VIII Kara-Kalpaks. Le bazar. Chiffons, calottes, pantoufles, aiguières et plats; tabacs, racines, et fruits. Le jardin public. La ville russe, Les Tadjiks.

Chemin faisant, en allant au bazar, nous rencontrons deux Kara-Kalpaks, montés sur un âne. Les Kara-Kalpaks, appelés ainsi à cause du bonnet noir qu'ils portent généralement, sont une race turque proche parente des Uzbegs. C'est une peuplade paisible, qui s'adonne à l'agriculture et à l'élevage des bestiaux. Le bazar est situé dans la vieille ville, dont toutes les maisons sont composées d'un seul rez-de-chaussée ; le corridor d'entrée forme un coude qui dissimule la porte. Quelques enfants attirés par notre apparition sortent leur tète; les petites filles se retirent sous les regards, puis reviennent on ne sait lequel des deux l'emportera, de la curiosité ou du décorum. Les rues sont assez bien entretenues, ce que nous n'avions pas constaté à Tachkend. Nous passons par la place de Reghistàn; au bout de la rue qui donne sur cette place s'élève une rotonde avec six passages c'est l'entrée dit bazar. Ce marché oriental est beaucoup plus propre que celui de Tachkend; les chaussées sont assez bonnes, on peut y circuler convenablement à pied et en voiture. Les marchandises sont rangées pêle-mêle dans des cases ou sur des étagères; un comptoir occupe le centre. Les magasins sont généralement en pente; les soies en écheveau pendent sur le devant des boutiques, dans lesquelles il est rare de voir le marchand.

C'est en avant du magasin et même sur le trottoir que s'asseyent et vendeurs et acheteurs. En général, le marchand surfait de plus du double, l'acheteur offre la moitié de la valeur. Yok (non), dit le marchand ; l'acheteur propose un chiffre plus élevé, mais les yok se succèdent jusqu'à ce que les offres paraissent raisonnables. Le marchand tend alors la main à l'acheteur. Vous croyez peut-être le marché conclu ? Pas le moins du monde c'est à l'acheteur maintenant de battre en retraite en se couvrant d'un feu bien nourri de yok. Au bout d'une demi-heure, les combattants épuisés finissent par se trouver d'accord, après avoir tranché par moitié la différence des prix. Alors les deux mains se serrent réciproquement et le marché est conclu.

Le bazar était des plus animés; c'était jour de marché, le vendredi étant jour de repos. Parmi les étoffes qu'on nous offrit, une en velours de soie, d'un dessin original rappelant nos moquettes, mais avec des teintes beaucoup plus vives et beaucoup plus chaudes, attira particulièrement mon attention. Elle était d'autant plus belle que le kanaous, qui est une soie légère unie ou rayée, ne peut lutter avec nos soieries, ni comme tissu, ni comme couleurs. Ce kanaous équivaut à une bonne petite étoffe de doublure, dont les femmes russes cependant font de charmantes robes d'été. Faute de grives, on mange des merles. La soie de Hissar est bien meilleure; généralement unie, à rayures jaunes, rouges, violettes ou bleues, elle ressemble à notre gros grain; elle est très-forte et très-épaisse; il y en a de couleur unie, avec bordure servant pour ceintures. A mon avis, les autres étoffes si étranges ne devraient servir qu'à garnir des meubles de tout bois; ici elles garnissent des têtes tadjiques de tout calibre. J'achetai un petit châle en soie blanche de Bokhara, dont le tissu est presque semblable à celui des beaux foulards de l'Inde.

Je regardai aussi des bottes dont le talon peut rivaliser d'étroitesse avec nos talons Louis XIV; plus il est haut, plus il est en honneur; je me demandais vraiment comment on pouvait marcher avec de pareilles échasses, car l'extrémité n'est pas plus large qu'une pièce d'un franc. C'étaient ensuite des pantoufles vertes, que le musulman porte par-dessus ses bottes et qu'il a soin d'enlever avant d'entrer dans les chambres ou dans les mosquées.

J'admirai aussi ces gracieuses aiguières, ces plats en cuivre de Karchi, qui sont si bien ciselés et décorés parfois d'incrustations d'argent; ces kounganes dans lesquels ils font le thé ; le sel en gros morceaux veinés de rose, la laine, le savon qui se vend en bâtons de deux livres, blancs et solides et venant de Katty-Kourgân : on l'y prépare généralement dans des maisons particulières, car il n'y a pas de savonnerie spéciale.

Le tabac se vend tout haché et en petite quantité les mahométans le fument, à très-petites doses d'ailleurs, dans une pipe appelée « tchilim », faite d'une courge qu'ils enrichissent de turquoises; le haut du grand récipient est garanti par un petit récipient en métal ou en bois. Cette pipe se passe de main en main et chacun en tire une bouffée ceci n'est que fraternel; mais comme ils chiquent beaucoup, la chose devient malpropre.

Puis ce sont des matières pour teindre, telles que le bouzgandi. (rouge), le roïan (jaune), racine importée de Bokhara, le naïpous, autre jaune qu'on recueille sur place, et le tamac qui vient d'Ouratubé. Le nil (indigo), le daké, étoffe blanche, le kamkhal, étoffe de soie avec des ornements d'or, sont importés de Kaboul.

La graine de la plante de bede, trèfle chinois, sert à ensemencer les prairies artificielles; avec un demi-poud (vingt livres) on peut ensemencer un tanap (1), champ, qui se fauche trois fois par an pendant quatre années.

Il n'y avait en ce moment dans le bazar que des fruits secs la saison n'était pas assez avancée et les célèbres melons de Samarkand qui avaient fait les délices de Tamerlan n'avaient pas encore fait leur apparition nous ne devions les goûter qu'à Tachkend. Le blé, la farine, l'orge qu'on emploie dans le Turkestan pour la nourriture des chevaux en guise d'avoine et le riz étaient en grande quantité. La viande, je dois le dire, ne nous parut pas appétissante, et nous ne nous arrêtâmes pas à la regarder. Les assiettes et les plats sont vernis; les petits bols dans lesquels on boit le thé ressemblent à la faïence. Il y a des cruches non vernies, depuis la plus petite taille jusqu'à la plus grande qui atteint jusqu'à un mètre six centimètres; deux ouvriers potiers peuvent faire par jour jusqu'à soixante-dix grandes cruches; ils gagnent vingt kokands par mois (quatre roubles)(2) et sont obligés de se nourrir.

1. Un tanap correspond à cinq mille sept cent cinquante-cinq mètres carrés.
2. A peu près quatorze francs.

J'eus le temps d'examiner tous ces produits plus attentivement qu'à Tachkend, le bazar de Samarkand étant beaucoup mieux entretenu, plus commode et mieux situé. A-t-on besoin de quelque chose, vite on court au bazar, quoique le magasin russe de Zakho, qui se trouve dans la nouvelle ville, soit très-bien assorti mais tout y est beaucoup plus cher. Nous nous arrêtâmes à la boutique d'un musulman, agent commercial des Russes. En cet endroit, les boutiques sont surélevées par deux marches assez hautes; deux tabourets étaient placés devant le comptoir; nous y prîmes place. Le marchand nous fit voir toutes ses richesses, rangées avec assez d'ordre; pendant que nous regardions, ses collègues venaient aussi nous offrir leurs produits; l'affaire fut bientôt terminée. Je m'arrêtai pour considérer un marchand bokhare qui était établi à Samarkand. Son riche khalat m'avait frappé, et c'est en demandant quel en était le propriétaire que j'appris son origine.

Au sortir du bazar, nous vîmes une assez belle maison servant de demeure à un riche Tadjik. C'est encore une exception à Samarkand, car autrefois riches comme pauvres vivaient autant que possible avec la même apparence de dénûment, dans la crainte que l'émir de Bokhara, surprenant un indice extérieur d'aisance, ne demandât aux gens qui laissaient percer l'oreille à leur fortune une somme d'argent qu'on ne pouvait refuser sans courir le risque de perdre sa tète. Ce n'est que depuis l'occupation des Russes que les riches osent vivre d'une manière plus confortable. Après cette visite au bazar, nous repassons par la place de Reghistàn, dont les tours me paraissent tellement penchées que j'en frémis encore; si Samarkand était sujette aux tremblements de terre comme Tachkend, elles s'écrouleraient infailliblement. Nous fîmes dans la voiture de la baronne A. quelques tours sur le boulevard de Samarkand, et nous descendîmes au jardin public.

Ce jardin, arrosé par une quantité d'ariques (canaux artificiels), seul mode d'arrosage dans ce pays où il ne pleut jamais l'été, est très-bien dessiné. Un pont de bois le relie à une charmante petite île, devant laquelle des allées conduisent à une véranda qui se trouve sur une hauteur. Cette véranda, construite avec de l'argile à laquelle on a donné la couleur et l'aspect du bois, est bâtie dans le style suisse. Du haut de son balcon nous jouissons d'une vue admirable la musique jouait un morceau de la Vie pour le Tsar, opéra russe que j'avais entendu à Saint-Pétersbourg. La ville russe de Samarkand n'est pas, comme celle de Tachkend, aussi, éloignée de la vieille ville; elles se confondent un peu; les jolies maisons et les beaux boulevards que la, jeune cité doit au général Abramoff répandent sur son, aînée un air de confortable auquel on n'est pas habitué en Asie. Les chaussées de Samarkand font honte à, celles.de Tachkend. Les environs sont aussi plus jolis; les monts Thian-Chan forment une belle ceinture à la ville; le magnifique feuillage de ces grands arbres qui bordent lés.avenues atténue pour les piétons les ardeurs du soleil., Samarkand a aussi le cachet beaucoup plus asiatique et il est presque fâcheux que la nouvelle domination ne l'ait pas prise pour capitale.

Samarkand est habitée principalement par des Tadjiks ; ils sont d'origine iranienne, en partie autochthones, en partie descendants de colons persans.

1. Samarkand compte actuellement quatre mille six cent trente-trois maisons avec trente-cinq mille trois cent vingt-six habitants. Il y a cinquante-deux caravansérails, dix-sept médressés (écoles) et quatre-vingt-cinq mosquées


Quoique gardant d'une manière sévère la forme actuelle que leur a donnée l'islam, ils ont subi l'influence des Uzbegs, et beaucoup de Tadjiks parlent des dialectes uzbegs. Seuls les Galtchas ou Tadjiks des montagnes ont conservé leur langue, à moins que leurs affaires ne les appellent dans les vallées. La langue tadjique est un dialecte du persan, c'est la langue diplomatique du pays employée par les cabinets de Bokhara et de Khiva. Les livres sont écrits et s'écrivent en persan ou en turc oriental. Sous le rapport de la religion, des usages, des coutumes et des moeurs, les Uzbegs et les Tadjiks ont une grande ressemblance, mais ils diffèrent excessivement entre eux au point de vue physique et moral.

Le Tadjik est grand, d'un embonpoint moyen; la peau est blanche quand elle n'est pas bronzée par le soleil. Les cheveux sont généralement noirs, ainsi que la barbe, qui est très-abondante. Les yeux ne sont jamais relevés des coins et sont presque toujours bruns; le nez est très-beau, les lèvres sont fines, les dents sont petites. Le front est haut, large, et l'ensemble de la face est ovale; les oreilles sont petites et aplaties. Le corps est vigoureux, mais les mains et les pieds sont plus grands que chez les Uzbegs. Le Tadjik parle beaucoup et bruyamment et se remue de même; il coupe souvent la parole à son interlocuteur. Jamais le Tadjik n'a eu d'influence sur les destinées de son pays ; son rôle s'est borné et se borne encore au commerce. C'est un trafiquant alerte, retors et sans principes. Il est très-fanatique, quoiqu'il ne soit pas mahométan depuis une époque très-reculée, et ce fanatisme le rend rebelle à l'influence européenne. Il y a beaucoup de saints d'origine tadjique. Le Tadjik a été assujetti à l'Arabe, puis à l'Uzbeg, et s'est en partie, à la suite de mélanges, transformé en Sarte. Ainsi les Tadjiks de la rive droite du Syr-Daria sont des Sartes et parlent le sarte, qui est un dialecte du turc oriental. Les Tadjiks citadins prennent le nom des villes qu'ils habitent; ceux des montagnes ou Galtchas (habitants du Kohistan, haute vallée du Zérafchân) se désignent par le nom des différentes rivières sur le bord desquelles ils demeurent. Ces derniers se distinguent des Tadjiks citadins par leur honnèteté et par la simplicité de leurs costumes; ils sont généralement si pauvres, que la mendicité fait partie de leurs moeurs. Par exemple, lorsqu'un Galtcha désire se marier, il va d'abord mendier dans les plaines ou vallées; s'il s'en abstient, c'est quelquefois un obstacle vis-à-vis des parents de celle qu'il voudrait obtenir. Les parents lui font savoir qu'ils préfèrent un mendiant à un travailleur; il faut alors qu'il prenne la besace et s'en aille mendier dans les centres oit la vie est moins rude et plus civilisée. C'est à ce moment qu'ils puisent les tendances extravagantes de la religion mahométane, car chez eux ils sont, très-laborieux, travailleurs et adroits chasseurs. Ils exportent des marchandises telles que du charbon, des fruits secs, des légumes, principalement des radis, etc. en échange ils reçoivent, au lieu d'argent, des tissus de coton. Parmi les Galtchas, les individus blonds aux yeux bleus ne sont pas rares. Les Tadjiks en général se marient entre eux, surtout ceux des montagnes; mais ceux de la plaine achètent quelquefois des femmes uzbegues et kirghises. Les cérémonies et les coutumes de la vie des populations qui habitent le Turkestan sont fort pcu différentes, tant la religion mahométane a la propriété de mettre à l'unisson les caractères de tous les peuples qui la professent. Les quelques différences qui s'y glissent sont dues en partie à l'ignorance dans laquelle ils sont parfois du Koran et peut-ètre aussi aux régions qu'ils habitent.

IX La place et la mosquée de Bibi-Khanym.- La mosquée du Schah-Sindèh - La danse des derviches - Aphrosiab.

Nous avons admiré plus d'une fois la médressé de Bibi-Khanym, ainsi que le tombeau des femmes de l'empereur mongol.

Cette médressé, bâtie en 791 de l'hégire (1388 de notre ère), est ainsi appelée en mémoire de l'une des femmes de Tamerlan; elle est entourée d'une grande place, moins belle toutefois et surtout moins régulière que celle de Reghistân.

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Aucun édifice de l'Asie centrale ne présente des lignes et des contours plus fins et plus audacieux que la médressé de Bibi-Khanym.

Devant le bazar qui ferme la place de Bibi-Khanym se tient le marché des chevaux, marché d'une grande importance pour les Orientaux, car le cheval est beaucoup, pour ne pas dire tout pour eux; ils les soignent et les traitent avec une douceur qu'on n'attendrait pas d'eux; les chevaux et leur harnachement sont presque leur plus grand luxe. Il est vrai que cette monture leur rend de véritables services; c'est avec elle qu'ils franchissent dans les steppes ces immenses distances qui séparent souvent les oasis les unes des autres.

Nous poursuivons notre chemin sur la gauche et nous arrivons, après avoir longé l'ancien cimetière, qui est vraiment immense, à la plus belle mosquée de l'Asie centrale, l'incomparable Schah-Sindèh ou de Kassim-ben-Abbas, qui renferme le tombeau de ce saint. Sa construction remonte à l'année 795 (1392); les indigènes paraissent convaincus que Kassim-ben-Abbas est toujours là, vivant sous la terre.

Nous descendons de voiture et montons plusieurs marches qui conduisent à la principale entrée; à gauche, on trouve la mosquée actuelle. Un corridor long et large conduit au pied d'un escalier à grandes et hautes marches qui débouche dans l'ancienne mosquée, au milieu de nombreuses cours, salles et chambres. Nous sommes tout à fait éblouis. La décoration est d'une magnificence qui confond l'esprit; ce sont des murs couverts de superbes briques émaillées, avec de larges surfaces décorées de riches mosaïques, des encadrements ronds ou rectangulaires, avec des dessins en relief d'une disposition remarquable.

Nous admirons surtout des colonnes, des frontons et des coins de voûte en forme de niches en encorbellement, d'une beauté surprenante. Les colonnes sveltes et fines s'élèvent gracieusement, et les coins de voûte sont d'une élégance, d'une audace et en même temps d'une pureté de lignes incomparables. Moyennant une somme relativement assez faible (on nous avait offert, à Saint-Pétersbourg, un petit fragment de cette mosquée, au prix de trois cents roubles!) nous obtenons quelques beaux échantillons de cette architecture. Nous ne sommes pas venus en Vandales pour détruire ce qui reste de ces incomparables monuments; mais on se rend facilement au désir de mon mari, quand il demande des fragments détachés pour en gratifier les musées de Paris.

Le lendemain, nous retournâmes au Schah-Sindèh pour assister à la danse des derviches, qui devait commencer à midi. A une heure, les danseurs n'étaient pas arrivés, mais en revanche nous eûmes l'occasion d'admirer la police indigène, qu'on avait groupée en notre honneur sur les marches de la principale porte d'entrée de la mosquée. C'étaient de fort beaux hommes, armés de lances et de sabres et vêtus d'un khalat couleur sombre. Les chefs seuls portaient des cafetans en soie éclatante. Il y avait aussi quelques mollahs, qu'on reconnaissait aisément à leur longue barbe blanche. Nous gravîmes ensuite les grandes marches qui conduisaient dans l'intérieur de cette belle mosquée; malheureusement nous nous attardâmes, car lorsque nous redescendîmes, j'entendis des sons rauques assez semblables au râle de porcs qu'on égorge.

Dans une salle à notre gauche, une quantité de musulmans accroupis contemplaient une trentaine de vieillards dansant en rond et poussant des, hurlements affreux; ils continuèrent cet exercice jusqu'à ce qu'un des leurs tombât; alors ils s'assirent et un autre raconta le martyre d'un de leurs saints. Aux passages pathétiques, quand l'orateur dépeignait une des tortures endurées par le saint, oreilles coupées, nez troué, etc., les auditeurs fondaient en larmes et les danseurs réitéraient leurs hurlements, se décomposant la figure pour imiter les souffrances du saint; après quelques instants, ils recommencèrent à crier sans presque se donner le temps de reprendre haleine et à se balancer le haut du corps sans pour cela se lever. Je ne puis qualifier l'épouvante et le dégoût que m'inspiraient ces cris et ces contorsions; cela devait durer ainsi jusqu'au coucher du soleil, à moins que les derviches ne fussent tous les uns après les autres tombés d'épuisement. Le chef de ce choeur étrange prenait de temps en temps une tasse de thé qu'un mollah lui préparait. J'aurais voulu rester plus longtemps, mais le spectacle m'écœurait; je battis en retraite, vivement impressionnée de cette scène. Le 23 avril, nous nous rendîmes à Aphrosiab, l'ancien emplacement de Samarkand, à une demi-heure de la ville; il faisait un temps splendide, tout était en fleurs, le printemps était en avance d'un mois sur notre printemps français, la chaleur commençait même à se faire sentir.

Des fouilles récentes ont fait découvrir à Aphrosiab des briques émaillées, des fragments de poteries et de verres et un grand nombre de monnaies gréco-bactriennes et autres.

On raconte qu'Aphrosiab était un géant terrible qui, faisant le siège de l'ancienne ville, s'était impatienté de sa résistance, et l'avait couverte du sable sous lequel elle est enterrée; Il était si grand, dit la légende, qu'assis au sommet de la montagne, il baignait ses pieds dans une rivière au fond de la vallée; on voit encore aujourd'hui une flaque d'eau dans laquelle avaient trempé ses orteils; les indigènes viennent s'y baigner. Nous avons gravi ces hauteurs et visité différents terrains que les fouilles ont mis à nu; nous y avons trouvé des briques émaillées avec des incrustations de pierres d'un dessin assez original,des fragments de poteries, des morceaux de verre et des bombes à feu grégeois. En poursuivant notre chemin, à trois verstes et demie de la ville, nous arrivâmes au tombeau de saint Daniar-Palvun (Daniel), situé sur une rive escarpée du Siah. Ce tombeau, qui a vingt-cinq pas de longueur, contient, d'après là légende, les restes d'un seul homme. A droite et à gauche se trouvent des plaques de marbre avec des inscriptions; au bord, regardant la rivière, des tètes de béliers et des étendards (queue de cheval) surmontés du croissant. Plusieurs bâtiments servent à abriter les pèlerins pendant les grandes chaleurs ou les mauvais temps. Une pente très-rapide nous conduit à un torrent au bord duquel d'immenses arbres étendent leur ombrage rafraîchissant. C'est en cet endroit que les Russes de Samarkand viennent sans doute faire leurs promenades champêtres, car, en ce moment, une famille y faisait les apprêts d'un déjeuner sur l'herbe; la dame, accompagnée de ses enfants et de plusieurs indigènes, s'occupait des préparatifs; trois ou quatre messieurs se tenaient au bord de l'eau et pêchaient à la ligne. On se serait cru à Asnières; n'en concluez pas à l'innocence de l'âge d'or.

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