Comment, après la réforme de Mustafa Kemal, s'est passée la transition entre les caractères arabes et les caractères latins en Turquie : un bilan en 1930.
La jeune république turque est alors en pleine effervescence, littéraire et artistique, sociale et économique.
La réforme linguistique radicale, lancée trois ans auparavant par Mustafa Kemal Atatürk, donne ses premiers résultats : à la place des caractères arabes, les Turcs utilisent maintenant un alphabet latin modifié.
Illettrisme
Après 6 mois de transition et de désorganisation, les Turcs se sont adaptés à ce nouvel alphabet. Il y a, en 1930, plus de deux millions de citoyens initiés à la nouvelle écriture. C'est un chiffre important pour un pays où le nombre des illettrés était supérieur à 85 %. Le nombre des lettrés en caractères latins dépassent à cette date celui des lettrés en caractères arabes.
Le but d'Atatürk est de diminuer fortement voire de supprimer l'illettrisme. On estime à l'époque qu'il y a un demi-million de nouveaux "initiés" par an.
La presse française écrit : "Le caractère latin a conquis tout le pays. Les cas d'amendes et d'emprisonnement pour enseignement clandestin des anciens caractères hiéroglyphiques deviennent de plus en plus rares dans la chronique des tribunaux des journaux de Stamboul et de la province. "
Dans la correspondances privée, la plupart des Turcs de plus de 25 ans continuent en 1930 à employer les caractères arabes qui ont été maintenus plus longtemps à l'Assemblée Nationale et dans les tribunaux. Mais des sténographe ont été formés et cette tolérance a cessé d'exister.
Presse
Les journaux turcs ont résolu les difficultés techniques ; si leur diffusion a baissé des trois-quarts et si certains n'ont pas survécu, la plupart ont réussi à surmonter l'épreuve.
"Leur tirage progressivement monte et dépasse leur précédente circulation. Les journaux turcs n'ont jamais connu des grands tirages. Deux journaux de Stamboul sont les seuls à avoir un tirage quotidien supérieur pour chacun d'eux, à 20.000 exemplaires. "
Ils se sont modernisés et ont adopté au passage des maquettes plus modernes; ils ont même intégré l'illustration et parfois la couleur. On remarque même la création de nouvelles revues comme Mubit (Sphère), dont le nom reprend celui d'une revue anglaise.
Edition
L'édition est dans une situation plus difficile, même si la crise de l'édition turque est antérieure à la réforme. Il y a peu de lecteurs, mais il y a aussi peu de livres. L'adaptation est plus longue car, contrairement à la presse qui produit de nouveaux textes, il faut recomposer des textes des caractères arabes vers les caractères latins.
2000 livres en caractères arabes avaient été publiés en 12 ans (mais il est interdit à partir de 1930 d'imprimer en caractères arabes) ; en 1930, 250 seulement sont parus en caractères latins. Les ouvrages didactiques et les romans étrangers, et surtout français se vendent bien.
Le gouvernement dit vouloir mettre en place des aides. Une Imprimerie Nationale a été créée à Istanbul sur le modèle de celle de Paris et publie des ouvrages.
La Commission linguistique prépare un grand dictionnaire turc et une autre commission va s'occuper de la traduction en langue turque des principaux classiques grecs et latins . On va également traduire les principaux ouvrages de Voltaire, de J.-J. Rousseau, de d'Alembert, de Diderot, de Montesquieu, auteurs que Mustafa Kemal connaît bien et apprécie.
J.M.B. 2009