Catégorie : Sultans
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Notice rédigée à la fin du XIXe siècle.

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ABD-UL-MEDJID-KHAN, sultan ou empereur (padischah) des Ottomans, 31e souverain de la dynastie d'Othman et le 25e depuis la prise de Constantinople, fils aîné du sultan Mahmoud-Khan, né le 11 chaban de l'an 1238 de l'hégire (20 avril 1823), a succédé à son père le 1er juillet 1839. Quoique fils d'un monarque réformateur, l'enfance et l'éducation d'Abd-ul-Medjid ont différé peu de celles des autres princes qui l'avaient précédé sur le trône. Relégué, comme eux, dans le Séraï, à part les rares circonstances où, par une dérogation à l'ancien usage, il se montrait en public, aux côtés de son père, ayant passé des mains des femmes et des eunuques dans celles des mollahs et des astrologues, seuls instituteurs de sa jeunesse, il semblait, lorsqu'il fut appelé à recueillir l'héritage de son père, devoir être écrasé sous le poids de sa précoce grandeur. Jamais, en effet, les circonstances n'avaient été plus graves pour la Turquie. C'était huit jours après la bataille de Nézib (24 juin), gagnée par Ibrahim-pacha, au moment le plus critique de la lutte entre l'empire et son redoutable vassal. Bientôt cependant l'intervention européenne arrêta la marche du vainqueur, et par les deux traités du 15 juillet 1840 et du 13 juillet 1841, garantit l'intégrité de l'empire ottoman. Rassuré contre l'éventualité d'une invasion étrangère, le jeune sultan annonça dès lors son intention de continuer l'œuvre de réforme si énergiquement poursuivie par son père.

Un acte qui eut un grand retentissement en Europe, le hatti-chérif de Gulkhanè (3 novembre 1839), marqua le premier pas de celle politique libérale et conciliatrice et le point de départ de ce qu'on appela plus tard le tanzimat (d'un mot arabe qui signifie "ordre"), c'est-à-dire l'ensemble des réformes qui constituent la nouvelle organisation du gouvernement intérieur. Les plus importantes furent : la réorganisation de l'armée en 1843 et 1844 ; la création de deux nouveaux départements ministériels du commerce et des travaux publics et l'établissement de conseils spéciaux à la tête de chaque branche des services publics ; la nouvelle organisation des provinces ; la promulgation d un Code pénal et d'un Code de commerce ; la création des tribunaux mixtes ; le nouveau système monétaire ; l'abolition du kharadj, impôt de capitation payé par les seuls sujets non musulmans; la réforme de l'enseignement et l'érection d'une Académie impériale des sciences et belles-lettres à Constantinople ; la création de l'ordre du Medjidié ; l'institution des postes, des quarantaines, des télégraphes, de la banque, etc.

Appliquées d'abord dans la capitale, ces réformes se sont étendues, par portions successives, aux diverses provinces de l'empire, préparant de loin l'assimilation des races conquises et de la race conquérante. Le tanzimat n'est point un ordre définitif ; il se continue chaque jour et s'accroît de toutes les améliorations que la Porte introduit, au fur et à mesure des circonstances, dans son régime intérieur. Il a été institué, en septembre 1854, un conseil du tanzimat, ayant pour attribution spéciale de développer sans cesse et de généraliser l'œuvre de la réforme, et à une époque encore plus récente (18 février 1856), un nouveau hatti impérial, mentionné dans le traité de Paris du 30 mats suivant, a confirmé et élargi les dispositions du hatti-chérif de Gulkhanè en faveur des chrétiens et proclamé de nouveau le principe de l'égalité des droits entre tous les sujets de l'empire.

Ces réformes ont été préparées, entreprises ou accomplies au milieu de difficultés et d'embarras sans cesse renaissants, tant à l'intérieur qu'en dehors de l'empire : la fin du différend turco-égyptien et les dernières complications de la question d'Orient en 1840 et 1841; la question serbe en 1842 et 1843 ; l'insurrection de l'Albanie en 1845 ; la guerre du Kurdistan en 1848 ; les troubles de la Syrie, de la Bosnie et du Monténégro (1847-1852) ; le différend turco-grec et la révolution valaque (1848-1849) ; l'affaire des réfugiés hongro-polonais (1850), dans laquelle le sultan Abd-ul-Medjid refusa noblement, au risque d'une guerre avec ses deux redoutables voisins, de livrer à l'Autriche et à la Russie les généraux magyars et polonais réfugiés sur son territoire; enfin, à partir de 1852, la question des Lieux saints d'où devait surgir la dernière guerre d'Orient, avec tous ses résultats immédiats ou éloignés pour la Turquie qu'elle a fait entrer pour longtemps, par le traité de Paris, du 30 mars 1856, dans le concert européen.

Les années qui suivirent furent troublées par des crises financières et par des désordres graves dans plusieurs provinces. Ainsi, au commencement de 1861, après avoir échoué dans une tentative d'emprunt, le sultan avait été forcé de décréter (14 avril) l'émission et le cours forcé du papier-monnaie. Les embarras politiques n'étaient pas moindres : il avait fallu faire une enquête en Roumélie et Bulgarie pour satisfaire aux réclamations motivées de la Russie ; les provinces danubiennes, l'Herzégovine, le Monténégro inspiraient de vifs sujets d'inquiétudes pour le maintien de la paix ; enfin les hostilités entre les Druses et les Maronites avaient démontré l'impuissance de la Porte à maintenir l'ordre sur son propre territoire. Le dernier acte du sultan fut la consécration du nouvel arrangement arrêté entre les puissances européennes pour l'organisation du Liban.

Il est mort le 25 juin 1861.

Le sultan Abd-ul-Medjid n'avait point hérité de la trempe vigoureuse de caractère ni de l'énergie parfois cruelle de son père ; doux, circonspect, ombrageux, prompt à soupçonner, mais non pas à punir, il avait horreur du sang répandu. Depuis son avènement au trône, il s'est appliqué à combler les lacunes de son éducation, et grâce aux leçons de son ancien aide de camp, Edhem-pacha, devenu son ministre des affaires étrangères, il parla et lut couramment le français. A l'exemple de son père Mahmoud, il a voulu, à deux reprises différentes (1846 et 1850), visiter en détail certaines provinces de son empire pour s'enquérir par lui-même de l'état et des besoins des populations ; et même l'intérêt qu'il prit à ces excursions avait fait naître dans son entourage la présomption d'un voyage dans les principales contrées de l'Europe. Suivant l'usage turc, il était accompagné de son fils aîné, Mourad-effendi, et de son frère Abd-ul-Aziz-effendi, l'héritier présomptif de la couronne d'après la loi de l'empire qui appelait à la succession le plus âgé des princes de la famille impériale. Il a laissé huit filles et six fils.

 Notice extraite de Vapereau, Dictionnaire des contemporains, 1865