Sur les rives de l'Euphrate, la ville de Birecik (Biredjik), dominée par une forteresse probablement construite par les Croisés, occupe un emplacement stratégique.

Birecik s'appelait autrefois Birtha. A l'époque séleucide, on y franchissait le fleuve sur un pont de bateaux. Elle est rattachée au comté d'Edesse créé par les Croisés en 1099 et baptisée Bile. Mais dès 1144, les Arabes la conquièrent et la baptisent al-Birah. Elle appartint ensuite à la principauté d'Alep, puis aux sultans Mamelouks d'Egypte avant de devenir ottomane en 1516. Depuis, elle fait partie de la Turquie.

La population était en 2016 de 93000 habitants. La ville fait partie de la province de Şanlıurfa et a donné son nom à un barrage hydro-électrique construit dans ses environs.

Localisation


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Les cartes postales, publiées au début du XXe siècle, ont été écrites par des militaires français et envoyées dans les années 1920. La ville a, depuis cette date, évidemment beaucoup changé.

Biredjik, L'euphrate, carte postale du début du XXe siècle

M. Poujoulat, El-Bir et les environs de Nézib, Revue de Paris, juillet 1839

On passe l'Euphrate à Raka lorsqu'on va d'Alep à Bagdad par le désert. L'antique Birtha, appelée El-Bir (le Puits) par les Arabes, et Birèdjik par les Turcs, est bâtie sur la rive orientale de l'Euphrate, au penchant de deux chaînons de collines calcaires d'une éblouissante blancheur. Plusieurs petits ruisseaux jaillissent des flancs de ces collines, se répandent dans la ville et dans un étroit vallon planté d'oliviers et d'autres arbres fruitiers. Ce Vallon est à peu de distance au sud-est d'El-Bir. La ville est enfermée dans l'enceinte d'une muraille à moitié ruinée, qui peut avoir une heure de tour. Birèdjik n'a qu'une seule porte, tournée vers le sud. Cette porte, qu'on ferme chaque soir, est revêtue de grosses lames de fer. Dans l'intérieur des remparts, au nord-est, sur un rocher à pic d'une grande élévation, est une antique citadelle ; jadis si formidable, elle s'écroule aujourd'hui sur plusieurs points ; autour des murs s'étend un fossé profond taillé dans le roc. On arrive dans la forteresse par un pont-levis jeté sur le fossé. Le château d'El-Bir a environ un mille de circonférence à sa base; mais ses murailles vont en se rétrécissant, et se terminent en pain de sucre, Les quatre coins de la forteresse sont coupés comme les angles d'une pyramide. Avant l'invention de la poudre à canon. la citadelle de Birtha était regardée comme imprenable. El-Bir serait encore une importante place militaire, si on avait rebâti les remparts et réparé les murs du château ; mais, vous le savez, les Turcs ne réparent jamais rien. En ce moment, Birèdjik ne pourrait pas soutenir le moindre siège. 

Dans un des appartements les plus élevés de la citadelle, on trouve des restes de vieilles armures : ce sont des casques en fer très-lourds, sur lesquels sont gravés des caractères arabes, des cottes de mailles, et des débris de cuirasses. On y voit également des frondes, des flèches au bout desquelles est une pointe en fer entourée d'un morceau de toile qui enveloppe une matière combustible. Ces armes ont appartenu à des musulmans du moyen âge, et, probablement, elles datent des époques de la grande guerre entre le croissant et la croix. La matière combustible attachée aux vieilles flèches des Sarrasins servait sans doute à incendier les places qu'on assiégeait. 

Biredjik, porte arabe, carte postale du début du XXe siècle

Les maisons de Birèdjik, comme les remparts, sont construites en petites pierres carrées; la ville a des bains, des bazars mal approvisionnés, un karavanseraï, quatre mosquées et une église chrétienne. El-Bir compte une population de cinq mille musulmans et de cent cinquante Arméniens schismatiques. Les principales ressources des habitants sont le coton, le blé, le tabac, les olives et les melons. La cité est gouvernée par un mousselin qui dépend du pacha d'Orfa. 

L'Euphrate, appelé Mourad-Souïou (eau du désir) par les gens du pays, présente, en passant à Birèdjik, une largeur d'un quart de mille ; on lui donne une profondeur de douze pieds. Le fleuve roule plus d'eau et s'étend sur un plus vaste espace au commencement du printemps, à l'époque de la fonte des neiges sur les montagnes de l'Arménie. Les collines, sur lesquelles El-Bir s'élève, protégent la cité contre les inondations de l'Euphrate; les eaux se répandent alors en liberté du côté occidental où tout est plaine. Le Mourad-Souïou, comme le Nil, porte la fécondité dans les terres qu'il visite. Les habitants du pays commencent les semailles et la culture des légumes lorsque les eaux se sont retirées. 

L'Euphrate, à Birèdjik comme à Malattia et à Samosate, coule paisiblement; ses bords sont sablonneux et dépouillés d'ombrage. L'Euphrate, à El-Bir, est le passage ordinaire des caravanes qui viennent de Mésopotamie en Syrie; ce passage s'effectue dans de larges bateaux. Ce fut sur une de ces embarcations que nous traversâmes le fleuve, le 7 septembre, à huit heures du soir ; nous laissâmes derrière nous le grand fleuve, s'en allant avec majesté à travers le désert, et nous nous avançâmes vers l'occident.

Expédition scientifique en Mésopotamie: exécutée par ordre du gouvernement … de 1851 à 1854

par Fulgence Fresnel, Félix Thomas et Jules Oppert, Paris, Imprimerie impériale, 1863

Enfin le 28, le bateau qui sert de bac pour traverser l'Euphrate nous porta à Biredjik, et nous foulâmes la terre de Mésopotamie. La ville nouvelle de Biredjik ou petit Bir, car c'est ainsi qu'on la nomme également, s'élève par gradins le long de l'Euphrate, et a à peu près l'aspect d'un amphithéâtre. La ville est assez propre, et la position de Biredjik, qui, aujourd'hui, est presque le seul point où l'on franchit l'Euphrate, lui donne un air d'animation assez peu commun parmi les villes d'Orient; je dis presque le seul point, et c'est vrai. La caravane de Damas à Bagdad traverse le fleuve à Hit; mais ce n'est que deux fois par an, tandis que le passage de Biredjik est continuel. Du reste, rien ne peint mieux la décadence de cette contrée, autrefois si florissante, que le fait de cette unique traversée de l'Euphrate; car les autres places, surtout Hillah, plus considérable comme ville que Biredjik, ne conduisent à aucune issue, et l'on ne passe par Hillah que pour aller à Kerbelah et à Mechhed-Ali ou pour en revenir.

Biredjik, vue prise d'une fenêtre du château, carte postale du début du XXe siècle

Du reste, dès l'antiquité, ce fut ici l'une des principales places où l'on traversa l'Euphrate. Tout près au nord de Biredjik était, selon quelques auteurs, la ville de Zeugma, dont le nom même indique le bac ou le pont qui joignait les deux rives. Biredjik même est mentionné par les géographes sous le nom de Birtha, ce qui retrace parfaitement l'araméen Nn-na, le fort, mot peut-être identique au nom de la célèbre Byrsa de Carthage. On trouve dans les textes cunéiformes, déjà cités, une ville de Syrie de ce nom, près de Dabug ou Hiérapolis. La ville était florissante dans les premiers siècles de l'ère chrétienne. On pourrait supposer que, si la ville actuelle de Biredjik ne correspond pas à Zeugma, identifié ordinairement à Roum-Kaleh, Birtha serait identique avec la ville d'Europus; mais nous penchons à ne voir dans Biredjik que le célèbre point de Zeugma, où Bacchus fit, selon la légende transmise par Pausanias (Phoc. c. xxix), le premier pont sur l'Euphrate, en allant dans l'Inde.

Biredjik a un château très-fort et très-bien situé; sa position rappelle celle du château de Heidelberg, sauf le charme de la contrée qui distingue ce dernier; mais il semble inexpugnable, et il n'y a que des tremblements de terre qui l'aient pu entamer. Nous montâmes dans l'après-midi pour visiter cette immense construction, qui, restaurée et dans d'autres mains, aurait une grande importance stratégique. On ne sait combien de soldats on pourrait y loger, si tout était en bon état. Des antiquités s'y trouvent aussi; par exemple, quelques bas-reliefs. On nous disait que M. Layard avait enlevé d'ici quelques sculptures assyriennes trouvées dans ce fort même; nous vîmes dans un couloir sombre, à une hauteur considérable, d'autres bas-reliefs, qui paraissent être d'origine sassanide.

En général, ce lieu n'est pas riche en antiquités, car, jusqu'au moyen âge, le chemin de la civilisation passait par des points plus méridionaux. C'est dans cette direction qu'étaient situées Hiérapolis ou Bambycé, Thapsacus, Anatho, Babylone, et Biredjik n'a pris la place de Thapsacus qu'après la chute de Babylone. Cette ville, dont le nom même signifie traversée, [...] (ainsi cité dans la Bible), semble avoir perdu de son importance, lorsque, par la décadence de Babylone et de Ctésiphon, comme par la prospérité toujours croissante d'Amida ou Diarbekr, les relations commerciales se déplacèrent.

Le médecin de la quarantaine avait réuni une collection fort curieuse de médailles dont il nous fit les honneurs. C'était la seule distraction de cet homme, qui souffrait doublement de l'exil, confiné qu'il était dans un séjour assez triste. Sa femme, une belle Vénitienne, nous racontait avec un accent émouvant tous les détails de leur fuite et des aventures nombreuses qu'ils avaient éprouvées jusqu'à leur arrivée à Biredjik.

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