Biographie du fondateur d'Osman, le fondateur de la dynastie ottomane, ses conquêtes, le rêve d'Osman, son testament,... extraits de Jouannin, Turquie, 1840. 

CHAPITRE II. 

GHAZI-SULTAN-OSMAN.

Après avoir chassé les Tatares des Etats d'Ala-eddin, Erthogroul [Ertuğrul] avait couronné ses nombreuses victoires par la conquête de Kutahilè, enlevée aux Grecs l'an 680 (1281). La mort arrêta, au milieu de ses triomphes, ce héros, qui jeta les premiers fondements de la monarchie ottomane. L'ainé de ses trois fils, Osman, succéda à la faveur dont jouissait son père. Né en 657 (1259), le jeune prince était connu à la cour d'Ala-eddin, sous le nom d'Osmandjik, c'est-à-dire, le petit Osman. Le Sultan d'Iconium, en souvenir des services d'Erthogroul, donna à son fils le commandement en chef de l'armée, et lui envoya les insignes de ce commandement. Ces insignes étaient le tabl (tambour), et le alèm (étendard) (*). 

Osman GaziPortrait d'Osman

(*) Ces deux mots réunis (tabl-alèm) sont spécialement consacrés à désigner l'ensemble des attributs attachés à la dignité des chefs d'armée et autres commandants supérieurs. Ainsi, par exemple, un vézir ou pacha à trois queues était dans l'obligation d'avoir autour de lui neuf tambours (tablzen), autant de fifres (zurnadar), sept trompettes (borazen), quatre cymbaliers (zilzen), trois porteurs de though (queues de cheval tressées), un porteur de sandjak ou étendart vert, et deux baïrakdars, porteurs du baïrak, drapeau plus large que le sandjak. 

Outre ces honneurs, Ala-eddin accorda à Osman le sikkè, ou la permission de battre monnaie, et le khoutbè, ou le droit de faire proclamer son nom dans les prières publiques du vendredi. Ainsi le titre de Sultan semblait le seul qui manquât au puissant favori. Il fut assez prudent, ou assez reconnaissant envers le souverain à qui il devait une si haute fortune, pour lui rester toujours fidèle. Au lieu de chercher à ébranler le trône de son bienfaiteur, il fit rentrer dans le devoir les princes révoltés, tourna ses armes victorieuses contre les Grecs, et leur enleva les villes de Culze et de Kara-Hyssar. 

L'expulsion des Tatares mogols, et une suite de brillantes victoires, lui valurent de nouveaux témoignées de l'affection d'Ala-eddin, qui l'investit du gouvernement d'Eski-Chehir (Vieille-Ville) [Eskisehir] et le combla d'honneurs et de présents. 

[Conquêtes d'Osman Ier]

La prospérité et la faveur sans cesse croissantes d'Osman ne tardèrent pas à exciter la jalousie des seigneurs voisins. Elle lui serait devenue fatale, sans la fidélité de Michel, surnommé Kieuçè ou Barbe de bouc. Ce prince grec, ami intime et compagnon d'armes d'Osman, était gouverneur du château de Khyrmendjik, situé sur l’Olympe, non loin d'Édrenos (l'ancienne ville d'Adrien). Invité aux noces de la fille de Kieuçé, Osman déploya aux yeux des convives un luxe et une magnificence qui ne firent qu'accroître ta haine secrète que les émirs portaient au favori d'Ala-eddin : sa mort fut résolue. Une circonstance favorable s'offrit bientôt pour l'exécution du complot. Le seigneur de Bilèdjik [Bilecik] allait épouser la fille du gouverneur de Yar-Hyssar il pria Osman d'honorer la fête de sa présence. Prévenu par Michel Kieuçè, que les conjurés avaient eu l'imprudence d'instruire de leur lâche complot, Osman accepte l'invitation, avec l'apparence de la sécurité la plus complète; il prie même le traître de lui permettre de transporter dans le château de Bilèdjik son harem et ses trésors, pour les mettre à l'abri d'une surprise pendant son absence. Cette demande est accueillie avec empressement. Osman déguise quarante jeunes guerriers en femmes, les fait servir de cortége aux chariots qui portaient ses prétendues richesses, s'empare du château, tue de sa main le perfide gouverneur, enlève la belle fiancée Niloufer [Nilüfer] (*), et la réserve pour la couche de son fils Orkhan, alors à peine âgé de douze ans. 

Cette expédition fut suivie de la prise d'Aïne-Gueul, et de plusieurs autres villes et châteaux qu'Osman soumit à la puissance d'Ala-eddin. 

(*) Nom actuel de la rivière qui traverse la riche plaine de Brousse de l'est à l'onest, et où le nénuphar croit en abondance. 

Ce monarque était craint et haï de ses sujets. En 699, des hordes de Tatares gazaniens ayant fait irruption dans ses Etats, les grands du royaume profitèrent de cette occasion pour se soulever une seconde fois. Tremblant pour sa vie, Ala-Eddin se réfugie auprès de l’empereur des Grecs, Michel Paléologue, où il trouve la captivité et la mort, au lieu de l'hospitalité généreuse qu'il implorait.

Osman, à qui sa brillante valeur avait fait donner le surnom de Ghazi (le Victorieux), se voyait ainsi sur les marches du trône, vacant par la chute du denier prince de la dynastie des Seldjoukides de Boum. Sa réputation éclatante éblouit les uns, ses immenses richesses gagnèrent les autres; et la foule, partout éprise du merveilleux, Mais plus encore chez les peuples ignorants et enthousiastes, fut fascinée par les prédictions et les prestiges dont une adroite politique avait  entouré le berceau et les premiers triomphe: du fils d’Erthogroul.

Nous raconterons quelques-unes de ces croyances superstieuses; car elles sont au rang des causes extraordinaires qui ont concouru a la formation de l’empire ottoman, et aux diverses phases sa puissance; de plus, elles peignent l'esprit de la nation crédule et avide de merveilleux qui les a adoptées.

Peu de temps avant la naissance d’Osman, son père vit, durant son sommeil, une source limpide jaillir avec impétuosité de sa maison, grossir bientôt, torrent immense, et couvrir de ses eaux la surface du globe. A son réveil, il consulte avec roi un vieux cheîkh, interprète des songes: «  Rassure-toi, lui dit le vieillard; ta race est bénie de Dieu; car de toi naîtra un fils, fondateur d'une monarchie qui s'étendra bientôt sur tout l'univers. »

[Le sheikh Edebali et le rêve d’Osman]

Osman eut lui-même les présages les ns heureux de sa grandeur et de celle de sa race. Habitué par son père à ne fréquenter que des hommes vertueux et lettrès, il se plaisait surtout dans la société d’Edèbaly [Edebali], vieux cheikh renommé par sa piété et sa science. Ce saint personnage avait une fille, la belle Malhoun-Khatun [Malhun Hatun] (*); Osman l'aimait sans espoir, car elle lui avait dit: « La fille d'un pauvre cheikh, qui n'a pour lui que la doctrine et la vertu, ne peut aspirer à la main d'un seigneur de votre rang. Après une nuit passée dans la méditation et les larmes, Osman se prosterne la face contre terre, et prie avec ferveur. Un profond sommeil s`empare de ses sens: il voit en songe une lueur, douce comme la clarté de la pleine lune, sortir des côtes du cheïkh Edebaly : elle se pose sur le nombril d'Osman, d'où s’élève tout à coup un arbre immense : sa cime se perdait dans les nues, des fruits délicieux pendaient à ses branches, et son feuillage épais couvrait l'univers. Un des rameaux, d'un vert plus éclatant, recourbé comme un cimeterre, penchait vers l'Occident, du côté de Constantinople. Sous le mystérieux ombrage, les fleuves majestueux, de frais ruisseaux arrosaient es vergers et des prairies; les villes aux dômes étincelants, aux minarets élancés s'élevaient dans de vastes plaines, où cent peuples divers, accourus de toutes les parties du monde, faisaient éclater leur joie à la vue de cet admirable spectacle. Le cheikh Edebaly expliqua ainsi cette vision miraculeuse : l'arbre était le mystérieux thouba, l'une des merveilles du paradis; sa beauté, ses fruits exquis, sa végétation vigoureuse, désignait la prospérité de la maison d’Osman; les villes, les plaines, les vergers, les fleuves, montraient l'étendue de sa monarchie; les peuples nombreux, venus de tous côtés se ranger sous l’ombrage du nouveau thouba, figuraient les différentes nations qui se soumettraient à son sceptre ; le rameau penché vers Constantinople indiquait la conquête de cette capitale par un prince de sa famille, et la douce clarté qui sortait des côtes du cheikh était l'emblème de sa fille Malhoun-Khatun, dont l'alliance avec Osman devait réaliser toutes les promesses de la vision céleste. C'est de ce mariage, célébré en 673 (1274), que naquit Orkhan, successeur d'Osman. 

(*) Les historiens ottomans appellent indifféremment la fille du cheikh Edebaly, Malhoun-Khatun ou Mal-khatun (femme-trésor) et Karimiiè (lune de beauté). 

Ce prince, que sa haute position et la voix publique appelaient a recueillir l'héritage des Seldjoukides, fut déclaré Sultan l'an 699 (1300). Il établit le siège de sa puissance dans la ville de Kara-Hyssar, et le premier se décora du titre d'empereur des Ottomans (padichahi ali Osman). Dès qu'il se vit sur le trône, il donna à ses enfants le gouvernement d'une portion du territoire qui reconnaissait son autorité, et leur en confia la défense. Il fit ensuite la conquête de Kupri-Hyssar et, après avoir agrandi, fortifié et embelli la ville de Yeni-Chèhir, il la choisit définitivement pour le lieu de sa résidence, et abandonna le séjour de Kara-Hyssar. Osman signala son avènement par un de ces actes de cruauté qui trop souvent ont souillé de sang les annales ottomanes. Son oncle Dundar, vénérable nonagénaire, ayant osé lui faire quelques objections sur ses projets de conquêtes, Osman irrité perça le vieillard d'un coup de flèche. Cette terrible leçon contint dans un silencieux respect les soldats du farouche conquérant. 

[Bataille de Bapheus, 27 juillet 1302]

Après s'être emparé des châteaux de Dimsouz, Koïoun-Hyssar et Marmara, Osman bat, auprès de Nicomédie, l'hœtériarque Muzzalo [Mouzalon], général des gardes de l'empereur de Byzance. Aï-Doghdy, neveu d'Osman, périt dans la bataille de Koïoun-Hyssar [Koyunhisar] ; son tombeau, élevé sur le bord de la route, opère, suivant la tradition populaire, des guérisons miraculeuses sur les chevaux malades.

Dans l'intervalle de ses conquêtes, Osman s'occupait à établir l'ordre et la tranquillité, qui ne peuvent naitre que de l'observation des lois. Il trouva encore dans une superstition traditionnelle du peuple tes moyens de consolider sa puissance; elle était, assurait-on, prédite par le prophète même dans ces paroles du Coran : « Certes, à l'époque de chaque nouveau siècle, Dieu  enverra à ce peuple quelqu'un pour renouveler sa foi. » Or on touchait alors au huitième de l'hégire, puisque l'avènement d'Osman eut lieu en 699. Le terrible Djenghiz-Khan [Gengis khan], sorti de ses déserts l'an 600 de cette ère, dut ses premiers succès à cette croyance universelle. Le nom même d'Osman, qui, selon sa racine arabe, signifie « briseur d'os », contribua à convaincre les peuples de sa mission souveraine; suivant les écrivains de ce temps, Osman, le briseur d'os, devait écraser les princes infidèles et tous les ennemis de sa maison. Les musulmans ont la plus grande confiance dans la signification bonne ou mauvaise des noms; car les noms viennent du ciel, dit le Kelam-cherif, ou la parole sacrée (*). 

Dès qu'Osman eut assis son pouvoir sur une base solide, ii se prépara à une nouvelle expédition, dont le but principal était d'empêcher ses soldats de s'amollir au sein de l'oisiveté et de l'abondance. Il marche sur Iznik (Nicée) mais ses armes, jusqu'alors victorieuses, sont arrêtées par l'invincible résistance de la garnison. Il lève le siège, et, pour tenir ses troupes en haleine, il fait bâtir, en regard de la ville, et sur une haute montagne au nord d'Yeni-Chèhir, un château fort, qu'il appelle Targhan, du nom du brave chef à qui il en confia la garde. 

(*) Kelam-cherif est un des noms que les musulmans donnent an Coran; ils l'appellent encore kitab ou kitab-ullah, le livre par excellence, le livre de Dieu; moshaf, le code suprême ; furkan, celui qui marque la distinction du bien et du mal, du vrai et du faux. 

En 707 [de l’hégire], les gouverneurs des provinces grecques, excités par le commandant de Brousse, s'unissent secrètement contre Osman. Ce prince, averti de leurs desseins, tombe à l'improviste sur leurs troupes réunies, et les met en déroute. Le gouverneur du château de Kestel périt sur le champ de bataille; celui de Kutahiïè prend la fuite Osman le poursuit jusqu'à Ouloubad. Le commandant de cette ville, effrayé du sort de ses compagnons d'armes, n'ose s'opposer à la fureur des Ottomans, et livre le malheureux fuyard, sous la promesse solennelle que le vainqueur ni ses descendants ne passeraient jamais la rivière d'Ouloubad. Ce serment fut tenu par les successeurs d'Osman, à l'aide de ces interprétations élastiques dont une congrégation célèbre est accusée de se servir trop fréquemment, mais dont les nations orientales avaient largement usé bien avant l'apparition de saint Ignace en Occident. Quand les empereurs ottomans voulurent s'avancer au delà d'Ouloubad, au lieu de traverser la rivière, ils en dépassèrent l'embouchure, par mer, en prenant le large : ils mettaient ainsi leur conscience de conquérants en repos par l'exécution de la lettre du traité, et s'embarrassaient fort peu de son esprit. 

Maître de presque toutes les villes de la Bithynie, Osman, afin de mieux consolider ses victoires, sut imposer un frein momentané à son ambition; il employa quelques années de paix à réparer dans ses Etats les maux inévitables que la guerre traîne à sa suite. Mais cette inaction ne pouvait plaire longtemps à des soldats accoutumés au tumulte des armes et à tous les désordres du pillage: ils demandèrent bientôt à être conduits à de nouvelles conquêtes. Osman se rend à leurs désirs; mais, habile à profiter de l'ardeur de ses troupes, leur rappelle le précepte du Coran, qui ordonne de travailler à la propagation de l'islamisme « C'est un devoir, leur dit-il, préférable à toutes les richesses de ce monde; invitons d'abord avec douceur les princes chrétiens à embrasser la religion du prophète; mais s'ils résistent à la loi divine, que le fer et le feu punissent leur obstination criminelle ! » En conséquence, il envoie tous les princes de l'Asie Mineure des tchaouch (*), qui leur signifient de choisir entre le mahométisme, le tribut de soumission (kharadj ) ou la guerre. 

(**) Les tchaouch sont des messagers d'État aux ordres du grand vézir. Leur chef appelé Tchaouch-Bachi était préposé à la garde des prisonniers de qualité, à l’éxécution des ordres émanés de la volonté souveraine et des organes de la justice (cheri’at). Les tchaouch avaient pour armes un arc et des flèches, un cimeterre et un bâton court, dont la poignée se nomme topouz. Comme huissiers, ils sont chargés également d'appeler et de conduire devant les tribunaux les individus qui y sont cités dans les causes civiles et criminelles. Certains tchaouch ont joué quelquefois un rôle beaucoup plus important, on les a vus ambassadeurs de la Porte chez les puissances européennes. Leur nom et leur emploi sont antérieurs à la fondation de l'empire ottoman. Le grand Tzaouss (Megas Tzaous) tenait un des premiers rangs sous les princes du Bas-Empire, ainsi que le tchaouch-baschi à la cour des Sultans seldjoukides. 

Son ami Michet Kieuçè se soumet le premier au Coran. De grands honneurs le récompensèrent; de cet acte de dévouement, et sa postérité a joui longtemps de la plus haute faveur sous les successeurs d'Osman. Quelques seigneurs, entre autres ceux de Lefkè (l'ancienne Leucae), d'Ak-Hyssar et de Bekedjè, sans adopter la religion du conquérant, devinrent ses tributaires; d'autres s'enfuirent ou furent faits prisonniers. 

Tandis qu'Osman était occupé à les soumettre, une horde de Tatares-Tchodars fait irruption dans ses États, et pénètre jusqu'à Karadja-Hyssar. Orkhan fils du Sultan, les rencontre près du château d'Oïnach, en passe une portion au fil de l'épée, et force les prisonniers à embrasser le mahométisme. Encouragé par ces premiers exploits, il s'empare de plusieurs forts des environs d'Ak-Hyssar. Les braves compagnons d'armes d'Osman Michel Rieuçè, Konour-Alp [Konur Alp], le fameux capitaine Aktchè-Kodja [Akça Koca], Abdurrahman, qui partageait avec le Sultan le glorieux surnom de ghazi, contribuèrent puissamment au succès des armes du fils de leur maître. Ce monarque, qui ne croyait pas sa puissance bien affermie tant qu'il ne posséderait pas Brousse, capitale de la Bithynie, envoie Orkhan, à la tête d'une nombreuse armée, pour réduire cette place. Dix ans auparavant, Osman avait tenté de s'en emparer; n'ayant pu y parvenir, il avait fait construire deux forts devant la ville : l'un fut commis à la garde de son neveu Aktimour ; le brave Balaban eut le commandement de l'autre. Il inquiéta ainsi Brousse par une espèce de blocus, jusqu'à ce qu'il se fût décidé à y diriger toutes ses forces. Le gouverneur aurait pu résister longtemps, car la place était très-forte et défendue par une nombreuse garnison mais il reçut d'Andronicus Paléologue l'ordre de capituler. Ainsi la fameuse ville de Brousse tomba au pouvoir d'Osman, l'an 726 de l’hégire (1326).Les habitants eurent la permission de sortir sains et saufs, moyennant une rançon de trente mille pièces d'or. Orkhan, encore dans l'ivresse de son triomphe, reçoit un message de son père mourant qui le rappelle en hâte. 

[Testament d’Osman Ier]

Tremblant, il accourt auprès du lit de mort; et, les yeux noyés de larmes, le coeur brisé, il dit avec un profond soupir « Ah Osman, source des empereurs et des seigneurs du monde! toi, qui as soumis tant de nations, est-ce bien toi que je vois dans ce triste état ! Ne te lamente point, ô mon fils, ô joie de mon âme répond le Sultan d'une voix éteinte ; nous devons tous nous résigner aux décrets du ciel. Telle est la destinée des hommes. Le vent de la mort souffle également sur les jeunes et sur les vieux, sur les rois et sur les sujets. Je meurs avec joie, puisque je laisse un digne successeur de ma puissance. Pour toi mon fils couronné de félicités, règne par la magnanimité et la justice que leurs rayons brillent autour de ton trône, et éclairent l'horizon entier. Loin de toi l'injustice et la tyrannie. Sois le défenseur du Coran, la colonne de la foi, le protecteur des sciences, le bienfaiteur des oulémas. Regarde toujours notre sainte religion comme le levain de la grandeur et de la majesté ; nos lois sacrées comme la base de l'autorité et de la puissance suprême. Ne perds jamais de vue les voies mystérieuses de t'Eternel; tu n'es Sultan que pour protéger l'islamisme chérir tes sujets, et faire sentir à tout l'univers les doux effets de la justice, de la générosité et de la démence royales, seuls moyens d'attirer sur toi les bénédictions d'Allah et de son prophète. » A ces mots, Osman, le refuge des fidèles, expire. Ses deux imams et ceux d'Orkhan transportent la dépouille mortelle du fondateur de l'empire ottoman dans une ancienne chapelle du château de Brousse, appelée Gumuchli Goumbed [Gümüşlü Kümbet] (le dôme argenté). On y voyait encore, au commencement du dix-neuvième siècle, le chapelet d'Osman et le tambour dont Alaeddin lui fit présent en l'investissant du commandement de Karadja-Hyssar [Karacahisar]. Ces deux reliques, objets du profond respect des musulmans, ont été, depuis, la proie d'un incendie. Le trésor de l'empire conserve encore, dit-on, le sabre et le drapeau du conquérant. D'après les auteurs nationaux auxquels on voit que le récit de la mort de Sultan Osman est emprunté, il décéda le 10 du mois de ramazan 726 (10 août 1326). Il était âgé de soixante-neuf ans, et il en avait régné vingt-six. La succession d'Osman le Victorieux fut d'une inconcevable modicité : il ne laissa ni or, ni argent, ni joyaux; ses libéralités, et tes récompenses militaires, qu'il prodiguait pour s'attirer l'affection des soldats avaient dissipé ses trésors. Son fils ne trouva dans le palais qu'un kaftan brodé, un turban quelques ceintures de mousseline ronge, une cuiller et une salière ; il est vrai qu'avec cela il héritait d'un vaste empire. Osman légua en outre à son successeur des chevaux de prix et de nombreux troupeaux, qu'on a toujours entretenus avec soin, et dont ta race a prospéré jusqu'à ces temps-ci, dans les montagnes de la Phrygie et de la Bithynie, premier apanage d'Erthogroul, et domaine que sa postérité a scrupuleusement conservé l'en voit encore, aux environs de Brousse des moutons qui descendent, à ce qu'on prétend, en droite ligne de ceux que possédait le fondateur de la dynastie ottomane. 

Bursa, château

Bursa (Brousse), château

Osman avait un extérieur imposant. Sa barbe, ses cheveux, ses sourcils noirs lui avaient valu le surnom de Kara (le noir), épithète regardée par les Turcs comme le plus grand éloge que l'on puisse faire de la beauté d'un homme. Par une conformation singulière, ses bras descendaient jusqu'au dessous de ses genoux. Cette bizarrerie est considérée comme d'heureux augure chez les princes de l'Orient, où la tradition a conservé la mémoire du célèbre Ardechir-Dirazdest, ou Artaxercés-Longuemain. 

Le costume d'Osman était remarquable par sa simplicité : un ample kaftan à longues manches pendantes derrière les bras, que couvrait le vêtement de dessous; un bonnet rouge entouré d'un turban blanc à larges bouffantes, appelé tadj-khoraçani (la couronne khorassanienne) ; voilà toute la parure du puissant successeur des Seldjoukides. La mémoire de ce prince est en vénération chez les Ottomans. On ne peut lui reprocher que le seul trait de cruauté dont nous avons fait mention ; mais sa bonté habituelle, ses vertus ce courage indomptable des premiers guerriers de l'islamisme, et surtout ce génie vaste et entreprenant, nécessaire aux fondateurs des empires, doivent servir de contre-poids, dans la balance de l'histoire, à cet acte barbare qui lui est justement reproché. Il a donné son nom aux provinces de Pont et de Bithynie, qui s'appellent encore aujourd'hui Osmandjik-Vilaïeti: les États du petit Osman. 

 

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