Le Musée des mosaïques de Gaziantep abrite une belle statue de bronze du dieu Mars.

L'ombre du dieu

L'ombre du dieu Mars hante le Musée des mosaïques de Zeugma, à Gaziantep.

L'atmosphère douce de l'énorme bâtisse plongée dans une sorte de paisible pénombre, ne doit pas faire oublier que, toutes proches de là, les villes jumelles de Séleucie et d'Apamée [dénommées ultérieurement du nom grec de Zeugma] ont fait l'objet en 64 av. J. -C. d'une conquête militaire, sous le règne de Pompée [106-48 av. J. -C].

C'est une vingtaine d'années après que s'établirent définitivement dans la région les soldats de la IV ème légion Scythe, accoutumés comme tous les militaires, à célébrer les vertus guerrières et vengeresses en rendant hommage au dieu Mars.

Des statues du dieu, de ce même type [Mars nu s'appuyant sur une lance] sont disséminées sur la vastitude de l'empire romain, avec une concentration toute particulière sur ses frontières, où sont implantées les garnisons.

Mise en scène

La mise en scène est spectaculaire. La statue est offerte au seul regard du visiteur. On la voit de loin, mais on ne peut s'en approcher.

Au centre d'un vaste espace, placé dans une semi-obscurité, qui va du sous-sol au faîte du bâtiment, une colonne torsadée joliment éclairée apparaît. À son sommet est posée un socle, sur lequel, en dehors de tout naturel, la statue de Mars est fixée. 

Le côté théâtral est renforcé par l'éclairage. Celui-ci est orienté de telle sorte que l'ombre de la statue se projette très au-dessus, sur un arrière plan rythmé discrètement par de longues tiges métalliques verticales, tenues par un entrecroisement de fils d'acier.

Mais surtout le socle lui-même est entouré d'une rampe lumineuse de néon qui éclaire la statue par en-dessous, jusqu'à lui donner par endroits des reflets d'or. 

Description

Cette statue de bronze figure le dieu Mars [l'Arès des Grecs], représenté de face. 

Le corps entièrement nu, offrant une musculature tout à la fois puissante et déliée, est, pour celui qui le contemple, très légèrement déhanché sur la gauche. Ce déséquilibre du corps, à peine sensible, est provoqué par la marche en avant du dieu, dont une jambe commence à se plier en arrière.

Le bras droit nettement levé, empoigne une lance. Le bras gauche, ramené devant, ne tient ni une épée, ni un bouclier, mais une arme, difficile à identifier sur la photo. 

Le casque posé sur une abondante chevelure, et coulé en même temps que la statue, a sa visière relevée.

Sorte d'équilibre de la perfection. Beauté du corps conforme aux canons classiques, grâce de l'homme jeune jouissant de la plénitude de sa force. 

Mars vengeur

Mais il ne faut pas se méprendre. Mise en scène, éclairage, première impression, tout se conjugue pour nous égarer.

Il ne s'agit pas d'une statuette gracile, mais d'une statue d'un mètre-cinquante. Il ne s'agit pas d'un éphèbe, mais d'un homme au cou de taureau. Il ne s'agit pas d'un visage apaisé, mais d'une face courroucée. 

À ce Mars, dieu de la guerre à outrance, on peut donc accoler les épithètes hérités de la tradition homérique : fléau des hommes [βροτολοιγός] et dieu des batailles [θεός του μάχες] ; souillé de sang [μιαιφόνος] ; insensé [ανόητος].

Et se souvenir, qu'à la même époque, se construisait à l'intérieur de Rome, un temple dédié à Mars Ultor, le Mars vengeur.

Histoire

Ici, à vingt siècles de distance, il ne s'agit plus désormais d'un dieu cruel. C'est seulement une  œuvre d'art : superbe objet de bronze, témoignant d'une civilisation révolue. 

La seule statue de bronze présente en ce Musée de la Mosaïque, magnifiée par le raffinement de sa présentation. Sauvée par hasard des bouleversements imprévisibles des rives de l'Euphrate au cours fantasque, des décombres de l'histoire, de la cupidité des collectionneurs.

Cette statue du dieu Mars a d'abord été exposée, dans une présentation beaucoup plus simple, au Musée archéologique de Gaziantep, qui proposait le quatrième siècle av. J. - C. comme datation, en indiquant déjà Zeugma comme provenance. Depuis, la statue a fait l'objet d'une restauration qui laisse délibérément apparaître une profonde déchirure au bras droit et des entailles sur d'autres partie du corps.

Ainsi va le monde. Alors que le cortège des évènements continue d'apporter sans répit son lot de révolutions, de coups d'État et de luttes, le dieu de la guerre se dresse maintenant, dans l'immobilité muséale, ayant gagné des admirateurs mais perdu ses fidèles, et sans qu'on songe encore à le célébrer pieusement. 

JJB, 07/2016

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