Extrait de Dupont, Histoire de l’imprimerie, 1854, tome I, pages 512-515

Dupont était lui-même imprimeur et l'auteur d'une histoire de l'imprimerie très documentée.
"L’imprimerie turque, proprement dite, ne date que de 1727 ; 

mais, depuis longtemps, les Juifs exerçaient l’art typographique en Turquie. Un des descendants d’une des familles israélites qui avaient fondé à Soncino, dans le Milanais, en 1480, une imprimerie hébraïque, le rabbin Gherson, alla, vers le commencement du XVIe siècle, en former une semblable à Constantinople, où l’on prétend qu’un dictionnaire hébreu avait déjà paru en 1488 ; quoiqu’il en soit, les Juifs imprimaient dans cette capitale un Pentateuque en 1505 ; un Histoire judaïque en 1510 ; à Thessalonique un Commentaire d’Abravanel sur quelques livres de la Bible, dès 1493 ; un Psautier en 1515 ; d’autres livres hébreux à Andrinople [Edirne] en 1554.
Les chrétiens avaient des presses à Belgrade, d’où sortit un Nouveau Testament en esclavon [Slavon], 1552 ; à Scutari, 1563 ; à Bucharest, 1688 ; à Alep en Syrie, où l’on imprima les Homélies de saint Athanase en arabe, 1711.
Mais il était défendu aux uns et aux autres d’imprimer des livres relatifs à l’islamisme.

Quant aux Turcs, l’usage de la typographie leur avait été interdit par les sultans Bajazet II en 1483, et Selim Ier en 1515. Ils ne jouirent du bienfait de l’imprimerie et ne pratiquèrent cet art que sous le règne de Achmet III (1727).

AHMED III
Ce sultan avait envoyé à Paris, en 1720, un ambassadeur nommé Méhémet, qui emmena avec lui son fils Séid-Effendi. Celui-ci eut plus d’une fois l’occasion d’admirer et d’apprécier l’utilité de la typographie, et résolut de l’introduire dans son pays. A son retour il s’associa, pour l’exécution de ce projet, avec un renégat hongrois, homme fort instruit d’ailleurs, qui  avait pris le nom d’Ibrahim en embrassant le mahométisme, et qui fut surnommé Basmadji, c’est-à-dire imprimeur. Ce Hongrois montra tout le bien qui résulterait de l’imprimerie, dans un Mémoire que les deux associés présentèrent au grand-vizir Ibrahim Pacha. Leur requête fut accueillie par le ministre, ami des sciences et des lettres ; mais l’autorisation du mufti, chef de la religion musulmane, était nécessaire. Abdallah-Effendi, revêtu de cette dignité , entra dans les vues du vizir, et donna un fetva [fatwa] ou mandement favorable, en vertu duquel le sultan Achmet III signa un édit (15 juillet 1727) qui permettait l’établissement de l’imprimerie dans l’empire ottoman.
Le préambule de cet édit est très remarquable. Après voir parlé des grands avantages de l’écriture, de l’état florissant des études en Orient avant que les évènements désastreux eussent amené la destruction des bibliothèques, la dispersion des nombreux manuscrits qu’elles renfermaient et dont il n’est resté que très-peu d’exemplaires , le sultan ajoute qu’il est difficile d’en obtenir des copies exactes et correctes ; que la rareté et la cherté des livres nuisent beaucoup à la propagation des connaissances humaines ; c’est pour remédier à ce mal que Sa Hautesse autorise Séid et Ibrahim à établir une imprimerie et à publier des ouvrages de philosophie, de médecine, d’astronomie, de géographie, d’histoire et de toute autre science ; mais, pour ménager les préjugés religieux des musulmans, il fut défendu d’imprimer les livres canoniques, c’est-à-dire le Koran, les lois orales du prophète, leurs commentaires, et les ouvrages de jurisprudence.

Ibrahim Basmadji conserva seul  la direction  de l’imprimerie ; et, qouiqu’il eût été comblé d’honneurs et de rénumérations par Achmet III, il n’eut rien à souffrir de la révolution de 1730, qui amena la déposition du sultan et la mort du grand-vizir ; son établissement continua de prospérer.
Seize ouvrages sortirent de ses presses : le premier fut un Dictionnaire arabe-turc, 1728, 2 volumes in-folio ; il imprima ensuite divers ouvrages sur l’histoire d’Egypte et celle de Turquie ; plusieurs livres traduits ou composés par lui-même, tels qu’un traité sur l’usage de la boussole, et un autre sur la tactique ; une grammaire française-turque, 1730, in-4°, composée par le père Holderman, jésuite allemand, et dédiée au cardinal de Fleuri, ministre de Louis XV. Dans quelques exemplaires, les pages sont entourées de bordures dorées, et M. Renouard en possédait un  dont chaque feuille est imprimée sur un papier de couleur différente.
Enfin, Ibrahim publia un Dictionnaire persan-turc, 1742, 2 volumes in-folio.
Après sa mort, arrivée en 1746, l’imprimerie de Constantinople éprouva une interruption jusqu’en 1783 ; mais alors elle reprit son activité, et, même dans ces derniers temps, elle a produit une grande quantité d’impressions scientifiques et littéraires.

L'IMPRIMERIE EN 1854
Il existe aujourd’hui, dans cette capitale, plusieurs imprimeries : une pour l’hébreu et l’arménien ; une pour l’arabe, le turc et le persan, une pour le français, et l’imprimerie grecque du patriarche. On y imprime aussi deux journaux : le Moniteur ottoman, en turc, et la Gazette de Constantinople, en langue française.

C’est à Scutari, faubourg de Constantinople, que se trouve l’imprimerie impériale. Quand M. Didot la visita, en 1816, elle occupait quatre presses ; le chef des ouvriers, tous musulmans, avait lui-même visité les principaux ateliers typographiques d’Europe.

Il y a aussi des imprimeries dans d’autres villes de la Turquie, soit en Europe, soit en Asie, à Candie, à Smyrne, etc.

Dès 1610, les moines maronites du mont Liban imprimaient un psautier arabe et syriaque. Les imprimeries qu’ils avaient établies dans leurs couvents ont fonctionné jusqu’à nos jours, quoiqu’ils aient eu plusieurs fois à souffrir des guerres et des insurrections dont la Syrie a été le théâtre.

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