De même qu'à notre époque, le touriste japonais arrivant à Paris est rattrapé par la réalité de la ville, de même ce touriste français à Istanbul en 1908, se montre déçu par l'accueil. "Il ne faut pas mettre pied à terre", écrit-il sur la carte postale représentant la Pointe du sérail.
Il nous décrit les légendaires chiens d'Istanbul réputés pour leur nonchalance, mais nous livre aussi une description peu amène du comportement des stambouliotes, en particulier lorsqu'il veut visiter Sainte-Sophie.
Istanbul pointe du sérail, 1908
La carte était probablement envoyée dans une enveloppe avec une ou plusieurs autres. L'écriture est petite et le texte assez long pour une carte de cette époque.
Recto
En bas - Galata - quartier cosmopolite
22-5-08
Ce coup d'oeil est admirable, mais il ne faut pas mettre pied à terre. C'est terrible comme désillusion.
[L'auteur ajoute des indications sur la carte : minaret, côte etc]
Verso
... sous la roue j'en ai vu ne bouger que leur museau [il s'agit des chiens d'Istanbul] de quelques centimètres pour éviter qu'il ne soit écrasé. mais à cette pratique lorsqu'il passe une voiture où il y a un gros légume dedans et qui va quelquefois (un peu plus vite) un peu moins lentement que les autres , ils payent d'une patte ou de leur queue leur négligence. Quand on connaît les chiens on connaît leurs patrons les Turcs, ils passent toute la journée même les plus pauvres assis sur leur derrière devant un verre d'eau, une minuscule tasse de café à la turque et leur narghilé en gardant la même immobilité que les chiens. par contre coup le progrès ne bouge pas d'un pouce tous les 50 ans, du reste l'islamisme est là pour sauvegarder les coutumes et croyances ; je me suis fait estorquer une piécette d'argent et mis à la porte du péristyle de Ste Sophie par des mendiants et des fanatiques musulmans, on m'a dit que je m'y étais mal pris, mais j'étais seul et je ne savais pas, j'aurais du essayer d'abord à une mosquée moins sacrée car les imams n'étant pas payés se laissent facilement influencer par une pièce blanche. Oui j'ai profité du départ d'une personne pour l'accompagner et suis revenu seul. (et l'on peut entrer en retirant ses chaussures) et en gardant son chapeau. 3 jours et 4 nuits de chemin de fer, j'ai mangé et dormi comme j'ai pu sur la banquette en 2eme classe) car le restaurant et le wagon-lit sont hors de prix. Beaucoup de Bulgares, de Serbes, de Roumains, de Hongrois m'ont serré la main en reconnaissant en moi un Français. Ils aiment tous beaucoup la France. J'ai quelques souvenirs pour toi et Valentina (pièces de monnaie, cartes etc. Je te les porterai au mois d'Août en même temps que l'appareil car Dodeman qui a perdu sa grand-mère et sa tante n'a pas eu le temps de s'en occuper. J'ai beaucoup de travail en retard au bureau. A bientôt...