Située face entre Tisan et Bogsak, au Sud de la Turquie, à hauteur de Chypre, Dana adasi, l'île de la Vache (appelée Pityoussa, île Provençale ou Manavat) mesure 3 km de long pour une largeur de 1,2 km et culmine à 250 mètres. Elle est située à 2,5 km de la côte de cette région qui s'appelait Cilicie dans l'Antiquité et au Moyen-Âge, face à Mavikent.
Elle n'est alimentée par aucune source, mais fut cependant habitée pendant de longues périodes avant d'être abandonnée au Moyen-Âge.
L'historien turc Semavi Eyice se demandait, dans son article "Quelques observations sur l'habitat byzantin en Turquie" publié en 1983, comment des gens pouvaient habiter des endroits si inhospitaliers.
Localisation
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D'après les Acta Barnabae, écrits au Ve siècle, saint Barnabé et ses compagnons, lors de leur voyage à Chypre, y auraient séjourné. L'amiral anglais Beaufort l'explora en 1818 et les archéologues allemands Heberdey et Wilhelm y virent les églises en 1891-1892, ainsi que des tombes et des maisons en assez bon état.
En août 1916, des soldats français y furent envoyés pour vérifier que l'île n'abritait pas des sous-marins allemands.
Sur la rive Nord de l'île exposée à la côte, on aperçoit des ruines. Quelques photographies datant de 2009 montrent les bains, un sarcophage, des citernes, et quelques fragments de poterie et de céramique. La végétation très dense empêchait toute exploration vers l'intérieur de l'île.
Sarcophage chrétien (photo 2009)
Bains, hypocauste (photo 2009)
Citerne (photo 2009)
Escalier : il monte vers l'intérieur de l'île, mais la végétation très dense nous empêcha de progresser (photo 2009)
Fragment de marbre sculpté (photo 2009)
Fragment de terre cuite (photo 2009)
Fragment de poterie (photo 2009)
En 2011, 2015 et 2016, les archéologues du Boğsak Archeological Survey (BOGA) y ont mené d'importantes recherches, sous la direction de Günder Varinlioğlu, de la Mimar Sinan Güzel Sanatlar Üniversitesi, en utilisant des méthodes modernes : photos avec des drones, relevés statistiques des fragments de céramique etc
Parmi les nombreux vestiges qui datent surtout du début de l'époque romaine et de l'Antiquité tardive, on trouve 4 églises datant probablement de la seconde moitié du Ve ou du début du VIe siècle, des bains, des bâtiments non identifiés, une forteresse avec une église, et ce qui semble être les restes d'un chantier naval et des bassins rectangulaires qui pouvaient servir à la réparation des bateaux.
On a également retrouvé un carrière de pierre qui alimentait peut-être les constructions dans d'autres îles. La forteresse semble avoir remaniée à partir d'éléments plus anciens.
L'état des bâtiments peut s'expliquer par la réutilisation des pierres après leur abandon.
L'île semble avoir été une étape importante pour les navigateurs, ce qui explique la densité et la variété des vestiges. Comme le montre l'extrait d'un Manuel du pilote datant de 1840, elle était toujours considérée comme un bon mouillage au XIXe siècle. Le rocher qui y est décrit et qui est proche de l'île est toujours bien connu des navigateurs contemporains.
Sources
- Günder Varinlioğlu et Michael Jones, “The 2016 Dana Island Survey: Investigation of an Island Harbor in Ancient Rough Cilicia by the Boğsak Archaeological Survey (BOGA)” dans la revue Near Eastern Archaeology, 2017
- Boğsak Archaeological Survey/ Boğsak Arkeolojik Yüzey Araştırması : https://bogsakarchaeology.org/dana-island/
- https://webaram.com/biblio/livre/lile-provencale-un-coin-mysterieux-de-provence-en-orient-au-moyen-age
Textes
Voyage de Beaufort
Nouvelles Annales des Voyages, de la Géographie, Tome VI, 1820.
Caramanie ou courte description de la côte méridionale de l'Asie-mineure et des restes d'antiquités qui s'y trouvent; par M. Fr. Beaufort, capitaine de vaisseau de la marine royale d'Angleterre, membre de la Société royale. (second article)
Ce texte est la traduction adaptée d'une partie de l'ouvrage de Francis Beaufort, Karamania, or a brief Description of the South Coast of Asia Minor and of the Remains of Antiquity …, in the Years 1811 & 1812…, London, R. Hunter, 1817
A l'est du cap Cavalière, se trouve une île du même nom, et, quelques milles plus loin, l'île Provençale. Cette dernière est haute et escarpée du côté de la mer; sa côte nord-est est couverte d'une multitude de maisons, d'églises, de colonnes, de sarcophages en ruines. Nous avons observé, entre autres, les restes d'un vaste édifice qui ressemble un peu à un gymnase. Une citadelle couronne le pic le plus élevé, et toute l'île présente tant de moyens de défense naturels et artificiels, qu'on peut la regarder comme ayant été autrefois un poste militaire extrêmement fort. Il falloit beaucoup d'eau pour fournir aux besoins d'une population aussi nombreuse que l'indiquent les ruines qui existent; cependant il paroît que les habitans n'avoient d'autres ressources que celles qu'ils trouvoient dans leurs.citernes et leurs réservoirs ; car nous n'avons pas aperçu de sources.
L'île est inhabitée; les habitans de la côte adjacente la nomment Manavat; mais son nom ordinaire, parmi les marins grecs et turcs, est l'île Provençale. Vertot nous apprend que les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, durant leur séjour à Rhodes, s'emparèrent de beaucoup d'îles et de châteaux sur la côte de l'Asie-Mineure, non seulement comme postes avancés, mais aussi comme points de refuge pour les esclaves chrétiens. De Jauna (1) dit qu'en 1196, l'Arménie reconnut la suprématie de l'église romaine , et que Léon, son premier roi, ayant été couronné par l'évêque de Wurzbourg, fit don de trois forteresses au pape, qui les confia aux soins des chevaliers de Saint-Jean. La première des huit langues ou divisions de cet ordre étoit la langue de Provence : or, le nom de Provençale, uni à celui de Cavalière, donne lieu de présumer, avec quelque raison, que ces îles, et peut-être la presqu'île adjacente qui est fortifiée, étoient autrefois occupées par l'ordre, et qu'elles ont conservé les noms qu'elles portoient à cette époque. Le nombre de chapelles ruinées, observé sur les grandes îles, offre une nouvelle preuve qu'elles ont été soumises à une communauté religieuse. Il est très-remarquable que, dans ces petites îles, ainsi qu'à Rhodes et à Malte, ses deux chefs-lieux, cet ordre ait trouvé la pierre tendre si convenable pour ses somptueuses constructions, et qui donnoit beaucoup de facilité pour couler sous l'eau les fondations des digues immenses dont les fortifications de ces deux endroits sont entourées.
Les vieux murs de l'île Provençale fourmillent de lézards de différentes espèces, parmi lesquels nous avons vu quelques caméléons; les rochers sont fréquentés par les phoques , et les falaises par une espèce de canard très-beau et d'une grosseur extraordinaire; son plumage est blanc, avec des taches oranges et d'un brun lustré, grandes, distinctes et très - brillantes chez les mâles. Nos matelots trouvèrent beaucoup d'œufs; mais les oiseaux étoient si farouches, que l'on n'en put tuer un seul; il fallut nous contenter de les observer avec le télescope. Ils sont particuliers à cette portion de la côte; et il est très-singulier que, quoique toute la côte de Caramanie soit à peu près sous le même parallèle, plusieurs espèces d'oiseaux y semblent restreintes à des cantons particuliers. Les perdrix rouges, par exemple, qui se trouvent en quantité innombrable à Gacava, comme je l'ai déjà observé, se voient rarement à l'est d'Adalia; chaque fente de rocher à Khelindreh renferme une famille de pigeons ou de corneilles, qui disparoissent plus loin, pour faire place aux aigles; les gros goelands même étoient devenus rares. Des nuées de mouettes criardes les remplaçoient.
(1) Hist. d'Arménie, Liv. V, c. 4.
Manuel du pilote de la mer Méditerranée..., 1840
... rédigé par L. S. Baudin, Volume 2, Toulon, L. Laurent, 1840
Le cap Cavalier est la pointe O. d'une très grande anse, dont la langue de Bagasse, pointe très basse et prolongée sous l'eau, est la pointe de l'E. ou de droite. Cette dernière est à 13 milles dans l'E. N. E. du cap Cavalier.
Un village en ruines occupe le milieu de cette anse, un autre village est dans son recoin N. E., il y a deux rivières entre ces villages. L'île Provençale , étendue N. N. E. et S. S. O., couvre une partie de la côte O., dont elle est peu écartée. Cette île est à 4 milles dans le N. E. du cap Cavalier, à 8 milles dans l'O. 1° ou 2° S. de la langue de Bagasse et à 16 lieues dans l'O. 35° N. du cap St -André, pointe N. E. de l'île de Chypre. Elle a 2 milles de longueur, sur un mille de largeur, est très saine et peut être rangée de tous les côtés.
Une roche, à fleur d'eau et très accore, se trouve à 1/2 mille dans l'O. de sa côte O. De sorte que, si on veut passer entre l'île et la côte, il ne faut pas craindre d'accoster l'île pour laisser la roche à gauche ou dans l'O., ou bien il faut, au contraire, serrer la côte ferme pour laisser cette roche à tribord ou dans l'E. L'île est à 1 mille 1/2 du continent et couvre un bon mouillage par 8 à 20 brasses d'eau, fond de vase molle. On peut mouiller de manière à porter des amarres sur l'île. Le plus grand brasseyage est à mi-canal. Les grands bâtimens se placent à peu près par 20 brasses d’eau à mi-canal. On n'est à découvert que des vents d'E. et, encore, ils viennent de la baie.
Les bâtimens légers préfèrent le port Chevalier ou le port Clément.
Photographies de 2009