C'est un des plus beaux monuments d'Istanbul. Construit sur une colline, il domine la ville de sa haute silhouette depuis plus de 450 ans. Sa construction qui dura de 1550 à 1557 fut confiée à Sinan. C'est, disait-il, son oeuvre de bon ouvrier, son chef-d'oeuvre étant la Selimiye d'Edirne.
Même s'il est influencé par Sainte-Sophie, Sinan apporte, avec cette oeuvre originale, de nombreuses innovations.
Carte postale légendée au dos "No192. Editeurs Au bon Marché, Péra"
Le portique se compose de 28 coupoles reposant sur 24 colonnes antiques venant de l'Hippodrome byzantin.
Cartes postale éditée par Max Fruchtermann envoyée en 1913
Sur les cartes postales ci-dessus, on voit bien les 4 minarets de la mosquée, 2 comportant 3 balcons et les 2 autres comportant 2 balcons, ce qui fait un total de 10 balcons (şerefe). Ces chiffres sont symboliques puisque Soliman était le 10ème sultan ottoman et le 4ème depuis la prise de Constantinople.
L'intérieur de la mosquée a 57 mètres de long sur 60 de large, 4 grands piliers soutiennent la construction. La grande coupole, dont le tambour est percé de 32 fenêtres, a un diamètre de 26,50 mètres à une hauteur sous la clé de 53 mètres. Elle est supportée par 4 grands arcs et 4 pendentifs s'appuyant sur les 4 piliers et contrebutée par 2 demi-coupoles de 23 mètres à une hauteur de 40 mètres.
Deux côtés sont bordés par des galeries latérales couvertes de 5 coupoles.
La décoration est elle aussi remarquable : le mimber, le mihrab et le kürsi (chaire) sont des chefs-d'oeuvre des sculpture sur bois, les vitraux sont l'oeuvre d'un grand artisan appelé Ibrahim l'ivrogne et les calligraphies de Hasan Çelebi et de Ahmed Şemseddin Karahisârî.
A gauche et à droite, on voit 2 des 4 piliers, au fond, une demi-coupole et, à droite, les 3 arcs qui supportent le mur latéral extérieur et une des 4 colonnes de porphyre (hauteur de ces colonnes : 9,20 mètres) qui proviennent de monuments antiques d'Egypte. L'une d'elles, prise à Istanbul, était nommée "colonne de la Vierge".
A l'Est de la mosquée, le cimetière abrite les türbe de Süleyman (Soliman) et de Hürrem Sultane (Roxelane).
La carte postale ci-dessous date des années 1930, mais est un retirage d'une photo du début du XXe siècle. On y voit bien les coupoles du portique à gauche, les minarets, la coupole, les deux demi-coupoles et les galeries latérales de la mosquée. A droite, les türbe partiellement cachés par, au premier plan, le rectorat de l'Université d'Istanbul.
Localisation de la Süleymaniye
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Description extraite de H. Barth, Constantinople, 1913
La mosquée de Suléïman, construite par Sinan de 1550 à 1566 sur une vaste plate-forme de la troisième colline, est considérée comme la plus belle de Stamboul après Sainte-Sophie, C'est une œuvre admirable d'architecture ottomane, conçue dans un style digne de la splendeur de l'époque. Elle se distingue par la pureté du style, la régularité des plans, la perfection des différentes parties, et l'harmonie de l'ensemble.
Toute la construction si vaste s'étend d'une manière imposante avec ses treize coupoles, son parvis, son jardin des tombeaux, sa bibliothèque, les trois écoles, les quatre collèges, les hôtelleries, les cuisines, les cyprès et platanes qui couvrent la cour extérieure longue de 190 mètres sur 130 de large. Tandis que la Shah-zadé n'a que deux minarets, la Suléïmanié en a quatre vers le haut.
Le Haram à trois portes, animé par une fontaine jaillissante, excite l'admiration par ses formes choisies et les matériaux superbes dont il est construit : marbre, porphyre, granit ; au-dessus de la porte principale la formule de l'Islam ; tout autour court une colonnade couronnée par 26 coupoles : trois corridors sont munis de fenêtres donnant sur l'extérieur, des bancs de marbre s'allongent sur toute la longueur, les colonnes et les coupoles du quatrième corridor s'élèvent plus haut que les autres sur la façade de la djami. En face de la porte centrale du parvis s'ouvre l'entrée du sanctuaire, construite dans le style persan [sic], décorée magnifiquement.
L'intérieur
L'intérieur à trois nefs est d'une beauté surprenante : rien que ce monument justifierait amplement le titre de Magnifique, donné au sultan. Le milieu est couronné d'une coupole gigantesque soutenue par quatre colonnes énormes : ce dôme a un diamètre de 26 mètres comme celui de Sainte-Sophie ; la fierté qu'il excite chez les Ottomans est peut-être un peu excessive, car il est moins hardi, sa hauteur dépassant de 5 mètres celui de Sainte-Sophie. Les matériaux de construction furent tirés du grand palais des empereurs grecs. C'est ainsi que les quatre grands blocs de granit, debout entre les piliers de soutien des deux côtés de l'axe principal de l'édifice, proviennent de l'Augustéon et du château impérial de Justinien.
Ces colonnes, les plus grandes de la ville, servent de soutien aux nefs latérales, elles sont couronnées de chapiteaux sculptés en forme de stalactites. Gyllius nous est un témoin de leur destination première : deux d'entre elles portaient la statue de l'empereur et la Vénus éprouvant Virginité. Les deux autres doivent avoir probablement servi à porter les statues des impératrices Théodora et Eudoxia.
Le long des murailles des nefs latérales sont disposés des bancs de pierre formés de colonnes tronquées. Partout une magnificence de bon goût : des incrustations de marbre multicolores sur les murs et les colonnes ; des lustres énormes de bronze dans la niche de prière décorée de faïences perses aux couleurs chatoyantes, les neuf fenêtres de cette niche, garnie de vitraux éclatants, ornées d'arabesques, d'étoiles, de fleurs, du chiffre divin : ces vitraux proviennent des verreries du maître oriental si renommé à cette époque, Serhoch Ibrahim ; la tribune des prédicateurs et l'estrade des commentateurs du Coran sont de marbre blanc, d'un travail précieux.
Partout des guirlandes, des lustres en fil de fer tressés, en bois et en fer forgé portant de petites lampes emplies d'huile ; parmi cela des raretés de toute nature : des dents d'éléphant, des oeufs d'autruche. Tout l'intérieur de la mosquée donne l'impression d'un charme magique. Malgré les restaurations récentes au cours desquelles les fiers arceaux et les coupoles furent défigurés et enlaidis par des ornements bizarres, la mosquée justifie encore le jugement et la prétention de l'architecte disant qu'elle marquait l'apogée de l'architecture musulmane.
Jardin et tombeaux
Dans le jardin rempli de tombeaux situé derrière la mosquée, se trouvent les tombes de Suléïman et de son épouse favorite, la Roxelane. Ce sont des mausolées à huit pans. Trente-huit colonnes de marbre entourent le monument funéraire et soutiennent des arcs en ogive de couleurs différentes ; à l'intérieur quatre colonnes de marbre blanc et quatre de porphyre soutiennent la coupole magnifique. La galerie ainsi formée tout autour reçoit la lumière du dehors par des niches en arcades garnies chacune de six fenêtres accouplées deux à deux. Tout, dans ce mausolée, inspire une gravité solennelle.
Au milieu, les cénotaphes des deux Suléïmans et du deuxième Ahmed : de grands candélabres se dressent de chaque côté, des draps précieux recouvrent les cercueils, vers la tête sont disposés les turbans blancs et les aigrettes de plumes de héron. Tout autour du monument de Suléïman Ier, une balustrade incrustée de nacre. Sur des pupitres des manuscrits magnifiques du Livre sacré ; en outre, une carte en relief des lieux saints de la Mecque.