Aali-pacha (Mehemet-Emin), homme d'État ottoman, né à Constantinople, l'an 1230 de l'hégire (1815), fut attaché, à l'âge de quinze ans, sur la recommandation de Réchid, au bureau de traduction de la Porte. En 1834, il fut appelé, en qualité de deuxième secrétaire, à l'ambassade d'Ahmed-Fethi-pacha, à Vienne. Il passa deux années dans ce poste, et revint, en 1836, à Constantinople par la Russie. Dès lors nous le voyons successivement grand interprète du Divan (novembre 1831), conseiller d'ambassade, puis chargé d'affaires à Londres (1838-39), sous-secrétaire d'Etat des affaires étrangères (1840), ambassadeur en titre à Londres (1841-44), membre du conseil suprême d'Etat et de justice, ministre des affaires étrangères par intérim et chancelier du Divan impérial (1844-1846). Lors de l'élévation de Réchid au grand vizirat, il le remplaça au ministère des affaires étrangères, et le suivit dans toutes ses vicissitudes politiques de 1846 à 1862. C'est dans cet intervalle qu'après l'heureuse terminaison du différend turco-grec, il fut promu à la dignité de muchir, et changea son titre d'effendi en celui de pacha. Son court passage au grand vizirat (août-novembre 1852) fut signalé par le rejet du premier emprunt ottoman, qui servit de prétexte à sa retraite. Tombé de nouveau en disgrâce, après un court séjour à Smyrne, en qualité de gouverneur général, il demeura, pendant une année environ, éloigné des affaires. Au mois de mai 1854, il obtint le gouvernement général de Brousse, et, le 1er octobre de la même année, fut rappelé à Constantinople, où il cumula les fonctions de président du conseil du tanzimat ou des réformes et de ministre des affaires étrangères.
Désigné, l'année suivante, pour représenter la Porte aux conférences de Vienne, il revint presque aussitôt pour occuper de nouveau le poste de grand vizir, auquel il avait été appelé pendant son absence (juillet 1855). Il présida, en cette qualité, la commission chargée d'arrêter les bases du quatrième point des garanties, en formulant, de concert avec les représentants des puissances alliées, les nouvelles mesures en faveur des chrétiens, mesures qui furent confirmées par le hatti-chérif du 18 février 1856. Nommé, dans l'intervalle, premier plénipotentiaire de la Porte aux conférences de Paris, Aa'li-pacha prit une part active aux délibérations, y déploya à la fois beaucoup de finesse et de fermeté, et signa, un peu à contre-coeur, dit-on, le traité de paix du 30 mars 1856.
Le 1er novembre de la même année, par suite des difficultés qu'avait suscitées l'exécution du traité, notamment en ce qui concernait les Principautés, il quitta le grand vizirat, où il fut remplacé par Réchid-pacha. Néanmoins, il consentit, trois semaines après (20 novembre), à rentrer dans le conseil, en qualité de ministre des relations extérieures; mais sa ligne politique différait trop de celle du chef du nouveau cabinet, et, dès le lendemain, il se démit de son poste. Une ordonnance impériale, rendue deux jours après, le nomma ministre sans portefeuille et membre du conseil d'Etat. La mort de Réchid le ramena au grand vizirat (11 janvier 1858). Remplacé bientôt comme grand vizir par Mehemet-Ruchdi-pacha, il resta dans le cabinet, comme président du tanzimat. Il recouvra encore à plusieurs reprises, avant et après Kibrisly-Mehemet-pacha, en 1861, le titre et les fonctions de grand vizir, remplaça Fuad-pacha au ministère des affaires étrangères, conclut le traité de commerce du 29 avril avec la France et l'Angleterre, et soutint avec une certaine fermeté les fonctionnaires de la Porte contre les réclamations de la diplomatie européenne. Comme Abdul-Medjid, le sultan Abdul-Aziz ne l'a écarté du pouvoir que pour l'y ramener promptement. En mai 1864, il a été membre et président de la conférence des représentants des puissances signataires du traité de Paris, ayant pour but de régler la situation politique de la Roumanie.
Aa'li-pacha a été encore plusieurs fois rappelé au pouvoir, surtout dans des situations difficiles. En février 1867, lorsque les événements de Crète éclatèrent, il fut nommé de nouveau grand vizir, et quelques mois plus tard, il fut chargé de la régence de l'empire pendant le voyage du sultan à Paris. Il essaya tour à tour de la clémence et de la rigueur contre les Candiotes, accorda une amnistie, puis livra les insurgés aux conseils de guerre. Il se chargea lui-même en Crète d'une mission de pacification qui échoua (février 1868).
La même année, il contribuait à donner au Conseil d'Etat de Turquie un caractère constitutionnel. On lui dut ensuite la pacification du conflit menaçant élevé entre le gouvernement de Constantinople et le royaume de Grèce. En février 1869, après la mort de Fuad-pacha, il reprit encore une fois la direction des affaires étrangères.
Il força le vice-roi d'Egypte à reconnaître solennellement la suzeraineté du sultan. Lorsque éclata, en 1870, la guerre entre la France et l'Allemagne, il témoigna de ses sympathies pour la première et de son intention de lui prêter son concours. Aa'ii-pacha, contraint à la retraite par sa santé, mourut à Erenkeui, en Asie Mineure, le 6 septembre 1871.
Tout le temps qu'il a été aux affaires, Aa'li-pacha a été représenté comme un homme d'État laborieux, instruit, d'une probité rare, tenace sous une apparence chétive et des dehors modestes. Il a été, avec Réchid, un des propagateurs les plus zélés et les plus sincères de la réforme en Turquie.
Il est décoré désordres impériaux du Medjidié et du Mérite de première classe, grand-croix de la Légion d'honneur, de Saint-Etienne d'Autriche, de l'Aigle rouge de Prusse, de Sainte-Anne de Russie, des saints Maurice et Lazare de Sardaigne, etc.
Dans une notice sur Aa'li-pacha, écrite en langue turque, Fatih-effendi, qui a publié la biographie de ses principaux compatriotes, parle avec emphase du talent du grand vizir pour la poésie.
Source : Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains