SÉLIM Ier, neuvième empereur des Ottomans fils de Beyazit ll, naquit sous le règne de Mehmet II, son aïeul, en 1467, et parvint à l'empire en 1512. Un parricide l'avait fait, avant le temps, succéder à son père : la défaite d'Ahmet, qu'il fit étrangler ainsi que ses autres frères et leurs enfants (1), affermit sa puissance que le crime avait commencée ; il la maintint à force de rigueur, de cruauté et de valeur. Sélim, en montant sur le trône, fit mettre à mort successivement deux grands vizirs, dont tout le crime était de lui avoir demandé de quel côté la tente impériale devait être tournée, c'est-à-dire, vers quelle contrée il voulait porter ses pas et ses armes ; un troisième, Sinan Youssouf pacha, fit dresser les tentes vers les quatre points du monde. « Voilà, dit Sélim, comment je veux être servi. » Dès l'année 1514, il mena les Turcs contre les Persans (2), et remporta, sur Chah-Ismaël, la fameuse et sanglante victoire de Tchaldiran (3). Héritier de la haine de Beyazit II contre les Mamlouks, il marcha, en 1516, à la conquête de l'Egypte, et la défaite et la mort du sulthan Kansouh al-Gaury, à Mardjdabek, près d'Alep, le 24 août, signalèrent son premier succès et le rendirent maître de la Syrie (4).

[Conquête de l'Egypte]

L'année suivante, il combattit le dernier sultan des Mamlouks, Touman-Bay, et le vainquit dans deux batailles, dont le résultat fut la destruction de cette milice de souverains, la chute de leur monarchie, et la réunion de l'Egypte à l'empire ottoman. Mais la conquête qui pouvait le mieux flatter l'orgueil de Sélim Ier, et qui devait avoir une plus grande influence politique et religieuse, ce fut la cession du droit de l'Imamat, que fit au conquérant de l'Egypte le dernier des khalifes abbassides, qui résidait au Grand Caire. Il remit entre ses mains l'étendard de Mahomet, qui avait passé des quatre premiers khalifes aux Ommeyades de Damas, ensuite aux Abbassides de Baghdad, et depuis à ceux du Caire. L'investiture de ce droit sacré plaça la maison ottomane au-dessus de tous les princes musulmans, et entraîna la soumission du Hedjaz en Arabie (5). Le sultan, quelque temps après avoir quitté l'Egypte, fut attaqué d'un cancer qui lui rongea les reins. Il lutta, plus d'un an, contre la violence du mal, lui opposant l'activité et la force de son esprit et de son caractère : vaincu par la douleur, il s'arrêta à Tchorlou [Çorlu], près de Constantinople, et il y mourut l'an 926 de l'hégire (27 novembre 1520).
On dit que ce fut dans l'endroit même où il avait combattu son père Bajazet II. Sélim justifia le surnom à Yavuz (le féroce) : depuis son avènement au trône jusqu'à sa mort, il ne distingua jamais l'innocent du coupable, et tous les hommes lui semblaient également dévoués à la mort. Cependant il était vigilant, actif, soigneux défaire observer les lois. Il avait du génie et de l'application au travail ; il savait choisir des généraux et des ministres habiles; il savait même les regretter. Son caractère sanguinaire ne l'empêchait pas de protéger les sciences et les lettres et même de les cultiver. Il possédait l'arabe et le persan, et composait des vers dans ces deux langues, au rapport des écrivains ottomans, et à celui de Pococke, dans la Continuation des dynasties d'Abu'lfarage (6). Ce même prince, mourant dans les bras de Piri-Pacha, regrettait les injustices dont les négociants persans avaient été victimes dans le cours de ses guerres. Piri-Pacha lui conseillait de bâtir un imaret pour les indigents, en expiation. «Piri, lui répondit Sélim, veux-tu que par une fausse gloire j'emploie en œuvres de charité, des biens ravis injustement : mon de voir est de les rendre ?» et l'ordre de cette restitution fut donnée sur-le-champ. S—T.

(1) Le seul Korkut parvint d'abord à échapper à la mort en se cachant dans une caverne ; mais il fut découvert, livré à Selim, et immolé à la haine de ce frère implacable.
(2) Les conquêtes de Chah Ismaël, fondateur de la dynastie des Sofys, les cruautés qu'il exerçait contre les musulmans orthodoxes, excitèrent le zèle et l'indignation de Sélim... [Il considéra alors qu'il était plus méritoire d'attaquer les Persans plutôt que les Chrétiens et mobilise une armée de 200 000 hommes.]
(3) Cette victoire lui fut vivement disputée : il ne la dut qu'à son artillerie et à une blessure que reçut le roi de Perse. Les Turcs y perdirent plusieurs pachas et plus de trente mille hommes. Après avoir pris Tauris, Selim se rendit dans le Karabagh, près de l'Araxe, afin d'y passer l'hiver, et d'être plus à portée de continuer au printemps la conquête de la Perse ; mais les murmures des janissaires, et la disette le forcèrent de ramener en Europe son armée considérablement affaiblie. Il emmena dans sa capitale un grand nombre d'ouvriers de Tauris, ainsi que le prince Ezzaman, dernier rejeton de la race de Tamerlan dans la Perse.
(4) La trahison de deux généraux égyptiens Khair-Beig et Kauberdy Gazaly, fit triompher les armes ottomanes de la bravoure des Mamlouks. A-T.
(5) Sélim séjourna huit à neuf mois en Egypte, pour s'assurer de la fidélité de ses nouveaux sujets, et publia plusieurs sages règlements concernant le gouvernement, la police, les finances et la sûreté de ce royaume. Il laissa cinq mille cinq cents hommes de garnison au Caire, et donna le commandement de la citadelle à un de ses officiers, avec défense de mettre le pied dans la ville. Il emporla des richesses immenses. Pour récompenser les deux traîtres qui lui, avaient facilité la réduction de la Syrie et de l'Egypte, il leur conféra le gouvernement de ces doux nouvelles provinces de l'empire ottoman, jusqu'à leur mort. II permit même à Khaïr-Beig d'incorporer les restes de la milice des Mamlouks dans les corps de troupes othomanes laissées en Egypte, et leur accorda la jouissance des terres dont le revenu leur était depuis longtemps assigné. Le grand-vizir Yunus-Pacha ayant adressé à Sélim de justes et sages remontrances sur cette faute en politique, dont il lui pronostiquait les funestes résultats pour la Porte-Othomane, le sultan irrité lui fit sur-le-champ trancher la tête. A—T.
(6) Mouradgea d'Ohsson, dans son Tableau de l'empire ottoman, rapporte comme un modèle d'éloquence orientale la lettre en forme de manifeste que Sélim écrivit de sa main à Chah-Ismael, pour lui reprocher son hérésie, et lui déclarer la guerre. Après avoir conquis l'Egypte, ce sultan fonda au Caire plusieurs établissements auxquels l'ostentation eut autant de part que la piété. Il fit décorer le nilomètre d'un superbe kiosk, où l'on grava des vers de sa composition.

Notice extraite de la Biographie universelle, ancienne et moderne..., Michaud, 1825
Nous avons modifié quelques graphies pour les rendre plus proches des usages modernes.

A lire, la biographie plus complète par Jouannin (1840) :  Sultan-Selim-Khan Ier, fils de Sultan-Baïezid II

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