Les costumes des officiels, des soldats et des fonctionnaires ottomans étaient exotiques aux yeux des européens. On n'est donc pas surpris que les touristes aient acheté ces cartes postales, qui en présentent quelques exemples, et qui sont les reproductions d'illustrations publiées dans deux grands ouvrages sur les costumes de l'empire Ottoman parus en 1855 et en 1864.
Les cartes postales furent publiées par l'éditeur stambouliote Max Fruchtermann au début du XIXe siècle qui n'indique pas les sources de ces images. "Medjmouaï teçavir" est transcrit en Turc moderne "mecmua-i tesavir".
Nous les avons regroupées en fonction du recueil dont elles sont tirées.
Ces costumes disparurent à partir des années 1840, et le sultan, les militaires et les fonctionnaires adoptèrent des vêtements occidentalisés. Le corps des janissaires fut aboli en 1826.
Les Anciens costumes de l'Empire Ottoman
Mushir Arif Pasha, Les Anciens costumes de l'Empire Ottoman, depuis l'origine de la monarchie jusqu'à la réforme du Sultan Mahmoud. Tome 1er. Paris: Lemercier, 1864. In-folio (545 x 385 mm), titre lithographié en français, portrait de l'auteur lithographié en noir, 16 planches en couleurs, 8 feuillets de texte imprimés.
Le texte de cet ouvrage fut publié en Français et en Turc ottoman. Les 16 planches lithographiées en couleurs présentent 80 costumes de fonctionnaires, ministres et militaires de l'empire ottoman.
Une autre édition contient les planches en noir.
Dans la préface, l'auteur écrit : "J'ai entrepris, l'an 1279 ... (1863 ...) la publication des Volumes I, II et III, en donnant pour titre à mon livre : Medjmouaï teçavir (collection de costumes) ... L'ouvrage complet se composera de douze volumes …". Un seul parut.
Aktca Cotcha Bey, Osman Khan Gazi Ier sultan, Coker Alb
Introducteur des personnes appelées auprès du sultan et hauts fonctionnaires de l'empire, lieutenant des affaires de l'empire auprès du grand vizir, 2e introducteur, officier investiteur des titres donnés par le sultan, fonctionnaire recevant un titre
Exécuteur des hautes oeuvres, chef du détachement des exécuteurs des hautes oeuvres, gendarme chargé d'empêcher l'ouverture de maisons de tolérance, huissier chargé de lire la sentence aux condamnés, gendarme spécialement chargé de rechercher les voleurs
Mehter, orchestre militaire
Le Cheikh-ul-Islam: Grand Chef de la Religion et Grand Juge. Cette carte postale, publiée par un autre éditeur, est une copie médiocre, contrairement aux autres.
Accessible ici :
https://www.royalacademy.org.uk/art-artists/book/les-anciens-costumes-de-lempire-ottoman-depuis-lorigine-de-la-monarchie
Elbicei atika. Musée des anciens costumes turcs
Le second s'intitule :
Elbicei atika. Musée des anciens costumes turcs de Constantinople / Jean Brindesi, dess. ; Hadamard, Desmaisons, Gilbert... [et al.], grav. ; Régnier, lithogr. ; Jean Brindesi, auteur du texte. Paris, Lemercier, 1855.
Description : in-plano (497 x 390 mm), titre et 22 planches de costumes lithographiés par Regnier, Bettanier, Lemoine et Bour d'après Brindesi ; reliure de l'éditeur en percaline verte, plats ornés d'un encadrement à froid, titre doré au plat supérieur, dos lisse de maroquin vert, tranches dorées. Planches lithographiées teintées, imprimées en couleurs et partiellement tirées à l'or dans des encadrements également dorés, reproduisant des costumes de l'empire Ottoman à l'époque de Mahmoud II (1808-1839).
Les illustrations de Jean Brindesi (1826-1888), peintre italien né à Constantinople, furent gravés par Auguste Hadamard (1823-1886), Desmaisons, et Achille-Isidore Gilbert (1828-1899). Elles mettent presque toujours en scène 3 ou 4 personnages. Le texte est de Jean Brindesi. Il s'est inspiré du Musée des Costumes anciens (Elbise-i Atika) qui fut ouvert sur la place de l’Hippodrome à Constantinople en 1852. et dont Théophile Gautier écrivait : "L'Elbicei-Atika se compose principalement des costumes de l'ancienne maison du Grand Seigneur et des différents uniformes des janissaires. Il y a aussi quelques mannequins d'artisans habillés à la vieille mode, mais en petit nombre."
planche 14 : Salma Néféri, Soldats de Police (Patrouille). Nobetchi, Aide de Camp du Lieutenant Général.
Hasseki Aga, Messager du Palais (Officier)
planche 13 : Djébéhané Cara-Coulouktchi, Garde de la Salle des Armes. Djébéhané Tchorbadjissi,
Colonel des Armuriers. Bostandji, Garde du Palais Impérial d'Andrinople. Chatir, Coureur.
planche 4 : Yol Hasseki, Inspecteur des rues. Tchohadar, Sergent du Commandant du Corps de Garde.
Beuluk-Agasi, Commandant d'un Corps de Garde
planche 9 : La distribution de la soupe (au Corps de Garde). Bach-Karakoulouktchou, Marmiton en chef (Officier). Karakoulouktchou, Marmitons. Orta Sakassi, Porteur d'eau (Officier)
"Les yenitcheri (nouvelle troupe) furent institués par Amurat IV, dans le but de s'entourer d'un corps d'élite, d'une garde spéciale, sur le dévouement de laquelle il pût compter; le premier noyau fut fait de ses esclaves, et, plus tard, se grossit de prisonniers de guerre et de recrues. De ce nom de yenitcheri, les Européens, peu familiers avec les intonations des langues orientales, ont fait janissaires, qui a le défaut d'impliquer une autre racine et semble vouloir dire gardiens de la porte.
L'orta (corps) des yenitcheri était divisée en odas (chambrées), et les différents officiers prenaient des titres culinaires risibles au premier abord, mais cependant explicables. Le faiseur de soupe (tchorbadji), le cuisinier (achasi), le marmiton (karacoulloukdji), le porteur d'eau (sakka), semblent de singuliers grades militaires. Pour concorder avec cette hiérarchie culinaire, chaque oda, outre son étendard, avait pour enseigne une marmite chiffrée au numéro du régiment. Dans les jours de révolte, on renversait ces marmites, et le sultan pâlissait au fond de son sérail; car les yenitcheri ne se contentaient pas toujours de quelques têtes, et la révolte se tournait parfois en révolution. Jouissant d'une haute paye, mieux nourris, forts des priviléges concédés et extorqués, les janissaires avaient fini par former une nation au sein de la nation même, et leur aga était un des personnages les plus importants de l'empire. " (Théophile Gautier, COnstantinople)
planche 10 : Koulouk Néféri, Janissaire de Corps de Garde. Ketzeli, Officier payeur du 25e bataillon.
Oda Baschi, Chef de Chambrée. Koulouk Bariaktari, Sous-Officier de Corps de Garde
"Ce yenitcheri-kollouk-néséri a la mine d'un sacripant jovial : une espèce de bonhomie féroce respire dans ses traits fortement caractérisés qu’accentue une longue moustache; on voit qu'il serait capable d'apporter de la drôlerie dans le meurtre, et il règne dans sa pose toute la nonchalance dedaigneuse d'un corps prévilégié qui se croit tout permis : les jambes croisées l'une sur l'autre, il joue de la louta, sorte de guitare à trois cordes, pour charmer les loisirs de la faction. Il porte un tarbouch rouge autour duquel s'enroule en turban une pièce de toile commune, une casaque brune dont les bouts rentrent dans la ceinture, et de larges culottes de drap bleu ; dans sa ceinture, à la fois arsenal et poche, s'entassent et se hérissent mouchoir, serviette, blague à tabac, poignards, yataghans, pistolets. — Cet usage de tout fourrer dans la ceinture est commun aux Espagnols et aux Orientaux, et nous nous souvenons d'avoir vu à Séville un combat au couteau, où il n'y eut de tué qu'un melon contenu par la faja d'un des adversaires." (Théophile Gautier, Constantinople)
planche 12 : Cara Coulouktjou, Chasseur du 33e Bataillon. Ousta, Officier supérieur (tenue de cérémonie).
Cara Coulouktjou, Chasseur du 33e Bataillon
"Un yenitcheri-oustaci (officier supérieur), flanqué de deux acolytes et affublé du plus bizarre costume qu'on puisse imaginer.
Cet officier est bardé d'énormes plaques de métal rondes, grandes comme des couvercles de casseroles, attachées à sa ceinture, contre lesquelles viennent battre et bruire d'autres plaques carrées, niellées, ciselées et d'un curieux travail; de la garde du sabre pend une grosse clochette d'airain comme celle qu'on pend, en Espagne, au cou de l'âne colonel ; sa coiffure, arrondie en calotte comme le sommet d'un casque, est divisée par une baguette de cuivre pareille à celle qu'on voit sur certains morions pour protéger le nez contre les coups de sabre, et de la nuque s'échappe un flot d'étoffe grise s'étalant par derrière; un large pantalon rouge complète cet accoutrement aussi incommode que baroque. Les hérauts des anciens tournois ne devaient pas être plus gênés dans leurs massives armures que ce malheureux yenitcheri oustaci dans sa tenue de parade. (Théophile Gautier, Constantinople)"
Vocabulaire
Voici la description de quelques vêtements ottomans :
Şalvar : pantalon bouffant serré à la taille, plusieurs variantes
Entari : chemise, robe à manches longues
Caftan : robe portée sur le salvar
Dolman : 3 modèles : 1. manches courtes, ajusté, sans col, ouvert devant - 2 : dolmen du divan : pans plus longs, manches plus larges 3 : dolman du sipahi, moins longs, moins larges
Serhadli, cübbe : pour les expéditions militaires vêtement étroit avec fourrure ou cübbe plus large
Ferace : commun homme femme. Comme le cübbe, mais avec un col arrondi ou en v. Avec des manches et pans longs, en tissu léger ou soie, ou en hiver, laine et fourrure.
Mücevveze : turban
Horasani : bonnet de laine conique. Avec le tissu, il forme le tülbent.
Selimi : plus élevé que mücevveze
Serpuş : sorte de bonnet
Yusufi : plus large que selimi
(d'après Topkapi à Versailles : Trésors de la Cour ottomane, 1999)
Accessible ici :
- https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2300138c/f4.item
- https://digitalcollections.nypl.org/items/510d47d9-6777-a3d9-e040-e00a18064a99
A lire
Jean-Pierre Farganel, Le corps, la parure, le vêtement chez les orientaux dans l'empire ottoman vus par les voyageurs français du xvie au xviie siècle : un regard entre exotisme et ethnologie (1545-1715) - http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/14525/?sequence=1