Cette lettre d’affaire fut envoyée depuis Manchester à Isaac Camondo et Cie à Constantinople/Istanbul en 1857. Cette famille juive sépharade marqua l’histoire d’Istanbul au XIXe siècle avant de s’installer à Paris où existe encore de nos jours le Musée Nissim de Camondo créé en 1936 par Moïse de Camondo (1860-1935).

Expulsée par ordre du raïs-effendi (ministre des affaires étrangères), la famille Camondo avait dû quitter Istanbul en 1782 et s’installer en Italie, à Trieste, tout en gardant des contacts dans l’empire ottoman.

Isaac Camondo fonda une banque à Constantinople/Istanbul en 1802. Il meurt en 1832 et son frère Abraham Salomon (1781-1873) lui succède ; la banque prospère, les Camondo tissent des liens étroits avec les vizirs Rechid (1802-1857), Aali (1815-1871) et Fuad Pacha (1815-1869) et participent alors au développement économique de l’empire ottoman.

A partir de 1854, la famille Camondo finança une école moderne à Hasköy où l’on enseignait en Français et en Turc et qui voulait faire des élèves des sujets du sultan loyaux, mais éclairés.

La famille possédait, à Istanbul dans le quartier de Galata, plusieurs hans, des immeubles et d’autres bâtiments. Elle y construisit les fameux escaliers Camondo, chef-d’oeuvre de l’Art nouveau qui existent toujours.

En 1862, pour s’émanciper de leurs coreligionnaires conservateurs qui les ont excommuniés, les Camondo participent à la fondation de la communauté juive italienne d’Istanbul.

En 1864, toujours pour améliorer la condition de leur communauté, ils aident l’Alliance israélite universelle à s’implanter à Constantinople.

En 1867, Abraham-Salomon est annobli par le roi Victor-Emmanuel d’Italie en remerciement des services rendus à la cause de l’unification italienne.

Il s’installe, avec sa famille, en France où il mourut en 1873, fait construire un mausolée à Hasköy (Istanbul) où il est enterré et qui existe encore.

Les derniers descendants de la famille Camondo furent déportés en 1943 et disparurent dans le camp nazi d’Auschwitz.

La lettre envoyée aux Camondo

 

 

 

 

 

Le courrier que nous reproduisons fut envoyé le 19 mars 1857 de Manchester et arriva à Constantinople le 1er avril 1857, comme le montrent les cachets. Il témoigne de l’activité financière des Camondo.

Solomon Levi Behrens (1788-1873), l’expéditeur, était un homme d’affaires de Manchester en Grande-Bretagne. La lettre est écrite en Français, une mention de date a été ajoutée en Italien.

Un tampon sec porte la mention S. L. Behrens and Co // Manchester

Texte de la lettre

S.L. Behrens & CoManchester18 Marzo1 aprile6 d?

Manchester le 18 mars 1857

Messieurs I. Camondo & Co

Constantinople

Vous confirmant notre dévouée du 24 écoulé nous avons le plaisir de vous accuser reception de votre estimée du 4 cour[an]t, qui nous
porte
£ 1300 en 2 appoints au 28 mai s/ Londres
dont nous soignerons la rentrée au credit de votre compte.
Notre marché est sans changement ; les prix se soutiennent fermes. Comptes 11 e ? 20
Nous vous saluons, Messieurs, cordialement

Sources

  • Nora Seni et Sophie Le Tarnec, Les Camondo ou l’éclipse d’une fortune, Actes Sud, 1997, réédition revue Babelio Actes Sud, 2018
  • Pierre Assouline, Le dernier des Camondo, Gallimard, 1999
  • https://madparis.fr/introduction-1119https://mahj.org/fr/programme/la-splendeur-des-camondo-de-constantinople-paris-1806-1945-74
  • https://madparis.fr/Musee-Nissim-de-Camondo-125
  • Nora Seni, Le mausolé Camondo restauré : un lieu de mémoire partagé ? Les Cahiers du Judaïsme, 32 (2011)
  • Esther Benbassa, Aron Rodrigue, Histoire des Juifs sépharades. De Tolède à Salonique, Seuil, Points, édition revue, 2002

Extrait de Moïse Franco, Essai sur l'histoire des Israélites de l'empire Ottoman, depuis les origines jusqu'à nos jours

Paris, A. Durlacher, 1897

"La famille Camondo est d'origine hispano-portugaise. Il y a quelques siècles elle s'établit à Venise, où plusieurs de ses membres devinrent célèbres par leur savoir et les services qu'ils rendirent à leur nouvelle patrie. Un détail digne d'être mentionné, c'est que les ancêtres des Camondo furent les mêmes que ceux de lord Beaconsfield (Disraeli). Après avoir longtemps habité Venise, la famille Camondo vint s'établir à Constantinople. Le père d'Abraham Camondo fut un simple courtier de commerce qui remplissait à ses heures de loisir les fonctions d'administrateur de la synagogue d'Ortakeuy. Le comte Abraham avait un frère plus âgé que lui : Ishak Camondo. C'est ce dernier qui fonda à Constantinople au commencement de ce siècle sous la raison sociale : Isaac Camondo et Cie, la maison de banque devenue depuis si célèbre. Isaac Camondo étant mort sans enfants en 1832, son frère cadet, Abraham resta seul et unique possesseur de toute la fortune. Doué d'une rare intelligence, il sut donner un tel essor à ses affaires par ses relations avec la Bourse de Vienne et les grandes maisons de Paris et Londres, que sa fortune se chiffra, après quelques années, par plusieurs millions de francs.

En 1866, la Vénétie redevint italienne, grâce à Victor-Emmanuel et Garibaldi. Abr. Camondo, en qualité de vénitien, embrassa de nouveau avec joie la nationalité italienne. Son enthousiasme fut tel qu'il partit aussitôt pour l'Italie afin de soulager les veuves et les orphelins que fit la dernière guerre. A cette occasion, il offrit des sommes importantes à plusieurs établissements de charité. C'est ainsi qu'il fit don de 10,000 francs de rente annuelle à l'orphelinat de Turin et d'une somme équivalente au collège international de la même ville. Enfin, il remit à M. Spagnolini, consul d’Italie à Constantinople, un capital rapportant annuellement 2,500 francs de rente au profit de l'École Italienne de Constantinople. Touché par ces actes de générosité, Victor-Emmanuel accorda à ce philanthrope le titre de comte avec faculté de le transmettre à perpétuité par héritage à l’aîné de la famille.

Quoique de nationalité étrangère, le comte Abraham de Camondo sut si bien gagner la confiance et les bonnes grâces du célèbre grand-vizir Réchid-Pacha, qu'il obtint le privilège de posséder des immeubles en Turquie, droit réservé jusqu'alors uniquement aux sujets ottomans. Abr. de Camondo profita de cette faveur pour construire un si grand nombre d'immeubles à Constantinople qu'il devint le plus riche propriétaire de la capitale.

La sollicitude de ce philanthrope s'étendit particulièrement à ses coreligionnaires d'Orient. Il fut jusqu'en 1872, — époque où il s'établit à Paris —, à la tète de la communauté de Constantinople. Bien que les lois du pays défendissent au comte, en sa qualité d'étranger, de prendre officiellement part à l'administration communale, le consistoire central de la capitale n'agit que sous l'influence de ce personnage tant qu'il vécut en Turquie. Toutes les réformes introduites dans la communauté juive à cette époque sont dues à Camondo. La première école Israélite organisée dans la capitale turque, sur le modèle des établissements similaires de l'Europe, l’Institution Camondo (1858-1889) fut créée par cet ami du progrès. Il contribua jusqu'en 1870 à la moitié des frais ; à partir de cette date, cette famille prit toutes les dépenses à sa charge. C'est à Camondo que revient aussi le mérite d'avoir fondé en 1865, une école Israélite de garçons à Galata. Le comte Abr. de Camondo s'acquit la reconnaissance des Israélites de Turquie, pour avoir pris en toute circonstance la défense de la nation, en général, et des individus en particulier. A en croire les souvenirs populaires, il sauva plus d'une fois des Israélites de la peine de mort par ses démarches auprès des autorités. "



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