités qui se disputaient l'honneur d'avoir donné naissance à Homère.
Nous passâmes la nuit à Ourlak, dans la maison d'un Grec qui tient une espèce d'auberge : et, remontés à cheval à la pointe du jour, nous descendîmes, à travers des rizières très étendues, au bord de la mer, que nous côtoyâmes jusqu'à notre arrivée à Smyrne.
Avant d'entrer dans cette ville, on traverse un bois d'oliviers qui se [366] prolonge au sud-ouest, derrière le château, l'espace d'une grande lieue; on y rencontre trois postes de janissaires, qui ne manquent jamais de rançonner les voyageurs, sous le prétexte qu'ils sont là pour veiller à leur sûreté.