Le dictionnaire du prince Alexandre Handjéri est une référence au XIXe siècle ; c'est l'un des plus complets de cette époque. Nous reproduisons les préfaces du 1er et du 3e volume et quelques pages.
Prince Alexandre Handjéri
Dictionnaire français-arabe-persan et turc enrichi d'exemples en langue turque avec des variantes, et de beaucoup de mots d'arts et de sciences
A Moscou, de l'imprimerie de l'Université impériale, 1841
3 volumes
Disponibilité : Archive.org
PRESENTATION
Traduction presque littérale du Dictionnaire de l'Académie française.
On peut lire une critique complète par Quatremère dans le Journal des Savants, 1844, pages 53-62
Préface
Parmi les livres que réclament impérieusement les besoins de la diplomatie et du commerce en Orient, figure en première ligne un Dictionnaire de la Langue Turque,complet autant que possible, et fait pour guider les traducteurs dans leurs travaux, et les conduire pour ainsi dire pas à pas.
[Le Turc et les autres langues]
La langue Turque a, comme toutes les autres, subi des variations successives,que le temps et les relations de la nation Turque avec d'autres peuples y ont peu à peu introduites. Informe d'abord, et resserrée dans les limites fort étroites des connaissances bornées de cette nation dans son berceau, elle commença à se polir et à s'étendre, depuis que les Turcs se mêlèrent avec les Arabes et les Persans. Elle emprunta des premiers toute la richesse et la magnificence de leur langue,et des seconds, toute la douceur et l'élégance de la langue Persane, en adoptant une infinité de mots et d'expressions de l'une et de l'autre.
Quelque heureuse influence que ce mélange eût pu avoir sur le caractère de la Langue, le style Turc n'est continua pas moins d'être sec et négligé, et ne put se former que long-temps après que la dynastie des Osmanlis s'affermit sur le trône. Témoin les chroniques connues sous le nom d'Ali-Tarihi, de Hodza-Tarihi, de Neïma et même de Rachid et d'autres ouvrages contemporains, qui, malgré leur mérite, sont loin d'avoir atteint l'élégance de style à laquelle sont parvenus les auteurs du 17me siècle.
Ce n'est qu'à cette époque que la Langue se fixa et qu'elle acquit la beauté et la précision qu'on lui voit dans les ouvrages modernes et dans les productions sorties des chancelleries de la Porte. Les Grecs employés dans la partie diplomatique du Cabinet Turc,n'ont pas peu contribué à l'enrichir de belles traductions,en créant, par la combinaison des trois langues, beaucoup de mots dont le besoin d'exprimer des idées nouvelles avait nécessité la formation, et que la Porte a adoptés.
Ainsi un Dictionnaire de la Langue Turque ne saurait jamais être réellement utile aux traducteurs, si l'explication des mots n'est pas faite dans les trois langues dont elle est composée,et que les exemples ne soient fidèlement rendus avec la pureté et l'élégance de style qui caractérisent les écrits de la Porte. À ces conditions s'en joint une autre non moins nécessaire,celle d'offrir les exemples avec des variantes, servant à faire sentir les effets qui sont produits par les rapprochements des mots dans la contexture des phrases, et par leurs combinaisons avec d'autres mots,ainsi que les nuances qui peuvent en résulter.
[Le dictionnaire de l'Académie]
Dans le Dictionnaire que l'auteur présente aujourd'hui au Public,et dans lequel il a pris pour base de son travail celui de l'Académie Française, édition 1798,il n'a fait que suivre cette route, qui est la plus riche en résultats. Outre les exemples,les mots mêmes y sont diversement traduits dans la signification fixée par l'usage, ou par les lexicographes les plus célèbres de l'Orient. Il a de plus enrichi ce Dictionnaire d'un grand nombre de mots d'Arts et de Sciences,pour être aussi utile aux commerçants et aux littérateurs.
Toutes ces conditions,si essentielles dans un bon Dictionnaire,ne se trouvent dans aucun des dictionnaires publiés jusqu'à présent. On n'a qu'à se donner la peine d'en comparer quelques pages à celles de ce Dictionnaire, pour voir, au premier coup d'oeil, l'immense différence qu'il y a entre celui-ci et tous ceux qui l'ont précédé,et pour se convaincre qu'il est d'une utilité infiniment plus grande pour toutes les classes des amateurs des langues Orientales.
L'auteur cependant pas la présomption de prétendre pour cela que ce Dictionnaire soit parfait. Un ouvrage de cette nature ne peut parvenir à la perfection, si toutefois cela était possible, que par des améliorations successives,fruit dut temps et d'un immense savoir, et surtout par le concours d'une société de savants Orientalistes,dont les lumières et l'érudition puissent suppléer aux faibles talens de l'auteur. Mais en le publiant tel qu'il est,il croit rendre un service essentiel à la littérature Orientale. Si ses efforts pour atteindre ce but ont été couronnés de succès,il se flatte que ce sera un titre d'indulgence pour les imperfections de son ouvrage.
[Turc, Arabe et Persan]
L'auteur croit nécessaire d'ajouter ici quelques observations concernant la méthode qu'il a suivie dans son ouvrage.
N'ayant eu vue dans ce Dictionnaire que la langue Turque,il n'a pas cru devoir rigoureusement s'assujettir aux règles grammaticales ni dans l'énonciation des mots de la langue Arabe,qu'il écrit souvent comme ils sont exprimés dans le Turc,ni dans le choix du régime des verbes de cette langue ; choses auxquelles les Turcs ne font guère attention,en employant ces mots.
Dans la traduction des exemples,au lieu de répéter les mots sous la même forme dans laquelle ils sont expliqués,il s'est permis de faire usage indifféremment des racines ou des dérivés de ces mots,et de les présenter même sous d'autres formes, ou avec des expressions équivalentes, pour rendre la traduction plus conforme à l'idiotisme de la Langue Turque. Sans cette licence, qui ne nuit nullement à la fidélité de la traduction, il. serait impossible d'éviter les tours et les locutions impropres.
Quelques mots Arabes étant pris dans la Langue Turque dans un sens différent de leur signification originaire, ces mots sont employés par l'auteur dans le sens que l'usage moderne leur a consacré.
Dans la Langue Turque ainsi que dans la Persane, les mots scientifiques ayant été pour la plupart empruntés de l'Arabe,ils ne sont, en ce cas, expliqués qu'en cette dernière langue. Il en est de même de quelques mots du langage ordinaire qui se trouvent dans le même cas.
Les substantifs étant souvent confondus dans les trois langues avec les infinitifs des verbes, sont expliqués, en pareil cas, identiquement dans les uns et dans les autres.
[L'orthographe]
Dans la plupart des mots proprement Turcs, l'orthographe étant tout-à-fait arbitraire, et abandonnée entièrement au caprice des auteurs, on les trouve dans tous les livres diversement orthographiés, et quelquefois dans la même page. Cette bizarrerie sera aussi remarquée dans ce Dictionnaire; mais le peu de mots de la langue Turque où l'orthographe est déjà fixée, sont toujours écrits uniformément.
[Projet d'un dictionnaire Turc-Français avec des indications de prononciation]
L'auteur a dû se dispenser d'indiquer en caractères Français dans ce Dictionnaire, la prononciation des mots à côté du texte en langues Orientales, pour ne pas le rendre beaucoup trop volumineux, et par conséquent difficile à se procurer, et d'un usage fort incommode. Ce qu'il n'a pu. faire maintenant par ces raisons, il a en vite de le faire dans le vice versa de ce Dictionnaire, auquel il se propose de mettre la main,dès qu'il aura plus de loisir et qui ne sera que d'un seul volume. Ainsi le lecteur pourra, en cas de besoin, recourir, pour la prononciation des mots,à ce dernier Dictionnaire.
Il s'est glissé dans ce volume quelques fautes, à cause de l'inexpérience du correcteur. Celles qui sont de nature à embarrasser le lecteur, sont indiquées à la fin de ce volume, où il est renvoyé en cas de doute. Mais l'auteur s'étant décidé a se charger lui-même de la correction des épreuves depuis la lettre D., il espère qu'à commencer par cette lettre jusqu'à la fin de l'ouvrage, il n'y aura que très-peu de fautes, et pour la plupart celles qui pourraient se former après, au moment de l'impression, par la suppression accidentelle de quelqu'un des points distinctifs des lettres des langues Orientales, ainsi que cela arrive malheureusement.
Table des signes et abréviations,employés dans ce Dictionnaire.
A . signifie mot Arabe.
P . mot Persan.
P. vul . mot Persan vulgaire.
T . mot Turc.
Les phrases où il n'y a aucune de ces lettres,sont en Turc.
_ ............ Ce signe sert à séparer les synonymes d'une même langue,ainsi que les variantes dans les exemples. Il se met aussi quelquefois,pour séparer le différentes acceptions des mots,qui ne s'éloignent pas trop de leur principale signification.
II ................ Ce signe sert a séparer les mots des exemples.
Quant aux abréviations des mots Français,comme elles sont les mêmes que celles qui sont généralement usitées dans les Dictionnaires,l'auteur a cru inutile de les indiquer ici.
Préface du 3e volume
Il ne saurait être Indifférent à ceux qui se vouent à l'étude des langues Orientales, de connaître le jugement que la Porte Ottomane a porté sur ce Dictionnaire. Cette opinion étant émanée d'une autorité qui est la plus compétente de toutes, pourrait servir à fixer leur attention sur cet ouvrage pour former leur propre jugement. C'est pourquoi l'auteur a cru devoir placer à la tète de ce volume l'article que la Porte a publié sur ce Dictionnaire dans le Takvim -Vékayi, son journal officiel, et dont voici la traduction littérale:
«Il y a quelque temps qu'il avait été envoyé à la Sublime Porte le spécimen d'un Dictionnaire complet, traduit du Français en Arabe et en Persan , et accompagné du Turc, pour indiquer l'usage qu'il faut faire de chaque mot dans cette dernière langue. Cet échantillon a fait voir que l'explication des mots Français dans ces trois langues est faite dans ce Dictionnaire avec titre précision parfaite , et que les phrases sont écrites avec élégance de style. Le 1er volume de cet ouvrage vient d'arriver ici , et il se trouve que le tout est conforme à l'échantillon qui avait été envoyé , et qu'il est cri effet digne de toute approbation. Un ouvrage aussi recommandable ne pouvait sortir que des mains d'un homme de mérite et d'érudition qui a passé sa vie au service de la S. P. dans les affaires les plus importantes. Son auteur, Alexandre Handjéri, ex-Hospodar de Moldavie, a fait en effet preuve de sa capacité par la publication de cet important ouvrage, dont le mérite est incontestable auprès de ceux qui savent apprécier partout les talens. Sa Hautesse, en témoignage de Sa bienveillance Impériale, a daigné gratifier l'auteur d'une boite de prix, ornée de diamans.»
Sa Hautesse [le sultan] a daigné aussi se faire réserver 200 exemplaires de ce Dictionnaire.