Catégorie : Sultans
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Beyazit ler, fils de Murat Ier, fut salué empereur sur le champ de bataille de Cassovie, l'an de l'hégire 792 ( 1390 de J.-C. ). Une mort violente et imprévue avait empêché le troisième sultan des Othomans de désigner son successeur - Yakub-Çelebi, frère de Beyazit, se crut des droits à hériter de l'empire, parce qu'il avait contribué à l'agrandir par sa valeur. Beyazit ne vit avec raison, dans Yakub, que le premier de ses sujets et dans ce sujet un rebelle, il le fit mettre à mort.
Ses guerres continuelles, soit domestiques, soit étrangères, rappelèrent ce sultan d'une extrémité à l'autre de son vaste empire: toujours armé, on le voyait presque à la fois apparaître la foudre à la main,en Europe et en Asie. Son étonnante activité, la promptitude de ses coups, l'effet simultané de sa соlère et de sa vengeance, le firent surnommer Beyazıt Yıldırım (Beyazit l'Éclair), et ce nom glorieux, justifié par sa vie, fut l'emblème de l'éphémère et brillant éclat que jeta son règne. A peine vainqueur, en Asie, du prince de Karamanie, son beau-père, il repassa en Europe, pour venger au-delà du Danube l'affront qu'Etienne de Moldavie avait imprimé, sur les bords du Sirelh, aux armes ottomanes. Tour à tour vainqueur et vaincu dans cette expédition douteuse, que son aïeul désavoua, Beyazit reparut dans l'Anatolie, et terrassa ce même ennemi dont il avait épousé la fille, et à qui sa clémence avait permis de se relever d'une première chute. Cette fois il fit trancher la tête à Karamanoglu, son beau-père, et s'empara de ses états.

Victoire de Nicopolis
Bientôt une ligue formidable arma les princes chrétiens contre l'empire ottoman. Sigismond, roi de Hongrie, alarmé des succès et de la puissance du sultan, avait provoqué cette croisade. Ce fut près de Nicopolis en Bulgarie, sur les bords du Danube, que la querelle se vida, à la honte des princes chrétiens, et à la gloire de Beyazit. Il remporta sur les Polonais, les Hongroise, les Français confédérés une victoire signalée, l'an de l'hégire 797 (1395 de J.-C.). Le roi Sigismond prit la fuite ; l'élite de la noblesse française périt sur le champ de bataille, ou fut obligée de se rendre, et la terreur du nom de Beyazit alla frapper les peuples les plus reculés de l'Occident. Mais le sultan souilla sa victoire par des actes de cruauté envers les prisonniers ; il fit mourir tous ceux qui refusaient d'embrasser l'islamisme, ou qui ne lui donnaient pas l'espérance d'une riche rançon. Lorsqu'on eut racheté la liberté des captifs par des présents et des sommes considérables, il montra, en les renvoyant, plus d'ostentation que de générosité. « Je méprise, dit-il, au fils de duc de Bourgogne, tes armes et tes serments ; tu es jeune, et tu auras peut-être l'ambition d'effacer la honte ou le malheur de ta première entreprise. Rassemble tes forces militaires, annonce ton arrivée, et sois sûr que tu trouveras toujours Beyazit prêt à t'offrir ta revanche. » La prise de Constantinople manquait seule à la gloire de ses armes; mais il imposait des tributs aux Grecs, et dictait des lois aux derniers successeurs de Constantin.

Tamerlan, la bataille d'Ankara
Il allait peut-être entreprendre d'achever son ouvrage, lorsqu'il en fut tout à coup détourné par l'attaque d'un ennemi formidable ; Tamerlan, qui venait de se rendre maître d'une grande partie de l'Asie , tourna ses armée contre Beyazit. Tamerlan ne voulait point souffrir d'égal, et le chef des Ottomans ne roulait point reconnaître de supérieur. Ils se provoquèrent l'un l'autre par des lettres pleines d'ostentation et de menaces. « Ne sais-tu pas, » écrivait Tamerlan à son rival, que la plus grande partie de l'Asie obéit à nos lois ? Ouvre les yeux, tandis qu'il en est temps encors ; réfléchis et détourne les foudres de la vengeance : songe que tu n'es qu'un insecte, et que si tu irrites les éléphants, ils t'écraseront sous leurs pieds. » Beyazit, indigné, répondit à Tamerlan, et repoussa ses outrages par les plus sanglantes injures : « Oses-tu, lui disait-il, comparer les flèches de tes Tatars , toujours prêts à prendre la fuite, au sabre de mes intrépides janissaires?... Si je fuis devant toi, ajoutail-il, puissent mes femmes m'être enlevées par trois divorces ! mais situ n'as pas le courage de m'attendre dans la plaine, puissent les tiennes ne t'être rendues qu'après avoir satisfait trois » fi/is ans. désirs d'un étranger! » Ces provocations étaient le signal, d'une guerre à mort : les deux colosses se heurtèrent dans les plaines d'Ankara, en Galatie, l'an de l'hégire 804 (1402 de J.-C. ). Un million de combattants se mêlèrent, et le sang humain fut versé pendant trois jours et deux nuits. Deux cent quarante mille hommes lues sur le champ de bataille attestèrent que la bravoure et la fureur étaient égales de part et d'autre : mais la fortune accabla Beyazit de toutes les humiliations. Vaincu, fait prisonnier, le dernier coup pour son orgueil fut de ne pouvoir échapper à la magnanimité de Tamerlan. Le vainqueur, informé que le sultan prisonnier était à l'entrée de sa tente, alla au-devant de lui, le fit asseoir à ses côtés, et plaignit ses malheurs : « C'est par ta faute , lui dit-il, que le décret du destin s'est accompli ; ce sont les épines de l'arbre que tu as planté de ta propre main; mais je méprise la vengeance ; ta vie et ton honneur sont en sûreté, Tamerlan rendit à Beyazit sa femme et son fils, et le laissa décoré d'un sceptre et d'une couronne ; il avait même promis de lui rendre ses états, lorsqu'une mort naturelle enleva le sultan au milieu du camp tatar , après quelques mois de captivité. Telle fut la destinée de ce prince, mémorable jouet de la fortune. La vérité historique rejette les traditions populaires qui l'ont représenté renfermé dans une cage de fer, et traîné comme une bête farouche, à la suite de son vainqueur ; mais elle admet que Tamerlan , lassé des tentatives que faisait le sulthan captif pour lui échapper, l'ait mené à la suite de son armée dans un chariot couvert ; elle admet même qu'il ait eu la pensée de conduire Beyazit jusqu'à Samarcande, pour qu'il y servît d'ornement à son triomphe. Quoi qu'il en soit, ce prince infortuné, que l'orgueil n'abandonna qu'avec la vie, mourut d'apoplexie au camp tatar, devant Akşehir, l'ancienne Antioche de Pisidie, l'an de l'hégire 806 (ou 1403).

Portrait
Il aurait été le monarque le plus heureux et le plus puissant de son siècle, si Tamerlan n'eût pas été son contemporain. Les historiens orientaux se plaisent à décrire sa magnificence, et peignent la joie des Tatars à la vue de leur butin , après la bataille d'Ankara. La justice de Beyazit était sévère et implacable ; il fit fendre le ventre à l'un de ses chambellans, qu'une pauvre femme accusait d'avoir bu le lait de sa chèvre. Tamerlan donna quelques larmes à sa mémoire, et permit à son fils Musa de régner sur la capitale de l'Anatolie. S—Y.

Notice extraite de la Biographie universelle, ancienne et moderne..., Michaud, 1825
Nous avons modifié quelques graphies pour les rendre plus proches des usages modernes.

A lire, la biographie plus complète par Jouannin (1840) : SULTAN-BAIEZID-KHAN, dit Ildirim (LE FOUDRE)