Amasra, l'ancienne Amastris, située sur la côte de la Mer noire, dans la province de Bartın, prit son nom actuel en 1460. Cette petite ville portuaire et touristique, appréciée pour son cadre original, compte actuellement environ 7000 habitants.
Photographies : © Jacques Scoufliaire, 2014
La ville est connue depuis l'Antiquité, mais si, vue sa taille modeste, elle ne joua pas de rôle majeur dans l'histoire ancienne et moderne.
Strabon, Géographie, traduction par Amédée Tardieu, 1873
A l'embouchure du Parthénius succède la ville d' Amastris, ainsi appelée du nom de sa fondatrice, et bâtie sur une presqu'île dont l'isthme offre un port à chacune de ses extrémités. Amastris était la femme de Denys, tyran d'Héraclée, et la fille d'Oxyathrès, frère du roi Darius contemporain d'Alexandre. Elle avait, pour fonder la cité nouvelle, réuni ensemble quatre petits dèmes ou bourgs : les trois premiers, Sésame, Cytorum et Cromna, sont déjà mentionnés par Homère dans le Diacosme ou dénombrement des vaisseaux paphlagoniens. Téium faisait le quatrième, mais il ne tarda pas à se retirer de la confédération.
Les trois autres en revanche persistèrent et Sésame est souvent qualifié d'acropole d'Amastris. Quant à Cytorum, il avait servi auparavant d'entrepôt à Sinope et devait son nom, si ce qu'on dit est vrai, à Cytore, fils de Phrixus.
C'est dans le canton d'Amastris, surtout aux environs de Cytorum, que croît en très-grande abondance le meilleur buis connu. On appelle Aegialos une plage longue de plus de 100 stades où s'élève une ville de même nom.
Félix de Beaujour, Voyage militaire dans l'Empire Othoman, ou Description de ses frontières…, 1829
La côte s'abaisse au-delà du cap Carambis, et présente d'abord le port de Ghidros, et puis ceux d'Amasra. Ghidros, l'ancienne Cythorus, n'a plus qu'une douane turke, environnée d'un khan et d'un café; mais Amasra, l'ancienne Amastris, a conservé des vestiges de son ancienne splendeur. Cette ville, encore peuplée de cinq à six mille habitants, est située, comme Sinope, sur l'isthme d'une péninsule, dont les deux échancrures forment deux ports, et elle serait aussi propre que cette ville à recevoir un établissement maritime. Les Turks devraient donc en relever le château qui tombe en ruine, ou du moins le remplacer par quelques batteries de côte. Le point d'Amasra est encore plus facile à défendre que celui de Sinope, parce que la côte environnante est plus acore et d'un accès plus difficile. De toutes les villes du littoral de la mer Noire, Amasra est celle qui a conservé le plus de restes d'anciens monuments. La campagne tout autour paraît très - fertile: c'est une suite continue de jardins, au milieu desquels on voit une multitude de colonnes de marbre encore debout.
Bernard Eugène Antoine Rottiers, Itinéraire de Tiflis à Constantinople, 1829
Amastro ou Amastra [ou Amasra], ou en arabe Amasrah, l’Amastris des anciens, est située dans la province de Bec Sangel, à l’embouchure d’une petite rivière nommée Dolab.
La reine Amastris, femme de Lysimachus, capitaine d’Alexandre et souverain d’une partie de la Thrace, fonda cette ville environ 290 ans avant J. C. [En fait, elle réunit les quatre dèmes de Sésame, de Cytorum, de Cromna et de Teium].
Elle voulut s’en faire une retraite après que son mari eut épousé à Sardes une autre femme nommée Arsinoè, fille de Ptolémée Lagus. Arrien considère Amasra comme une ville grecque, parce que sa fondatrice, quoique persane, était reine d’Héraclée (du Pont) et que c’étaient pour la plupart des familles grecques qui avaient peuplé la nouvelle cité.
Après la mort d’Amastris, qui fut cousue dans un sac de cuir, et jetée à la mer par ses propres frères, dans le port même de sa ville, Amasra passa sous la domination d’Hercule VII [Herakleides de Kymè], tyran d’Héraclée, qui ne la conserva point longtemps. Ayant été prise sans coup férir, par Triarius, lieutenant de Cotta [durant les guerres entre Mithridate Eupator, roi du Pont et les romains au Ier siècle avant J.-C.], elle resta longtemps sous la domination romaine. Elle appartint depuis aux Comnènes, et fit partie de l’empire de Trébizonde. Les Génois en étaient maîtres [en 1398] et en avaient fait le chef-lieu de leurs possessions dans la mer Noire : quand,en 1461, Mehmet II s’en approcha à la tête de son invincible armée, ils s’empressèrent de lui en ouvrir les portes. Ce conquérant fit transporter par la suite une grande partie des habitants à Constantinople qu’il voulait repeupler.
C’est bien à tort que les citoyens d’Amasra prétendirent autrefois qu’Homère était né dans leurs murs, parmi les mille et une prétentions de ce genre, celle-là paraît la moins fondée de toutes. On ne connaît d’homme célèbre né dans cette ville que Saint Hyacinthe, qui subit le martyre au IVe siècle.
Les Romains frappèrent quelques médailles à Amasra. Un Turc m’en vendit une que je crois assez rare: elle était à l’effigie d’Antonin le pieux ; le revers représentait un Neptune tenant d’une main un trident et s’appuyant de l’autre sur la queue d’un dauphin.
Mais un monument que je crois curieux à l’égal de tous ceux qui éclaircissent un point quelconque d’histoire, c’est celui que j’observai près d’une hauteur à la droite du port. Sur un piédestal de marbre est sculpté d’un côté l'emblème d’une Victoire, représentée par un guerrier à cheval foulant un ennemi renversé : de l’autre côté l’on voit des faisceaux de lances, des drapeaux et des couronnes murales avec cette inscription en grec et en latin [CORONAE MURALES].
Les Romains n’eurent cependant point, que l’on sache, d’occasion de remporter des couronnes murales à Amasra. Serait-ce qu’au moment où Triarius, lieutenant de Cotta [qui servit en Belgique sous César], vint se présenter devant cette place, tout était déjà prêt pour l'assaut et même pour le triomphe. Mais les habitants se décidèrent à ouvrir les portes. Cependant les Romains, s’étant bien disposés à triompher, triomphèrent tout de même sans avoir combattu, et l’on ne laissa point d’ériger le monument déjà sculpté d’avance par quelque habile ciseau : monument d’une victoire que l’on avait eu grande envie de remporter l... Tout cela serait bien possible, et ce ne serait pas la première fois que les Romains nous auraient transmis à leur manière des bulletins aussi véridiques que ceux de nos grandes armées modernes.
Il paraît que le port d’Amasra fut jadis magnifique. Il était défendu par une citadelle à laquelle
on avait donné le nom de Sésame. Des escaliers de marbre conduisaient de la ville jusqu’aux deux ports, situés des deux côtés de l’isthme et au milieu desquels était le château. Les vestiges que l’on reconnaît encore prouvent qu’il n’y a rien d’exagéré dans cette description.
Quoi qu’il en soit, Amasra n’est plus aujourd’hui qu’un misérable village, habité par quelques familles turques dont toute l’industrie consiste à travailler au tour différents ustensiles en bois et des jouets d’enfants qu’elles envoient à Constantinople. Voilà tout le commerce que fait aujourd"hui la métropole des Génois !
Monument célébrant la conquête d'Amasra par Mehmet II