Beyazit II succéda à son père Mehmet Fatih (Mehmet-le-Vainqueur), l'an de l'hégire 886 (1481). Les premières années de son règne ne furent néanmoins que paisibles : il eut a combattre Djem , ou Zizime, son frère, devenu célèbre par ses malheurs. Ce prince ambitieux, qui n'avait pour lui ni le droit ni la force, essaya une lutte inégale : Beyazit le réduisit à aller chercher un asile chez les chrétiens, et sa vengeance le poursuivit à Rhodes, où i| s'était réfugié ; mais les chevaliers n'osèrent pas garder un hôte si dangereux, qui pouvait attirer de nouveau sur leur île tous les maux de la guerre et toutes les forces de l'empire ottoman : ils envoyèrent Zizime en France. Beyazit fit partir une ambassade solennelle pour obtenir du roi Louis XII que son frère lui fût livré : ses ambassadeurs ne furent point reçus. Enfin, ce déplorable objet de ses craintes et de sa haine fut forcé d'implorer la protection du pape Alexandre VI , et mourut misérablement.
Délivré d'un ennemi qui lui semblait si dangereux, le sultan songea à se venger de ceux qui l'avaient protégé. Sa fureur se tourna sur Gait Bey, sultan des Mamelucks d'Egypte ; mais ce souverain du Caire était plus aisé à attaquer qu'à vaincre : Beyazit ne put qu'entamer la sanglante querelle que son fils était destiné à terminer par la destruction des Mamelucks et de leur monarchie. Mais s'il ne craignit pas de faire la guerre pour servir ses ressentiments, il la fit avec une égale ardeur pour la gloire du prophète, et la propagation ou la défense de la foi musulmane.
Il combattit les Moldaves, soumit la Bosnie et la Croatie, et envoya les Ottomans secourir leurs frères, qui, sous le nom des Maures d'Espagne, cédaient à la fortune de Ferdinand et d'Isabelle. Après trente années de travaux et de fatigues, Beyazit désira le repos, et voulut céder le trône à Ahmet, son fils aîné ; mais le prince Sélim, le second de ses fils, en avait ordonné autrement. Beyazit, vieux et infirme, fut forcé de s'armer contre lui ; cette guerre impie se termina par un parricide; le sultan descendit du trône, il couronna Selim de sa propre main ; et, quelques jours après, mourut empoisonné par lui à soixante-deux ans.
Beyazit II fut actif et courageux ; il aima les savants et les protégea ; il gouverna avec plus de sagesse que d'éclat : ses qualités ne furent pas assez brillantes pour lui mériter des surnoms glorieux ; mais sa piété lui a valu le nom révéré de Veli, ( le Saint ), sous lequel les Ottomans l'honorent encore aujourd'hui. Il avait la religieuse habitude d'ordonner qu'on recueillît la poussière qui s'attachait à ses habits, et il en fit faire une brique à l'heure de sa mort, conjurant et ordonnant, sous les plus terribles imprécations, que ce coussin d'un genre singulier, fût mis dans son tombeau, sous son bras droit, en foi des paroles du prophète : « L'homme dont les pieds ont été couverts de la poussière des sentiers du Seigneur, sera préservé par lui du feu de l'enfer. » Beyazit II mourut l'an de l'hégire 918 (1512 de J.-C.).
S-Y.
Notice extraite de la Biographie universelle, ancienne et moderne..., Michaud, 1825
Nous avons modifié quelques graphies pour les rendre plus proches des usages modernes.
- Voir également la longue notice de Jouannin, X. Sultan-Baiezid-Khan, 1840