XX Où le retour est moins amusant que l'aller -  Le Fergflanah et ses habitants – Andidjou - Les arbas - La sage-femme de dix-huit ans - Nostalgie du cuisinier - Procédés d'enterrement - Le Kara-Daria - Nous chantons pour prouver que nous n'avons pas la bouche pleine.

Le 18 août, nous partimes d'Oeh, pour faire à cheval le tour du Ferghanah septentrional. Le Ferghanah, ou ancien khanat de Khokand, a été annexé à la Russie en 1876. Il se subdivise en sept districts : Warghellâne, Wadil, Och, Andidjân, Namangân, Tousse et Khokand.

A la tète du Ferghanah, et résidant à Marghellâne, se trouve un général, sous les ordres du gouverneur général de Tachkend. L'ancienne capitale, Khokand, a été abandonnée à cause de son insalubrité, dit-on. L'eau de cette ville est accusée de donner le goitre, à tort ou à raison, car les médecins ne sont pas d'accord. Cependant, trois cents soldats étant devenus goîtreux, l'infirmité était constatée, quoique la cause en fût contestée. On alla donc chercher une autre capitale.

1. Suite. Voy. pages 1, 17, 33, 49 et 65.


Chaque district est sous les ordres d'un natchalnique, espèce de préfet militaire, assisté de deux fonctionnaires appelés pamochniques (sous-préfets) et d'un juge de paix. Les districts se subdivisent en arrondissements, qui ont à leur tète des chefs indigènes (walasnoï). Chaque arrondissement se compose de communes, dont chacune nomme à l'élection un aksakal ou maire.

On peut dire que le Ferghanah est une immense steppe entourée de montagnes dans laquelle se trouvent de ravissantes oasis. Ce pays est habité par un grand nombre de races les Tadjiks, les Sartes, les Kiptchaks, les Uzbegs, les Tourouks les Karakirghises, les Kachgariens, les Bohémiens; Dans les villes, les Sartes constituent la majorité; on y rencontre aussi des Tadjiks, des Juifs, des Persans, des Afghans et des Hindous.

Autour des grands centres, les Uzbegs, les Kara- Kalpaks, les Tourouks mènent une vie mi-nomade. Les premiers versants des montagnes, moins fertiles, rnais plus tempérés que les oasis de la plaine, sont occupés par les Tadjiks cultivateurs; enfin des Kara-Kirghises errent sur les plateaux et dans les vallées les plus élevées qui entourent le Ferghanah. Par-ci, par-là, on rencontre des bohémiens qui dressent leurs tentes blanches auprès des centres populeux. On distingue facilement les Tadjiks (Éraniens) des différentes autres races. Les Uzbegs, Kara-Kalpaks. etc ont tous plus ou moins les yeux relevés des coins; les pommettes saillantes et la face anguleuse du Mongol, tandis que les Tadjiks, avec leurs traits réguliers et leurs faces ovales, rappellent nettement, les populations méridionales de l'Europe.
Le Sarte tient des deux cependant, le plus souvent, c'est le sang tadjik qui l'emporte. Les Bohémiens, couleur chocolat, avec des dents d'une blancheur incomparable, sont d'une taille bien au-dessus de la moyenne; ils mènent une vie semblable à celle de leurs frères européens.

C'était donc tous ces peuples que nous allions voir de plus près. Nous les connaissions déjà pour les avoir vus dans les villes que nous avions parcourues. Nous étions huit personnes et formions une petite caravane assez complète mon mari, M. Muller, Féodorof, un pérévotchik (interprète), un djighite pour nous montrer le chemin, un cuisinier en cas de besoin, un palefrenier et'une arba avec son COl1ductèùr. Après avoir remercié le natchalnique et sa famille de l'hospitalité qu'ils nous avaient donnée, nous partons à deux heures, un peu tard à cause de la chaleur; heureusement, le district d'Och se trouve dans une contrée tempérée et n'a jamais plus de vingt-cinq à trente degrés, ce qui est très-supportable, après les fournaises que nous avons traversées. Le Ferghanah possède, on peut dire, les trois climats, tempéré, torride et glacé nous sommes dans le premier; la route, nous dit-on, sera charmante.

D'Och à Khodjavata, nous rencontrons de nombreux kichlaks. M. de Ujfalvy s'arrête pour demander leur nom, le nombre des maisons (base de la statistique en ce pays-ci), et la race à laquelle appartiennent les habitants.

1. On compte généralement cinq habitants par maison ou tente.


Le chemin est ravissant, la route est bordée d'arbres, les champs sont palissadés, en bois rustique, il est vrai, mais ces clôtures attestent un commencement de civilisation qui réjouit la. vue. Le chemin est agrémenté de mosquées, qui ressemblent un peu, avec leur grillage en bois, à de grandes volières. Ce sont moins des monuments que des stations de pèlerinage. Nous arrivâmes à Khodjavata à la tombée du jour. La cour d'une maison nous servit de refuge pour la nuit; quatre murs en étaient l'unique ornement intérieur et extérieur: il fallut bien s'en Contenter; nous ne pouvions nous montrer plus difficiles que Khoudaïar-Khan, qui avait couché là, y avait dormi, en avait fait son pied-à-terre Les Altesses asiatiques voyagent beaucoup, surtout de nos jours, quelquefois pour leur instruction, quelquefois pour leur agrément, quelquefois aussi. Mais n'anticipons pas; disons seulement que ces voyages princiers ne changent rien à leur manière de voir et à leur manière de faire.

On dîna comme on put, on se coucha de bonne heure, sur l'invitation et à l'exemple des musulmans, qui tiennent à ménager leurs chandelles. L'aksakal, qui vint nous saluer le lendemain, devait en avoir beaucoup brûlé, car il accepta très-allègrement, malgré sa position importante, la somme d'argent que mon mari lui mit dans la main pour payer notre séjour. Ce fonctionnaire était autrefois l'exécuteur du beg; aujourd'hui il sert le gouvernement russe en qualité de collecteur des impôts. Nous partons pour Andidjân; mon mari et M. Muller nous précèdent. Afin de ne pas me fatiguer, il a été décidé que je ferais le chemin en arba, escortée de mon fidèle Féodorof. On me hisse, c'est le mot, sur ce véhicule, car les arbas sont d'une hauteur proportionnée à la profondeur des rivières qu'elles doivent traverser. C'est la voiture par excellence des indigènes; elle passe partout service inappréciable dans. un pays où les chemins sont exécrables. Les khans avaient de très-jolies arbas pour promener leursfemmes.

Type d'une mosquée moderne en Asie centrale. Dessin de E. Thérond, d'après une photographie.


Nous revoyons dans le trajet nos montagnes de glace, mais loin, bien loin. Le chemin que nous traversons peut s'appeler une steppe montagneuse, et nous arrivons à Andidjân à travers un pays rclativement fertile, habité par des Uzbegs et des Kachgariens. Andidjân, l'ancienne capitale du Filiokand, est presque en ruine. Lors de la dernière insurrection, la ville brûla pendant deux semaines entières. Depuis la paix, cependant, les Russes font tout pour la relever. Le bazar a des rues larges et spacieuses, les magasins sont plus réguliers; il y des tchaï-khanné (cafés) d'une véritable élégance ils me donnaient presque envie d'y prendre une tasse de café, mais l'absence de chaises me retint; ce n'est pas petite affaire que de s'asseoir gracieusement à terre.

Les mosquées, qui sont les seules curiosités remarquables dans les villes musulmanes, n'ont rien d'extraordinaire à Andidjân. Une seule, toute neuve, réjouit la vue par sa propreté et ses formes élégantes. Le fort est construit à l'entrée de la ville, devant une place au milieu de laquelle des arbres très-élevés se font remarquer par leur complet dépouillement de verdure. Les cigognes remplacent les feuilles. C'est sur cette place que se tient le marché, auquel nous nous rendîmes, le 9 aoùt, pour y faire des emplettes, les bijoux étant ici assez bon marché.

Que d'encombrements! Des voitures, des chevaux, des ânes, des indigènes avec bonnet chinois à trois cornes, des femmes voilées vendant des fruits. Tout cela va, vient, crie, s'entre-croise avec le flegme et la lenteur particulière aux musulmans. Ici on vend les bijoux au poids et la façon en sus; l'argent est trèspur et peu mélangé, mais tant pis si l'objet est orné de pierreries; quand elles sont vraies, on gagne; mais le plus souvent ce sont des verroteries sans valeur, dont l'ornement ne compense certainement pas le poids. La veille nous étions allés visiter un kichlak modèle situé à quatre kilomètres de la ville, dans une délicieuse vallée qui porte le nom du véritable créateur du Turkestan, dit général Kaufmann. On en a donné les maisons à de pauvres Uzbegs, avec des terrains et des fourrages pour leurs bêtes. Les maisons sont toutes bâties sur le même modèle avec une cour derrière. Pour y arriver nous avons dû traverser une steppe inclinée sur le plateau de laquelle s'élève un tombeau où sont enterrées les petites filles du natchalnique. De ce plateau la vue est réellement splendide, car au milieu de ces steppes les oasis se détachent comme une île sur la mer et forment un rideau de verdure d'un effet ravissant.

Les Kirghises-Kiptchaks du district d'Andidjâr sont les sujets les plus turbulents de là nouvelle province russe; à chaque instant on est obligé de les réprimer ce sont eux qui intronisent ces khans que l'on est obligé de tuer ou d'envoyer mourir en Sibérie. Les Kiptchaks sédentaires (Uzbegs), au contraire, sont les plus fidèles sujets des Russes; ils ont adopté le nouvel ordre de choses et sont devenus des trafiquants et agriculteurs laborieux et pacifiques. Le district d'Andidjân est le plus riche et le plus peuplé du Ferghanah. Il renferme des mines de charbon de terre, du naphte et des eaux minérales sulfureuses dont la chaleur est de trente degrés Réaumur. Des fruits assez bons y représentent les espèces que j'ai déjà citées.

Nous étions logés chez le natchalnique; le jardin servait autrefois de demeuré à Nazr-ed-Din Beg, 2e fils de Khoudaïar. Notre hôte s'y est fait construire une maison à l'européenne; l'ancien palais sert de caserne et d'infirmerie. Il reste encore au milieu du jardin un pavillon d'été avec des sculptures et des peintures sans valeur; ces dernières sont une grossière imitation sur papier des peintures sur bois que l'on voit au palais de Khokand ou ailleurs. Le jardin est le plus grand et le plus beau de toute la contrée ; l'on y peut chasser à l'aise, sans sortir de chez soi, le renard, le lièvre, le faisan, etc. Lorsque nous nous promenions dans ses allées, les fruits nous tombaient pour ainsi dire dans la bouche et faisaient ployer les arbres sous leur poids ; des indigènes ramassaient les pistaches et les amandes afin de les conserver pour l'hiver. En regard de cette abondance de fruits, les fleurs font complètement défaut; l'utile n'est ici jamais mêlé à l'agréable! les belles fleurs que j'avais vu à Takend avaient été importées d'Europe. Le soir nous prenions notre thé sur la terrasse; le nombre des moustiques était si grand qu'il fallait allumer des feux dans la cour afin que la fumée les chassât ce qui nous aurait incommodés partout ailleurs, assurait ici notre tranquillité, mais nous passions à l'état de jambons de Mayence.

Quelques officiers du Turkestan sont mariés, mais en petit nombre; aussi dans la société russe le contingent féminin fait-il grandement défaut. Dans le Ferghanah, province nouvellement conquise, cette absence de femmes se fait encore plus sentir. Il est vrai qu'on est assuré de rencontrer dans chaque chef-lieu de district au moins une femme, c'est la sage-femme instituée par l'autorité.

Les jeunes filles sans fortune qui ont quelque goût pour le métier de Lucine peuvent faire des études médicales à Saint-Pétersbourg, passer leur examen, obtenir leur diplôme, et se faire envoyer ensuite soit dans le Caucase, soit dans le Turkestan, où le traitement est beaucoup plus élevé qu'ailleurs. La sage-femme d'Andidjân avait dix-huit ans elle était d'un extérieur assez agréable, dans le royaume des aveugles les borgnes sont rois, elle montait parfaitement à cheval et conduisait encore mieux. Vous voyez d'ici sa situation; elle était la seule de son espèce; oh la trouvait belle, spirituelle quand même; les jeunes officiers venus dans le Turkestan pour y faire carrière, les officiers de la garde qu'on envoyait là pour les soustraire à leurs créanciers, l'entouraient, la courtisaient, l'adulaient. Il n'en faut certes pas davantage pour tourner la tète d'une jeune personne issue d'une famille fort modeste, aussi la sage-femme d'Andidjân était-elle d'une fatuité et d'une impertinence accomplies, qui contrastaient avec les manières simples et affectueuses de la femme du natchalnique. N'importe! sage-femme à dix-huit ans,  avoir déjà en main, de par Hippocrate, l'existence de jeunes générations! Que sera-t-elle à quarante ans?

Aa~ moment de partir, il nous arriva un contretemps fâcheux: notre cuisinier, un ivrogne fieffé, eut tout-à-coup le vin mélancolique. Le culte de Bacchus a, paraît-il, de ces retours. Notre buveur fut pris soudain d'une nostalgie pour sa patrie adoptive, Marghellâne, et pour sa famille, dont il s'était cependant fort peu soucié pendant le voyage. Force nous fut de le laisser partir.

Voici un trait qui peint le caractère des Sartes. Je voyais un jour le cuisinier du natchalnique tuer des canards pour notre dîner. Ce musulman, après avoir. il moitié coupé la tête des pauvres bêtes, les laissait courir et riait à gorge déployée de leurs contorsions. Je m'éloignai brusquement de ce spectacle, indignée de ne pouvoir m'opposer à un pareil acte de cruauté. Au dîner, j'eus toutes les peines à toucher à la volaille; elle était d'ailleurs si dure qu'à défaut de compassion mes dents elles-mêmes se seraient révoltées.

Pavillon d'été dans le parc du château d'Andidjân. Dessin de H. Catenacci, d'après une photographie.

Nous partîmes d'Andidjân le dimanche 12 août, à onze heures, après avoir remercié le préfet et sa femme de leur cordiale réception; bien que nous lui eussions été en quelque sorte imposés par le général Abrainoff, il est des devoirs mieux remplis les uns que les autres; la façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne.

La route qui conduit d'Andidjân à Namangàn est la plus belle et la plus fertile du Ferghanah; de beaux kichlaks se succèdent sur ce chemin bordé d'arbres au pied desquels des ariques répandent la fraîcheur. Les demoiselles rouges, bleues et vertes nous caressent le visage ; des plantations de coton, de maïs et de djougara (sorgho) alternent avec de jolies prairies. Nous remarquons des champs de sorgho d'une telle hauteur qu'un cavalier peut facilement s'y cacher. Ce sorgho remplacerait avantageusement la betterave, sans valoir pourtant la canne à sucre. ..En nous éloignant d'un kichlak, nous rencontrons un enterrement. Les musulmans courent après le corps, qui est lui-même emporté à la course sur ue civière et couvert d'un voile ; leur croyance veut que le mort it hâte d'arriver au paradis. On le met en terre la tête tourée vers La Mecque.

Arrivés le soir à Khodjavata (1),nous commandons un pilao à notre nouveau cuisinier . O déception ! ce cuisinier ne sait pas cuire le riz et il a laissé fondre le beurre. Qui nous rendra son prédécesseur? car tout ivrogne qu'il fût, au moins savait-il son métier. Les moustiques noirs apportent une diversion plus désagréable encore à notre mauvaise humeur. Ah les vilaines bêtes plus on les chasse, plus elles reviennent En quelques instants nous voilà couverts de morsures; rien ne saurait les détourner de leur proie humaine ! Si ce n'est la fumée à laquelle il nous faut recourir une fois encore au risque de nous voir transformés définitivement en jambons. A cette idée de jambon notre estomac s'aiguise que, n'en avons-nous. Une tranche à nous mettre sous la dent. En guise de jambon, il faut se rabattre sur les melons ; c'est du reste maintenant la nourriture habituelle de l'indigène des melons et encore des melons.

Le 13, nous nous remettons en route pour Namangân; notre toilette est vite faite et les tentes de notre demeure roulante sont bientôt empaquetées ; il n'en reste plus que le parquet naturel sur lequel on l'avait dressée. Comme nous les hommes sortent de leurs kichlaks et se rendent aux champs leurs outils sur l'épaule.

Nous traversons Balaktchi, petite ville célèbre par la victoire que le général Skobeleff y remporta sur les Kiptchaks. L'aksakal nous reçoit dans un ancien château de Khoudaïar; la vue et la situation de cette habitation sont superbes.

1. Ne pas confondre avec la localité du même nom entre Och et Andidjân.

Devant la collation. qu'il nous offre, nous sentons notre estomac si contracté par la faim que nous ne pouvons manger; il n'est pas encore remis que les domestiques emportent la collation et font place nette c'est l'usage. Une heure après, nous étions devant le Kara-Daria (eau noire).

Un pont à piles flottantes et affectant la forme d'un navire relie un bord à l'autre; . L'entretien de ce pont ne fait pas honneur aux ingénieurs. Les bords de la rivière sont peuplés de grues, d'ibis; nous tirâmea sur cette gent volatile, mais l'écho seul et des battements d'ailes nous répondirent; beaucoup de bruit, peu d'effet. Le Kara-Daria n'est ni très-large, ni très-profond ses eaux sont bourbeuses et justifient parfaitement son nom. Il nous fallut passer ensuite à cheval un bras de fleuve; voyant ma monture aller à la dérive, j'appelle notre djighite Mohamed-Schah à mon secours; mais, en véritable musulman qu'il est, il arrive quand je suis remisé de mon effroi. Il est vrai que j'avais été tout bonnenient abusée par un vertige, ce qui arrive souvent lorsqu'on passe un gué à cheval.

Après ce bras de fleuve nous traversâmes une steppe pour n'en point perdre l'habitude heureusement celle-ci était plus modeste et nous aperçûmes bientôt le Naryn roulant ses eaux entre deux rives escarpées. Cette rivière, large et profonde, constitue par le fait le cours du Syr-Daria, dont le Kara Daria il n'est qu'un grand affluent. Pour le franchir, il nous faut attendre l'arrivée du bac qui venait à notre rencontre. Malheureusement cette embarcation ne put atterrir assez près de notre. rive faute de profondeur; de plancher il n'en était point question. Nous sautâmes de cheval dans le bateau; mais nos montures, plongées dans l'eau, ne pouvaient s'imaginer ce que leur voulait ce grand coquin de bac immobile. Malgré les coups de fouet, on fut obligé de leur prendre les jambes de devant, qu'on posa sur le rebord du bac. Les cris et les coups des bateliers indigènes les firent monter à l'assaut, non sans danger pour leurs pauvres jambes. L'un d'eux cependant fut tellement entêté qu'on dut l'attacher par une corde à l'arrière du bac et le forcer, quoiqu'il en fût, de nous suivre au ti milieu de la rivière. Nous traversâmes un autre bras du Naryn en arba.

Après ces trois équipées, la route continue à se montrer charmante, comme elle l'avait été d'abord, et traverse des rizières et des kichlaks. Cette promenade nous mit en belle humeur; on entonna des airs d'opéra et même d'opérette. O Mozart, Rossini, Boïeldieuf et vous aussi, Mère Angot vous ne vous attendiez pas à trouver des interprètes dans d'aussi lointains parages. Quelques indigènes n'en croient pas leurs oreilles; ils se demandent, j'en suis sûre, si quelque grand malheur ne va pas fondre sur eux. Raison de plus pour mettre le comble à leur stupeur, et les chants retentissent de plus belle, entrecoupés pourtant par les coups de dents que nous donnons à nos Bacchus n'était pour rien dans ces ébats; nous n'avions pour boisson que de l'eau, mais elle était claire et exempte de sangsues, ce qui lui valait une certaine considération.

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