On retrouve les histoires du célèbre Nasreddin Hodja dans les Balkans comme en Asie centrale. Personnage mythique, il aurait vécu vers les XIIIe-XVe siècles en Turquie où de nombreux récits circulent et sont toujours publiés. Les extraits que nous présentons ont été traduits en Français par Nassif Mallouf en 1849.

Plaisanteries de Khodja Nasr-Eddin Effendi.

I.
Un jour, le maître (khodja) Nasr-Eddin effendi monta en chaire pour prêcher et dit : « O fidèles ! savez-vous ce que je dois vous dire ? - Non, khodja effendi, répondit l'auditoire, nous ne le savons pas. - Eh bien , puisque vous ne le savez pas, que vous dirais-je donc? Un autre jour, montant de nouveau en chaire : « O Musulmans ! dit-il, ne savez-vous pas ce que je dois vous dire ? - Nous le savons, répondirent-ils tous. - Puisque vous le savez, reprit le khodja, pourquoi vous le dirais-je ?» Il descend en même temps de la chaire et sort pour s'en aller. L'assemblée, étonnée, décida d'un commun accord que si le khodja reparaissait, les uns répondraient : Nous savons, et les autres : Nous ne savons pas. Comme auparavant, le khodja monta encore un jour en chaire et s'écria : « O mes frères ! savez-vous ce que je dois vous dire ? Les uns répondirent : Nous savons, et les autres : Nous ne savons pas. - C'est charmant, reprit le khodja. Eh bien ! que ceux d'entre vous qui savent l'apprennent à ceux qui ne savent pas. »

II.
Un jour, le khodja prend de son voisin un chaudron, et, après avoir bien combiné son affaire, il y place une petite casserole et le rapporte au propriétaire. L'individu à qui le chaudron appartenait découvre qu'il s'y trouve une petite casserole et dit au khodja : « Qu'est-ce que ceci ? - Le khodja répond : Le chaudron est accouché.» Alors l'individu l'accepte. Un autre jour le khodja ayant encore eu besoin du chaudron, va le prendre, le porte chez lui et le garde. Un jour, cinq jours se passent, l'individu voit que son chaudron n'arrive pas. Il va chez le khodja, frappe à la porte ; le khodja accourt et lui demande ce qu'il veut. « Mon chaudron, dit celui-ci. - Conservez-vous en bonne santé, votre chaudron est mort. - Est-ce que jamais un chaudron meurt ? - Vous avez bien cru qu'il était accouché, et vous ne croyez pas qu'il soit mort? »

III.
Un jour, le khodja effendi se rendit à un festin de noces avec de vieux habits ; on n'eut pas d'égards pour lui et on ne lui fit pas d'honneurs. Le khodja, comprenant que cela n'allait pas ainsi, trouva le moyen de sortir, alla chez lui, se revêtit de sa pelisse et revint dans le lieu du festin. A peine revenu à la porte : « Entrez, lui crie-t-on, entrez, khodja effendi ! » On le fit asseoir avec honneur et respect au haut bout de la table, et on lui dit : « Servez-vous, khodja effendi, servez-vous. » Mais lui, prenant la manche de sa pelisse : « Mange de tout cela, dit-il, ma chère pelisse. » Et, quand l'assemblée, s'en étant aperçue, lui demanda : « Que faites-vous donc? - Puisque les cérémonies sont pour ma pelisse, dil-il, elle n'a qu'à manger aussi du festin. »

IV.
Un autre jour, le khodja effendi ayant perdu son âne, le demanda à quelqu'un, qui lui répondit : « Je l'ai vu dans un tel endroit, il est devenu cadi (juge). - C'est vrai, dit le khodja ; je savais qu'il devait devenir cadi ; car lorsque je donnais des leçons, il dressait les oreilles pour écouter. »

V.
Un homme venant un jour de la campagne porta un lièvre au khodja : celui-ci fit toutes sortes d'honneurs à cet individu et lui donna à manger. Une semaine après, il retourna : le khodja oubliant que c'était son mussafir (hôte), lui demande qui il est. « Je suis, répondit-il, celui qui vous a porté le lièvre. » Le maître l'accueillit. Quelques jours après, certains voyageurs étant venus pour recevoir l'hospitalité, le khodja leur dit : « Qui êtes-vous? - Nous sommes, répondirent-ils, les voisins de celui qui vous a porté le lièvre. » Peu de temps après encore, de nouveaux convives se présentèrent : « Qui êtes-vous ? » dit le khodja. - Ils répondirent : « Nous sommes les voisins des voisins de celui qui vous a porté le lièvre.
- Ah ! soyez donc les bienvenus, » leur dit le khodja, et il leur présenta un simple verre d'eau. Sur leur exclamation d'étonnement : « C'est tout simplement, leur dit-il, le bouillon du bouillon du lièvre. »

VI.
Un jour le khodja Nasr-Eddin effendi se trouvait chez lui quand un pauvre vint frapper à sa porte. « Que demandez-vous de la sorte? dit le khodja. - Descendez, » lui répond le pauvre. Le khodja descend aussitôt et lui demande ce qu'il désire. « L'aumône, dit le pauvre. - Eh bien, montez, » reprit le khodja. Le pauvre monte, et une fois en haut, le khodja lui dit : « Que Dieu vous vienne en aide! - Et pourquoi ne me l'avez-vous pas dit quand j'étais en bas, ô monseigneur effendi? - Et pourquoi vous-même, lui dit le khodja, quand j'étais en haut m'avez-vous appelé pour me faire descendre? »

Traduit du turc par N. Mallouf, extrait des Contes de Nasreddin Khodja

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