Catégorie : Biographies
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L'abbé Toderini est un des premiers homme de lettres à s'intéresser à la littérature turque. Pendant 6 ans, il réalisa une remarquable enquête très documentée et très précise, et la publia dans sa langue natale, l'Italien, en 1787.

Nous présentons ici une courte biographie de ce personnage singulier, témoin des liens entre la Sérénissime et l'Empire ottoman, à la fois ennemis et complices.

Giambattista Toderini, Letteratura turchesca, dell'abate Giambatista Toderini...
Venezia, G. Storti, 1787, 3 vol. in-8 ̊
I. Studj de'Turchi
II. Accademie e biblioteche. (Suivi de : ″Dissertazione epistolare sopra due antichissimi Alcorani ed alcune cufiche monete″, et de : ″Catalogo della libreria del Seraglio trasportato da Costantinopoli a Venezia″ [en arabe].)
III. Tipografia turca

Cet ouvrage fut traduit en Français par l'abbé Antoine de Cournand (1747-1814).
Abbé Toderini, De la littérature des Turcs... traduit de l'italien en français, par l'abbé de Cournand, lecteur et professeur royal.
A Paris, chez Poinçot, Libraire, rue de la Harpe, N° 135, 1789.
3 volumes, ??, 270, 272 pages
Disponibilité : Google books

Nous n'avons pas trouvé trace d'une réédition de cet ouvrage ni en italien ni en français.

Le premier ouvrage sur la littérature turque fut publié par  Giovanni Battista Donado, sénateur vénitien qui fut baile à Istanbul, Della letteratura dei Turchi osservazioni fatte du Giov. Battista Donado spedito Bailo alla Porta Ottomana l'anno 1680, à Venise en 1688.

Jean-Baptiste Toderini, littérateur, né à Venise en 1728, entra chez les Jésuites et professa la philosophie à Vérone et à Forli.
Il connut le marquis Maffei qui lui inspira le goût des études archéologiques. Il s'était amusé à rassembler une collection de médailles des rois Goths, et il en avait entrepris une autre sur les Jésuites.

Après la suppression de son ordre, il s'attacha au baile Garzoni, qu'il suivit, en 1781, dans son ambassade à Constantinople. Son séjour dans cette ville qui se prolongea jusqu'à l'année 1786, lui suggéra l'idée d'étudier la littérature des Turcs, dont il connaissait très-imparfaitement la langue.

Il se fit une bibliothèque de livres et de manuscrits arabes, ramassa des instruments astronomiques, nautiques et géométriques, sortis des ateliers musulmans, et se chargea d'apprendre à l'Europe que les Turcs possèdent des imprimeries, des bibliothèques, des académies, et qu'ils ne sont rien moins qu'étrangers à la belle littérature.

Il est curieux de l'entendre parler de ses rapports avec les gens de lettres de ce pays :
"Je cultivais, dit-il, l'amitié de quelques savants Othomans, et surtout du muderis de la Validé, afin d'assurer mes recherches, et d'éclairer mes doutes. S'il arrivait que ces savants ne fussent pas d'accord entre eux, je m'adressais au mufti, qui tranchait la question par un fefta, ou jugement définitif. On trouve, à la porte de son palais, des écrivains chargés de recevoir les demandes. Au bout de quelques jours, on se présente de nouveau, et pour une faible somme d'argent, on a la décision ou le fefta, signé de la main du mufti. Si la question blesse ouvertement la loi, on vous la rend de suite, en vous disant qu'il n'y a pas de réponse."

Avec ces secours, dont on doit apprécier la solidité, Todérini fut en état de composer son ouvrage qui étonna par la nouveauté du sujet.
A peine fut-il annoncé, qu'on s'empressa de le lire et de le traduire en plusieurs langues. Le cardinal Borgia, chez lequel l'abbé Toderini s'était fait annoncer comme l'auteur de la littérature des Turcs, lui demanda s'il en avait trouvé la langue difficile ?
- "Je n'ai pas eu le temps de l'apprendre, lui répondit naïvement Toderini. - Bravo ! bravissimo ! reprit en riant son éminence, je ne puis que vous admirer : vous avez parlé de ce que vous n'entendez point."

Toderini mourut à Venise, le 4 juillet 1799.