Lettre envoyée en 1858 par J.-H.-A. Ubicini (1818-1884), auteur de nombreux ouvrages sur la Turquie et la Roumanie, au sujet de la Valachie et de la Moldavie.
Texte de la lettre
Paris, 27 9bre [septembre] 1858
Monsieur,
Votre dernier article sur l'Influence française en Allemagne contient l'extrait d'une note de l'impératrice Marie-Thérèse où il est fait allusion à l'éventualité d'un partage de la Valachie et de la Moldavie qui auraient eu le même sort que la Pologne « ... Si, pour un misérable morceau de la Pologne, peut-être même de la Valachie et de la Moldavie, nous compromettions etc... » J'avais déjà connaissance de cette note qui se trouve citée, je crois, dans le volume de M. de Laboulaye sur l'Allemagne et les pays slaves. Mais ce qu'il m'importerait beaucoup de savoir, c'est si parmi les documents historiques ou diplomatiques de cette époque que vos études vous ont rendu familière, vous auriez trouvé quelque autre trace d'un projet de cette nature concerté entre les trois cours du Nord ? Ce serait là un fait important à établir pour l'histoire des Principautés et je vous serais un gré infini Monsieur si vous vouliez bien m'éclairer de vos lumières sur ce point.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de mes sentiments les plus distingués.
A. Ubicini
Commentaires
A cette époque, Ubicini a déjà publié ses « Lettres sur la Turquie » (1847-1851), « La Question d'Orient devant l'Europe » (1854) et les « Provinces roumaines » dans la collection « L'Univers pittoresque » (1856).
Comme le montre cette lettre envoyée en septembre 1858, il est particulièrement sensible au sort de la Valachie et de la Moldavie, états vassaux de l'empire ottoman dont l'union sera reconnue par un firman du sultan du 20 novembre 1861 et qui formeront le royaume de Roumanie.
Ces deux principautés furent vassales de l'empire ottoman à partir du XVe siècle : elles subissaient l'influence de leur puissant voisin, lui payaient tribut, fournissaient des soldats, des céréales, du bétail, des peaux etc.
Mais elles ne faisaient pas réellement partie de l'empire et jouissaient d'une large indépendance, en particulier dans le domaine administratif ou religieux : aucune mosquée ne fut édifiée comme ce fut le cas dans le provinces européennes de l'empire ottoman. Le souverain valaque était cependant nommé par le sultan et le voïvode de Moldavie devait être accepté par lui.
Cette lettre évoque les ambitions des puissances austro-hongroise et russe qui souhaitaient agrandir leur territoire aux dépens des deux principautés. Les Autrichiens possédaient déjà une partie de la Valachie, les Russes avaient conquis la Moldavie qu'ils durent abandonner après la guerre de Crimée en 1856. Ubicini demande à Alfred Michiels s’il a connaissance d’un accord entre ces deux empires à ce sujet.
Alfred Michiels (1813-1892) était un homme de lettres, historien et critique d’art.