Cette lettre est la réponse de Soliman à la demande d'aide de François Ier emprisonné par Charles-Quint après la défaite de Pavie.
Lui (Dieu) est élevé, le riche, le généreux, le secourable
Moi qui suis, par la grâce de celui dont la puissance est glorifiée et dont la parole est exaltée, par les miracles sacrés de Mohammed (que sur lui soient la bénédiction de Dieu et le salut), soleil du ciel de la prophétie, étoile de la constellation de l'apostolat, chef de la troupe des prophètes, guide de la cohorte des élus, par la coopération des âmes saintes de ses quatre amis Aboubekr, Omar, Osman et Ali (que la satisfaction de Dieu très-haut soit sur eux tous), ainsi que tous les favoris de Dieu ; moi, dis-je, qui suis le sultan des sultans, le souverain des souverains, le distributeur des couronnes aux monarques de la surface du globe, l'ombre de Dieu sur la terre, le sultan et le padichah de la mer Blanche, de la mer Noire, de la Romélie, de l'Anatolie, de la Caramanie, du pays de Roum, de Zulcadrié, du Diarbekr, du Curdistan, de l'Azerbaïdjan, de la Perse, de Damas, d'Alep, du Caire, de la Mecque, de Médine, de Jérusalem, de toute l'Arabie, de l'Yemen et de plusieurs autres contrées que mes nobles aïeux et mes illustres ancêtres (que Dieu illumine leurs tombeaux) conquirent par la force de leurs armes, et que mon auguste majesté a également conquises avec mon glaive flamboyant et mon sabre victorieux, sultan Suleiman-Khan, fils de sultan Sélim-Khan, fils de sultan Bayezid-Khan.
Toi qui es François, roy du pays de France, vous avez envoyé une lettre à ma Porte, asile des souverains, par votre fidèle agent Frankipan [L'ambassadeur Frangipani], vous lui avez aussi recommandé quelques communications verbales ; vous avez fait savoir que l'ennemi s'est emparé de votre pays, et que vous êtes actuellement en prison, et vous avez demandé ici aide et secours pour votre délivrance. Tout ce que vous avez dit ayant été exposé au pied de mon trône, refuge du monde, ma science impériale l'a embrassé en détail, et j'en ai pris une connaissance complète.
Il n'est pas étonnant que des empereurs soient défaits et deviennent prisonniers. Prenez donc courage, et ne vous laissez pas abattre. Nos glorieux ancêtres et nos illustres aïeux (que Dieu illumine leur tombeau) n'ont jamais cessé de faire la guerre pour repousser l'ennemi et conquérir des pays. Nous aussi nous avons marché sur leurs traces. Nous avons conquis en tout temps des provinces et des citadelles fortes et d'un difficile accès. Nuit et jour notre cheval est sellé et notre sabre est ceint.
Que Dieu très-haut facilite le bien ! A quelque objet que s'attache sa volonté, qu'elle soit exécutée ! Du reste, en interrogeant votre susdit agent sur les affaires et les nouvelles, vous en serez informé. Sachez-le ainsi.
Ecrit au commencement de la lune de rebiul-akhir 932 (15-24 février 1526), à la résidence de la capitale de l'empire, Constantinople le bien gardé.
extrait de E. Charrière, Négociations de la France dans le Levant, Paris, Imprimerie nationale, 1858
Cette lettre a été reproduite et traduite par M. Jouannin, dans l'ouvrage d'Artaud de Montor, Machiavel, son génie et ses erreurs publié en 1833, et revue par Annibal Dantan pour l'ouvrage de Charrère.
Elle appartenait à la Bibliothèque du Roi, fonds de Bétune, n° 8507 et fait partie du recueil de lettres autographes et d'autres de François Ier, des papes Paul III et Clément VII, de Henri VIII..., des cardinaux Farnèse et de Guise, c'est un manuscrit in-folio aux armes de Sully relié en maroquin rouge.