Neset Ertas, le ménestrel d'Anatolie

Les chansons de Neşet Ertaş (le ş se prononce ch)  sont célèbres et fredonnées dans toute la Turquie. Chansons d'amour, chansons d'exil, de désespoir, elles font partie du patrimoine culturel et sont reprises par nombre d'artistes. En France, ce poète attachant,  virtuose du bağlama est malheureusement peu connu.

Il est né à Kırtıllar, près de Kırşehir en Anatolie, en 1938 et mort en 2012 à Izmir. Son père Muharrem était lui-même musicien et poète (ozan, poète populaire) de tradition abdal (population turkmène vivant en Anatolie) et fut son professeur. Ensemble, ils chantent et jouent dans les mariages dans la région de Kırşehir, de Kırıkkale (à l'est d'Ankara), Nevşehir, Niğde, Keskin, Yerköy, Kayseri et Yozgat. A cette époque, il ne va pas à l'école, mais danse le köçek, joue du violon et commence à chanter en s'accompagnant du bağlama (que l'on appelle aussi saz). Leur vie est difficile sur le plateau aride d'Anatolie.

Istanbul
En 1957, pour fuir cette misère, le jeune Neşet décide de partir avec son bağlama et quelques livres turques en poche. Il va à Ankara, puis d'Ankara gagne Istanbul en autobus.
Il se rend dans les bureaux de la maison de disque de Kadri Şençalar, lui-même musicien et joueur de oud, joue devant lui. Celui-ci est séduit par son talent et le recommande à un patron de gazino : il est logé, nourri et joue le soir pendant plusieurs années. Son premier disque, "Neden Garip Garip Ötersin Bülbül", sort en 1957.

L'ascension
Il ne s'adapte pas à Istanbul et repart à Ankara pour tenter sa chance dans une célèbre émission musicale de la radio nationale (TRT). L'animateur Muzaffer Sarısözen l'apprécie, le public aussi et il y joue deux fois par mois pendant vingt-trois ans. Il épouse Leyla dont il divorce après huit ans de vie commune et trois enfants.
A la fin des années 1970, victime d'une paralysie des doigts de la main gauche qui l'empêche de jouer, il va en Allemagne se reposer et se faire soigner. Il y fonde un petit orchestre, joue du bağlama  et chante dans les mariages pour payer les études de ses enfants. Il n'en part que 23 ans plus tard pour revenir en Turquie où l'on a annoncé... sa mort.

La gloire
C'est là qu'il comprend qu'il est un chanteur et un poète populaire ; alors qu'il vivait loin de son pays, d'autres ont repris ses chansons (Barış Manço, Cem Karaca, Selda Bagcan, Ajda Pekkan, Zeki Müren) qui sont devenues autant de grands succès sans qu'il en tire aucun bénéfice. Il donne alors des concerts qui attirent les foules. "Je suis la chaussure de vos pieds", dit-il, ému de tant de ferveur, lors d'un de ses premiers concerts dans la capitale.
Il a été récompensé de nombreux prix en Allemagne et en Turquie.
C'est le représentant par excellence du genre musical appelé bozlak, une forme particulière de la musique populaire de l'Anatolie dont la mélodie est ample et dont les paroles sont des vers de 11 et de 8 pieds. Mais son répertoire comprend aussi de nombreuses chansons de genres différents : türkü, deyis, oyun havasi, semah... qu'il a lui-même écrite ou qui sont issues de la tradition.
Dans les paroles, il introduit le mot "Garip" (on pourrait traduire par vagabond) qui est sa signature.

Chansons célèbres : Zahidem kurbanım sallama beşik, Beni genç yaşimda sen ettin aşik, Gönül Dağı, Mühür Gözlüm, Niye Çattın Kaşlarını, Çiçek Dağı, Mapushane Türküleri ...

Ses chansons sont publiées par Kalan Music, une maison créée en 1991 qui réédite de la musique classique et de la musique populaire turques et qui édite aussi des artistes et des groupes vivants  (liste ci-dessous non exhaustive extraite http://www.kalan.com , site en Anglais).

Albums principaux

Mühür Gözlüm

Gönül Dagi

Niye Cattin Kaslarini

Hata Benim

Garibin Dünyada Yüzü Gülemez

Zülüf Dökülmüs Yüze

Sevsem Öldürürler

Chansons