Extrait de Joanne A. et Isambert E., Itinéraire descriptif, historique et archéologique de l'Orient, 1861 : Turquie
[455]
IIIe section : Architecture.
Les principes de l'architecture grecque ont été exposés, p. 30 à 41, et ceux de l’architecture romaine, byzantine et musulmane, p. 288 à 294; nous ne reviendrons pas sur ces généralités. Parmi les monuments les plus remarquables que renferme l’Asie Mineure, les uns, appartenant à la période turque, sont dans un état de conservation à peu près parfait; les autres, ceux qui appartiennent à l’architecture grecque ou byzantine, n’offrent à la curiosité des voyageurs que des ruines, mais elles suffisent pour la plupart à révéler l’état primitif des édifices. Quelques ponts bâtis sous la domination romaine ou byzantine servent seuls encore à l’usage pour lequel ils furent construits (pont de Sophon sur le Sangarius, — de Tchok-Gueuz sur l’Halys). En parcourant l’Asie Mineure, à partir du N.-O., on trouve auprès de Nicomédie (Ismid) la citerne d’Imbaher, qui date des derniers temps de l’empire Byzantin, et des égouts romains d’une remarquable architecture; à Isnik, les murs de fortifications de l’ancienne ville de Nicée, lesquels nous donnent un exemple remarquable de l'architecture militaire romaine au IVe siècle. Dans ces deux villes, mais surtout h Brousse, de belles mosquées (Oulou-Djami, mosquée verte, etc.), des turbés, des bains élevés par les premiers sultans ottomans. A Cyzique, les restes d’un amphithéâtre. Les plus belles ruines grecques et romaines (temples, stades, ponts, thermes) se trouvent à Æzani sur le Rhyndacus, à Berghama, à Assos, à Pessinunte, à Ancyre, à Milet, à lassus. Les théâtres les plus beaux et les mieux conservés, qui surpassent même tous ceux de l’Italie, se trouvent dans la Lycie, à Telmissus, à Patare, à Aspendus. Les anciennes églises chrétiennes se voient à Hiérapolis, près du Méandre; à Ancyre; dans la vallée de Kassaba, et à Myra dans la Lycie. Les édifices funèbres sont extrêmement répandus dans l’Asie, la plupart remontent à une haute antiquité: ce sont d’abord les tumulus circiilaires de la Troade (tombeaux d’Achille, d’Ajax, d’Ilus, etc.), le tombeau de Tantale près de Smyrne, le tombeau d’Alyatte près de Sardes ; aux environs de Nacoléia, le monument funéraire appelé Tombeau du roi Midas, ei plusieurs autres édifices du même genre, qui présentent en général une simple façade surmontée d’un fronton peu saillant. Tout le pays environnant est semé de grottes sépulcrales. La Lycie possède deux espèce de monuments funéraires d’un style particulier à ce pays, ét tout différent du style hellénique. Ce sont d’abord des tombeaux en forme de chambres creusées dans les rochers, et dont les ornements présentent une imitation évidente des constructions en bois (F. Telmissus, Antiphellus, Myra). Le toit repose sur des rondins, et l’édifice est divisé en plusieurs compartiments par des montants et des traverses ressemblant à des solives. Les éléments de ce genre d’architecture se retrouvent encore dans les maisons actuelles de la Lycie. L’intérieur des chambres présente souvent de grandes figures en bas-relief, d’un fort beau travail. Les autres tombeaux sont en forme de sarcophagen isolés sur un soubassement en forme de dé. Le tombeau proprement dit ressemble à un petit édifice en bois pourvu [456] d’une porte à deux battants ; il est couvert d’un toit aigu, en forme de barque renversée, dont les deux versants sont convexes et arrondis, de sorte que les pignons présentent un afc ogival. C’est l’exemple le plus ancien que l’on possède de l’ogive, il paraît antérieur à l’art grec : — la vallée d’Argoli (Cappadoce) contient aussi des chapelles et d’innombrables tombeaux creusés dans le roc. — Parmi les monuments antérieurs à l’art grec, nous citerons encore le monument de SénostriSj à Nymphi près de Smyrne; les murs de l’acropole de Sipylum, près de Smyrne ; le camp retranché des Lélèges à Iassus, au S. de Milet; un aqueduc pélasgique à Patare ; à Tarse, le monument dit tombeau de Sardanapale ; à Boghaz-Keui, près de l’Halys et de la ville de Youzgat, les ruines d’une ville, dont le nom est encore inconnu (Pterium, Tavia?), offrent les vestiges de plusieurs temples, acropoles et palais, et une enceinte creusée dans le roc et décorée de sculptures, qui appartiennent à l’architecture persépolitaine. — Enfin à Kaisariéh, à Nigdèh, mais surtout à Konyeh, des monuments de l’art seldjoukide (palais, mosquées, piédressé, tombeaux), mélange du style byzantin avec l’art musulman primitif. — Nous donnerons une description détaillée de ces monuments à mesure que nous les rencontrerons sur notre route.