Omer Pacha, un Serbe converti à l'Islam et passé au service du sultan connut un destin hors du commun. Il combattit victorieusement les russes, fut gouverneur deBagdad, participa à la guerre de Crimée, à la lutte contre l'insurrection crétoise, devint ministre de la guerre en 1869. Voici un texte de A. Ubicini paru en 1853. 

Omer-pacha, feld-maréchal ottoman

Omer-Pacha [Ömer Paşa], muchir (feld-maréchal) ottoman, commandant en chef des troupes turquesen Bulgarie, est né en 1801 [en fait 1806], à Vlaski, bourg de la Croatie, situé dansle cercle d'Ogulini, dont son père était lieutenant-administrateur. Sonnom de famille est Lattas [ou Latas]. Admis très-jeune à l'école militaire deThurm, en Transylvanie, le jeune [Mihailo, Michel] Lattas commença sa carrière militaire au service de l'Autriche. A la suite d'une querelle avec son officier supérieur, vers 1830, il émigra en Turquie, où le vieux Khosrew-Pacha, alors seraskier (ministre de la guerre), le prit sous saprotection, et le fit entrer dans l'armée régulière avec le grade debinbachi (chef de bataillon), après l'avoir marié à la fille d'un ancien chef de janissaire, sa pupille.
J'eus occasion de voir plusieurs fois Omer-Pacha, en 1848, en Valachie, à l'époque où il commandait le corps expéditionnaire mis à la disposition de Suleiman-Pacha, envoyé, peu après son retour de son ambassade de Paris, dans les principautés, comme commissaire extraordinaire de la Porte. Iln'était encore que général de division, mais il fut, quelques semaines après, promu au grade qu'il occupe aujourd'hui, et qui est le dernier échelon de la hiérarchie militaire en Turquie.

 

Omar Pasha, general of the Tur... Digital ID: 831272. New York Public Library

 

L'armée turque,forte d'environ 15000 hommes, était campée le long de la rive gauche duDanube, à trois quarts de lieue de la petite ville valaque de Giurgewo, située vis-à-vis de Routschouk. Le général me fit visiter lui-même son camp, et j'admirai l'ordre et la discipline qui y régnaient. Ce qui me frappa surtout, quoique peu familiarisé avec de pareils détails, ce fut moins la bonne tenue des troupes, bien différente de celle des troupes russes que je vis un mois après, que le soin, la vigilance apportés dans la direction du matériel, dans les approvisionnements, dans le service des ambulances. Cette partie si essentielle et, il faut le dire, si négligée jusqu'ici par les généraux ottomans, du service des armées, préoccupait au plus haut degré Omer-Pacha. Aussi passe-t-il pour aussi bon administrateur que bon général.
J'entrai avec luià deux ou trois reprises sous les tentes des soldats ; il nommait la plupart par leur nom, goûtait leur eau et leur riz, s'enquérait de leurs besoins, et leur adressait des questions auxquelles ils répondaient avec un ton de familiarité respectueuse, d'où je tirai la preuve que le général avait su conquérir dans son armée cette popularité qui a été le propre de la plupart des grands capitaines.
Omer-Pachane parle pas le français, quoiqu'il l'entende, je crois, passablement ; mais il s'exprime avec une égale facilité en turc, en serbe, en allemand, en italien. C'est dans cette dernière langue que nous conversâmes. Il était impatient de la guerre, qui, à ce moment aussi, semblait ne tenir qu'à un fil, et il s'indignait des lenteurs de la diplomatie, tout en s'abstenant de tout ce qui eût pu en contrarier l'action.
Il avait à cette époque (et il a, je crois, encoreaujourd'hui) pour officier d'ordonnance le chef d'escadron, depuiscolonel, Iskender-Bey, qui avait fait ses études en France. Celui-ci meraconta plusieurs particularités de la vie du général en chef.Omer-Pacha avait figuré avec distinction dans toutes les luttes que laPorte avait eu à soutenir depuis quinze ans ; luttes causées, la plupart, par la nécessité de faire rentrer dans le devoir des provinces depuis longtemps insoumises, ou rebelles à l'introduction récente dutanzimat. Telles avaient été les expéditions de Syrie et de l'Albanie,de 1844 à 1846, et plus tard, celles de la Géorgie et du Kurdistan.Cette dernière surtout avait été glorieuse pour Omer-Pacha. Il avaitfait reconnaître partout l'autorité de la Porte, et amené prisonnier àConstantinople le chef des rebelles.
Bederkhan-Bey, dernierreprésentant de cette féodalité turbulente à laquelle Mahmoud avaitporté de si rudes coups. Sultan Abdul-Medjid, plus miséricordieux queson père, pardonna à Bederkhan-Bey, et récompensa son vainqueur enfaisant frapper, à la suite de cette campagne, une médaille dont ilvoulut le décorer lui-même.
Après l'occupation momentanée desprincipautés, Omer-Pacha, appelé au commandement en chef de l'armée deRoumélie, fut chargé de la tâche difficile de pacifier la Bosnie(1851). Il la remplit également à son honneur, et, dans cette expédition, comme dans celle qu'il dirigea l'année dernière contre leMonténégro, et qui a été si mal appréciée parmi nous, il montra que, chez lui, le talent du général n'excluait pas l'habileté du négociateur.
Omer-Pacha passe pour le meilleur général que possède la Turquie, et le fait est que, dans toutes les occasions où il a été mis à l'épreuve, il a déployé des talents militaires incontestables.Reste à savoir ce qu'il serait sur un champ de bataille européen.Toutefois, ce qui est un symptôme, ses ennemis ont peur de lui.Omer-Pacha a plusieurs fois refusé le ministère, notamment cette année, après que Reschid-Pacha eut été renversé du visirat. Il est, je crois, le seul de tous les grands pachas de la Porte qui n'ait jamais compté ailleurs que dans l'armée, et qui ait refusé tous les emplois de gouverneur, d'ambassadeur, de ministre, pour rester à la tête des troupes. Quelques journaux allemands ont pris texte de là pour donner à entendre qu'il n'attend que l'occasion pour tourner son armée contre le sultan, et révolutionner à son profit la Turquie d'Europe. Omer-Pacha a trop d'esprit pour donner dans un piège aussi grossier. Au lieu de voirdans sa conduite l'ambition d'un traître qui n'aspire qu'à détrôner son maître, voyons-y plutôt la loyauté d'un homme qui veut servir son pays dans le poste où il sent qu'il lui sera le plus utile.

A. Ubicini
Revue de l'Orient, de l'Algérie et des colonies, 1853

Omer Pacha combattit victorieusement les russes, fut gouverneur de Bagdad, participa à la guerre de Crimée, à la lutte contre l'insurrection crétoise, devint ministre de la guerre en 1869. Ilmourut en 1871.
Sa vie inspira une série télévisée en 13 épisodes diffusée à la télévision française en 1971-1972 et un livre d'Ivi Andric, Omer Pacha Latas, éditions du Rocher, 1999, 210 pages

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