Cet être composite, à la fois femme et serpent, ou plutôt serpent et femme, qu'un œil familiarisé avec la culture turque, reconnaît souvent dans de nombreuse représentations, porte le nom de Shahmeran.
C'est, à l'évidence, un nom d'origine persane. En effet مار se lit meyr, et signifie serpent dans la langue persane. Ainsi, ce même terme de Shahmaran (Şahmeran ou Şahmaran), dans la transcription turque, signifie Reine des serpents.
Le contenu de ce conte n'appartiendrait pas pour autant au folklore iranien, mais plutôt à celui des Kurdes, dont les populations sont disséminées en Iran, en Irak, et en Turquie. On connaît la sombre aventure de cette reine du monde d'en-bas qui, transgressant la séparation radicale entre les bêtes et les animaux, tombe malgré elle, amoureuse d'un humain, mais qui, inévitablement trahie par son amant, est battue, tuée, dépouillée de ses écailles. Ses morceaux découpés étant l'ultime médicament qui puisse guérir le sultan sur le point de mourir.
Tantôt Şahmeran est un simple anneau de pierre sculptée. Comme à Mersin, sculpture parmi la centaine de celles ornant une longue promenade.
À Gaziantep, au Tütün Hanı, ce sont des kilims qui recueillent son image. Ou encore des tissus brodés, aux détails soignés. Plus loin, dans les allées du marché, un plat en étain est martelé à son effigie.
À Mardin, plus à l'est, des foulards. Un des cafés de la ville haute – le café mésopotamien ! - regorge d'objets : assiettes, tableaux, magnets. Et même, les femmes prennent plaisir à la porter comme un pendentif aux figures variées. Non seulement pour la beauté ou la finesse du bijou en argent. Mais, peut-être, comme sans le savoir, par sympathie pour celle qui, n'écoutant que son coeur et osant braver les interdits, a fini par mourir de son amour.