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Lechevalier, Voyage de la Propontide et du Pont-Euxin, 1800-1802

TOME PREMIER. 

 

PREFACE. 

LA nature a tout fait pour le pays que je vais décrire. C’est la partie du globe qu’elle a le plus favorisé de ses bienfaits. Le peuple qui en est maître aujourd’hui, ayant reçu de ses institutions religieuses et militaires le degré de civilisation qui le distingue, offre aux regards de l’observateur les principaux traits d’un grand caractère, la fierté, la franchise, la reconnoissance et la générosité ; mais il n’a point encore pénétré les secrets de l’économie politique, et il est à craindre que les lois fondamentales de son gouvernement ne s’opposent long-tems à ses progrès dans cette science nécessaire à la prospérité des nations. 

Si la Propontide et le Pont-Euxin étoient entre les mains d’un peuple assez éclairé pour connoitre les avantages d’une possession aussi précieuse, et assez industrieux pour les mettre à profit, Constantinople deviendroit la métropole de l’Europe et de l’Asie. Le Pont- Euxin seroit vers le nord la limite de ses faubourgs ; ils s’étendroient, vers le midi, jusqu’aux extrémités de la Propontide. Qu’on examine en effet sur la carte, l’immense quantité de villes qui se succèdent presque sans interruption, depuis l’origine du Bosphore jusqu’à la mer Egée, toutes ces villes, à la vérité, sont maintenant désertes ; leur richesse a disparu avec leur industrie : mais il n’en est pas une dont le nom ne rappelle quelque grand souvenir, et qui n’ait mérité d’occuper une place importante dans l’histoire. 

Je n’entreprendrai pas de les décrire toutes. Le tableau de Constantinople sera le principal objet de cet ouvrage ; ceux de la Propontide et du Pont-Euxin n’y seront joints que pour mieux faire connoître les avantages de cette Capitale sur toutes les villes du monde. 

De nombreuses difficultés contrarièrent les travaux dont j’offre ici le résultat ; je n’en parlerois point, si la justice ne m’obligeoit à publier que ces difficultés furent applanies, autant qu’elles pouvoient l’être, par le crédit, l’influence et les conseils de l’homme célèbre (1) qui étoit alors chargé des intérêts de la France à Constantinople. Passionné pour les beaux arts auxquels il consacroit tous ses loisirs, il étoit occupé lui-même des plus savantes recherches. Son but étoit de faire pour le reste de la Grèce, ce qu’il avoit déjà fait pour les îles de l’Archipel. Mais pour mettre en œuvre les matériaux précieux qu’il a réunis, il auroit maintenant besoin d’une  certaine classe d’artistes, qu’il cherche en vain sur une terre étrangère. 

(1) L’ambassadeur Choiseuil-Gouffier. 

L’Europe savante sera-t-elle donc privée du fruit de ses sacrifices ? L’ami des arts n’aura-t-il pas la faculté d’achever le beau monument qu’il a commencé d’élever à leur gloire ? 

Le Voyage de la Propontide et du Pont-Euxin sera divisé en cinq parties : 

La première contiendra la carte et la description de la Propontide [mer de Marmara], la carte et la description de la plaine de Brousse [Bursa] en Bithynie, enfin le tableau de l’Hellespont [Çannakale]. 

On trouvera dans la seconde, la carte du Bosphore de Thrace [Bosphore], et le détail topographique de ses rivages. 

Les monumens anciens de Constantinople seront l’objet de la troisième. 

La quatrième contiendra la carte de cette Capitale et la description de ses monumens modernes, sujet aride et uniforme, dont j’ai tâché de corriger la monotonie par des citations historiques, tirées de divers auteurs renommés, tels que Gibbon, Cantemir et Delacroix. 

Les observations géographiques sur le Pont-Euxin [mer Noire], contenues dans la cinquième, sont dues, pour la plupart, au colonel Lafitte, ingénieur d’un mérite distingué, également digne de nos regrets par ses talens, sa modestie et la douceur de son caractère. C’est au compagnon de ses travaux militaires, à son ami et le mien, l’ingénieur Monnier, aujourd’hui sous-directeur des fortifications à Genève, que je dois la communication de ses mémoires ; je lui dois aussi la carte du canal de Constantinople, qu’il a levée lui-même en partie, pendant qu’il travailloit à le fortifier. 

Je dois prévenir ici mes lecteurs, que je n’ai point employé une exactitude également rigoureuse dans toutes les échelles comparées des mesures anciennes et modernes. Celle de 800 toises, par exemple, dont je me suis servi dans la carte de Constantinople, ne correspond pas mathématiquement à 1600, mais à 1 556 mètres; cependant, comme l’erreur n’est que d’un quarantième, je ne l’ai pas crue assez importante pour ne pouvoir la négliger.

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VOYAGE DE LA PROPONTIDE ET DU PONT-EUXIN. 

PREMIÈRE PARTIE. 

CHAPITRE PREMIER. 
De la formation de la Propontide. 

IL est permis de hasarder avec Strabon (1), quelques conjectures sur les causes naturelles de la formation de la Propontide, je crois volontiers que les eaux des grands fleuves qui se jettent dans le Pont-Euxin, ayant une fois comblé le bassin où elles étoient reçues, se sont ouvert un passage à travers le Bosphore ; que, parvenues à l’extremité de ce canal, elles ont rencontré une vaste plaine, où elles se sont répandues jusqu’au pied des montagnes dont elle étoit environnée; que, restreintes encore une fois par ces obstacles, elles ont brisé les barrières de l’Hellespont qui se trouvoient dans la direction de leur pente, et qui leur opposoient sans doute moins de résistance que les montagnes de la Thrace ou celles de la Phrygie. 

(1) Strabon Geograph, lib. I, 

La plus grande longueur de la Propontide est d’environ 50 lieues, depuis le fond du golfe de Nicomédie, jusqu’à Gallipoli. Sa largeur est de 25 à 30 lieues. Ses rives septentrionales et méridionales courent de l’est à l’ouest ; du côté de l’orient, elle forme deux golfes d’une profondeur inégale et séparés par une péninsule. A l’ouest, elle est terminée par le mont Ganos, et elle suit la direction de cette chaîne de montagnes, du nord-est au sud-ouest, jusqu’à Gallipoli.

[3]

Les principales îles de la Propontide sont celles des Princes, qui se trouvent à l’embouchure du Bosphore ; l’île de Marmara ou l’ancienne Proconèse, et l’île de Kalolimné, à l’entrée du golfe de Moudania [Mudanya]. Ces îles, comme celles de la Méditerranée, sont les sommets des montagnes que l’inondation n’a point atteints. 

[4] 

CHAPITRE II. 
Voyage de l’embouchure du Bosphore de Thrace à celle de l’Hellespont. 

J’ai parcouru dans différentes directions et à différentes reprises les rivages de la Propontide et les canaux par lesquels elle communique avec les deux mers voisines ; mais je me permettrai d’intervertir ici l’ordre de mes observations, afin de leur donner plus de méthode et plus de clarté. Qu’importe en effet la route que le voyageur a suivie, pourvu que les objets qu’il décrit soient exposés avec fidélité ? 

A trois lieues de l’embouchure du Bosphore, j’ai trouvé sur la rive septentrionale de la Propontide, un lac d’environ une lieue de diamètre, que les turcs appellent Kutchuk-Tchekmedge (le petit pont). La plupart des cartes géographiques donnent une idée très-imparfaite de ce lac et de celui de Boiouk Tchekmedge [Büyükçekmece], le grand pont, qu’on trouve trois lieues plus loin, et qui est d’un diamètre double. Ces deux lacs ont été indubitablement des golfes de la Propontide ; et les terres marécageuses qui séparent maintenant leur embouchure de la mer, y ont été successivement accumulées par les fleuves qui s’y précipitent. Ainsi il est démontré par cette observation que j’ai répétée à Cizique et au lac de Nicée [Iznik], que les eaux de la Propontide se retirent peu à peu, et que le fond de cette mer sera un jour comblé comme celui du Pont-Euxin (1) et celui de la Baltique. 

On traverse l’embouchure de Boiouk Tchekmedge, sur trois ponts magnifiques, que le géographe Mélétias dit avoir été bâtis par Soliman (2). 

(1) Strabon, liv. I. 

(2) Meletiou Geographia, pag. 422, 

En passant dans la ville de Selivri [Silivri], j’ai eu occasion d’assister à un spectacle que j’avois inutilement essayé de me procurer pendant les quinze mois que j’ai passés à Constantinople. 

Un Derviche hurleur a été introduit dans une société de turcs et de grecs où je me trouvois. Sa figure étoit hideuse de maigreur et de mélancolie. II s’est d’abord dépouillé de ses vêtemens, et a déposé par terre son kalpac, après l’avoir porté à son front ; s’armant ensuite d’un fouet composé de petites chaînes de fer qu’il portoit à sa ceinture, il l’a jeté plusieurs fois en l’air, et l’a reçu avec adresse dans sa main, imitant assez la manière de nos charlatans. 

Au moment où chacun s’attendoit à le voir se flageller, il s’est mis en équilibre, le ventre nud sur le tranchant d’un sabre que deux autres derviches tenoient par les extrémités, et il est resté dans cette effrayante position au moins une minute ; il s’est ensuite appliqué un fer rouge sur la langue, s’est percé les bras, les paupières et les joues avec des pointes de fer : le sang couloit de toutes parts, sa barbe et ses vêtemens en étoient souillés. Provoqué par les applaudissemens des spectateurs, et s’encourageant lui-même à des épreuves de plus en plus cruelles, il ne s’est arrêté que lorsque l’assemblée satisfaite ou plutôt rebutée de ses excès, l’a supplié d’y mettre un terme. 

A quelque distance de Selivri, dans l’intérieur des terres, j’ai retrouvé d’espace en espace des débris de cette longue muraille, Macron-Teichos, que les habitans de Constantinople avoient élevée pour défendre leur ville contre l’irruption des barbares, et qui s’étendoit depuis Selymbrie sur la Propontide, jusqu’à Philea sur le Pont-Euxin, c’est-à-dire, qui avoit environ 420 stades de longueur (1). 

(1) Meletiou Geographia, pag. 422. 

La ville d’Héraclée [Marmara Ereğli], que les turcs appellent aujourd’hui par corruption Reklia, est située comme Selivri sur les bords de la Propontide. Cette ville, autrefois la plus considérable de la Thrace, fut fondée l’an 153 de Rome. On y admire encore les restes d’un amphithéâtre et de ces beaux palais que Vespasien y avoit bâtis (1). 

En visitant le port de Rodosto [Tekirdağ], j’ai été témoin d’une scène qui peut donner une idée juste du despotisme d’une nation conquérante et du malheur d’une nation conquise. 

Deux petits bateaux faisoient voile pour s’approcher du rivage ; ils marchoient fort près l’un de l’autre, et sembloient jouter de vitesse ensemble. L’un étoit conduit par des turcs, et l’autre par des grecs. Le beaupré du premier s’est engagé dans les cordages du second. Un matelot grec s’est empressé de le dégager. Le patron turc furieux s’est levé du fond de son bateau, a saisi un aviron, et ne l’a déposé qu’après avoir assommé le grec, qui s’est laissé tuer sans opposer aucune résistance. 

(1) Meletiou Geographia, p. 422, 

J’ai fait par mer et par terre le voyage de Rodosto jusqu’à l’embouchure de l’Hellespont. En suivant la côte par mer, j’ai parcouru avec intérêt les petites villes de Ganos, de Miriophito, de Peristasis et de Palio Patino. Le voyage par terre est dangereux, et n’offre aucun objet digne d’observation, si ce n’est l’Hexamilia, dont je parlerai dans le chapitre suivant. 

[10]

CHAPITRE III. 
Voyage du cap Sigée à l’isthme d’Hexamilia . 

Dans l’ouvrage que j’ai publié sur la Troade, j’ai déjà fait la description de l’Hellespont ; mais je ne craindrai point de la répéter ici, parce qu’elle est une sorte de complément nécessaire au sujet que je traite, et qu’elle appartient au moins autant au tableau général de Constantinople, qu’à celui de la plaine de Troye. 

Je m’embarquai au pied du cap Sigée, sur un léger caïque conduit par sept rameurs, dont le chef étoit un vieillard d’une figure vénérable, qui depuis son enfance naviguoit dans l’Hellespont. 

Une foule d’objets intéressans se présente à-la-fois à mes yeux : le canal, semblable à un beau fleuve, est dans ce moment couvert de vaisseaux ; ses eaux coulent majestueusement entre deux chaînes de hautes collines, qui, sans être par-tout cultivées, offrent par-tout les signes de la fertilité. De nombreux troupeaux paissent sur le penchant des deux rives, et les matelots du vaisseau qui s’enfuit, répondent aux chants des bergers. Ces images riantes font bientôt place aux souvenirs douloureux qui leur succèdent. Thucydide, Hérodote et Xénophon me rappellent les batailles sanglantes et les grandes actions dont l’Hellespont fut autrefois le théâtre ; ici les athéniens battirent les lacédémoniens ; là, ils furent battus par eux et perdirent leur liberté ; plus loin, passèrent les armées de Xerxès et d’Alexandre ; je vois l’Hellespont teint à-la-fois du sang des perses, des grecs, des vénitiens et des musulmans ; enfin le malheureux Léandre me demande quelques larmes. 

Pendant que j’étois occupé de ces tristes souvenirs, le chef des rameurs laisse échaper par hasard le nom d’Eles-Bouroun. Je le questionne avec empressement sur le nom qu’il venoit de prononcer, et il m’apprend que l’un des deux promontoires qui terminent la Chersonèse de Thrace étoit appelé par les turcs Eles-Bouroun ; (cap d’Eles). J’allai aussitôt reconnoître ce cap, et chercher les ruines de la ville d’Eleus, qui ne devoit pas en être éloignée. 

Le petit village et les différens forts qu’on voit à la pointe de la Chersonèse ont peut-être été construits des débris de cette ville. Le tombeau de Protésilas, qui en étoit voisin et qui subsiste encore, est le seul de ses monumens qui puisse indiquer le lieu qu’elle occupoit. 

Après avoir examiné le fort de Setil-bar-Kalessi [Sedulbar], bâti par le baron de Tott, et situé à peu de distance du tombeau de Protésilas, je m’embarquai une seconde fois ; et laissant à droite, sur la côte d’Asie, les tombeaux d’Achille et de Patrocle (1), le château du Sable (2), l’embouchure du Simoïs (3), le tombeau d’Ajax (4), le bois d’Hector ou l’Ophrinium (5), et à gauche sur celle d’Europe, deux agréables vallons plantés d’arbres et arrosés de plusieurs ruisseaux, j’arrivai à la pointe des Barbiers (6), où étoit autrefois située la ville de Dardanus, célèbre par le traité de paix qui y fut signé entre Sylla et Mythridate Eupator (7). 

(1) Dhio Tepe. 

(2) Koum Kalé. 

(3) Menderé soù. 

(4) In Tepè gheulu. 

(5) Tchakalli déré. 

(6) Kepos Bouroun. 

(7) Strab. Cas. liv. 13, p. 889. 

J’abordai ensuite au château des Dardanelles d’Asie, que les turcs appellent Soultanié Kalessi. La petite ville qui avoisine ce château, est presqu’entièrement peuplée de juifs qui, aux avantages d’un grand commerce, réunissent encore ceux d’une commission très-lucrative, en se rendant nécessaires aux vaisseaux de toutes les nations qui sont forcés d’y relâcher pour y être visités et montrer leurs fermans. 

Derrière la ville s’étend une large plaine au milieu de laquelle on trouve un Teké ou couvent de derviches, entouré de vignes et de jardins délicieux. Ces solitaires donnent au pays qui les avoisine, l’exemple de l’hospitalité la plus affectueuse ; ils offrent leurs plus beaux fruits et leurs cellules au voyageur fatigué, et de la meilleure foi du monde lui font admirer un cercueil de quarante pieds, qui contient les reliques du géant qui les a fondés. 

Le torrent qui traverse cette plaine et qui baigne les murs de Soultanié-Kalessi [Kale-i Sultaniye ou Çimenlik Kalesi, Çanakkale], est le Rhodius qui, suivant Strabon, couloit entre Dardanus et Abydos. C’est, après le Simoïs, le pins considérable des torrens qui se jettent dans l’Hellespont ; en observant l’irrégularité de son lit, les monceaux de cailloux qu’il charrie, et les brèches qu’il fait à chaque instant à la digue élevée près du château pour en retarder la destruction, on n’est pas surpris que Neptune ait réuni ses eaux avec celles du Simoïs et des autres fleuves qui descendent de l’Ida, pour renverser le retranchement des grecs. 

Strabon dit que le Cynoséma ou le tombeau d’Hécube étoit en face de l’embouchure du Rhodius, sur la rive opposée de l’Hellespont; il occupoit sans doute le lieu où se trouve aujourd’hui le château d’Europe, que les turcs appellent Kelidir-Bahar (le cadenat de la mer) comme Euripide appeloit autrefois le Bosphore la clef du pont.

Au-dessus de Soultanié-Kalessi, est un promontoire qui se détache de la côte d’Asie, s’avance dans le canal, et semble en fermer l’entrée du côté de la mer de Marmara. Les turcs l’appellent Nagara-Bouroun. On voit encore sur ses rivages quelques ruines qui doivent être celles de l’ancienne Abydos, puisque la distance qui se trouve entre la pointe des Barbiers et celle de Nagara est précisément la même assignée par Strabon entre Dardanus et Abydos. 

La côte d’Europe au-delà de Kelidil-Bahar, forme trois anses contigues. 

Au fond de la première, se trouve le village de Mayto, peuplé de grecs et bâti sur les ruines de l’ancienne Madytos [Eceabat] ; c’est- là que les athéniens remportèrent sur les lacédémoniens une victoire signalée, à la suite de laquelle ils érigèrent un trophée sur le tombeau d’Hécube. 

La seconde, que les anciens appeloient Koilos, à cause de sa profondeur, porte encore aujourd’hui le nom très-peu défiguré de Koilia, que les habitans prononcent Kilia. 

La troisième enfin, que les turcs appellent Ak-Bachi-Liman (port de la Tête blanche), est l’ancien port de Sestos. Les constructions qu’on aperçoit sur la montagne qui domine cette anse, sont les ruines du fort de Zéménic, la première place dont les turcs s’emparèrent en passant d’Asie en Europe, sous le commandement du Sultan Orcan, en 1356. Les turcs qui habitent les rivages de l’Hellespont, montrent encore avec une sorte d’orgueil, certains rochers qui se trouvent une lieue au-delà d’Ak-Bachi-Liman [Akbaş Limanı]et qu’ils appellent gaziler iskelessi (le port des vainqueurs), parce qu’ils prétendent que c’est-là où leurs braves aïeux abordèrent avant d’attaquer le fort de Zéménic. 

Xerxès, dit Strabon, jeta un pont entre Sestos et Abydos, pour faire passer son armée. L’une des extrémités de ce pont aboutissoit au-dessus d’Abydos vers la Propontide, et l’autre au-dessous de Sestos vers la mer Egée. 

La courageuse entreprise de Léandre qui a donné lieu au charmant poëme de Musée, et fourni depuis plusieurs siècles un aliment à la verve des auteurs d’Héroïdes, n’a rien de prodigieux pour les habitans des Dardanelles. Ils ont vu, dans ces derniers tems, un jeune juif traverser au même endroit le canal, pour obtenir la main d’une fille de sa nation, qui la lui avoit offerte à ce prix. 

Après avoir fixé la situation de Sestos et d’Abydos, je m’empressai de profiter d’un vent favorable pour achever mes courses dans la partie la plus large du canal. Les piadets élégans dont les turcs se servent pour y naviguer, ne sont guère propres à résister aux vagues de la mer de Marmara, dont l’impétuosité augmente par les vents du nord, et qui semblent s’irriter contre la barrière que leur oppose l’étroite entrée de l’Hellespont. 

Je laisse à droite sur la côte d’Asie, les fleuves Percote et Practuis, que les turcs connoissent aujourd’hui sous le nom de Bourghas-sou, de Moussa-keu-sou ; à gauche sur celle d’Europe, la fameuse rivière d’Aegos, Kara ova sou, où se donna cette bataille décisive qui mit fin à la guerre du Péloponèse. 

Dans Lamsaki, je reconnois l’ancienne Lampsaque [Lapseki], et j’admire ses fertiles coteaux, qui sont encore aujourd’hui couverts de vignes, comme ils l’étoient lorsque Xerxès en fit présent à Thémistocle. 

Gallipoli me rappelle Callipolis [Gelibolu]. La situation de cette place est si avantageuse, que tous les princes qui ont voulu s’emparer de la Thrace ont commencé par s’en rendre maîtres. Justinien y avoit fait construire d’immenses magasins de vivres et de munitions, pour l’entretien des troupes qui gardoient l’entrée de la Propontide. C’est encore là que les flottes turques destinées pour l’Archipel, vont faire leurs provisions de biscuit et de poudre à canon. 

Il ne me reste plus qu’un pas à faire pour avoir parcouru tout l’Hellespont. Je jette un coup-d’œil sur l’embouchure du fleuve Pœsus, que les turcs appellent Beiram-déré y et qui arrosoit les murailles de cette ville, dont les habitans, conduits par Adraste et Amphius, allèrent au secours des troyens. J’arrive enfin sur cet isthme qui réunit la Chersonèse de Thrace avec le continent. On y comptoit autrefois trois villes remarquables : Cardia, située sur le golfe Mêlas, dont il ne reste plus de vestiges ; Pactié, sur la Propontide, que les grecs modernes appellent Palio-Patino, et Lyzimachia, bâtie entre les deux autres par Lysimaque, un des successeurs d’Alexandre. J’ai retrouvé l’emplacement de cette dernière au petit hameau appelé Kavac, d’où l’on aperçoit distinctement les deux mers. 

[22]

CHAPITRE IV. 
Description de la presqu’île de Cyzique. 

Certains historiens prétendent qu’Alexandre allant à la conquête de l’Asie, fit passer son armée de Sestos à Abydos : d’autres assurent que cette armée traversa l’Hellespont sur deux colonnes ; qu’il chargea Parménion d’en diriger une sur Abydos, et qu’il passa lui-même avec l’autre de Pactié (Palio Patino) à Priapus (Cara-boa). Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en prenant cette dernière route, il arrivoit facilement dans ces plaines fameuses où il défit les perses pour la première fois, et qu’en passant à Abydos pour parvenir au Granique, il avoit à traverser des montagnes impraticables et des défilés très-dangereux. Entre Palio Patino et Cara-boa, la largeur du détroit est d’environ quatre lieues ; depuis Cara-boa jusqu’à la presqu’île de Cyzique, le rivage de la Propontide est une grève platte et marécageuse ; trois fleuves y ont leur embouchure, le Granique, l’Oesepus et le Tarsius. Le Granique qu’on rencontre le premier, est appelé par les turcs Outsvola-sou ; son embouchure est obstruée par un marais qui l’empêche d’arriver jusqu’à la mer. L’Oesepus qu’on trouve ensuite est plus considérable que le Granique ; il se rend à la mer par deux embouchures ; les turcs lui donnent le nom d’un beau vallon qu’il traverse, et qu’ils appellent Satalli-déré. Le Tarsius, qui est le plus petit des trois, est celui dont l’embouchure est la plus voisine de la péninsule. Je n’ai point pu découvrir le nom que les turcs lui donnent. En face de l’embouchure de ces trois fleuves, on aperçoit neuf petites îles rangées en cercle, dont Pline fait mention, et dont les principales sont Ophiussa et Halone, aujourd’hui Afessia et Arabler. 

Plus loin dans la même direction, se trouve l’île de Marmara, que les anciens appeloient Proconèse, et que les turcs appellent Mermer-Adassi [Mermer adası] (l’île de Marbre). Cette île, qui a environ vingt lieues de tour, est très-montueuse et très-aride : on y comptoit autrefois quelques villes remarquables, on n’y aperçoit plus que quelques malheureux villages grecs et quelques monastères de Caloyers ; la presqu’île de Cyzique au contraire, est d’une fertilité prodigieuse ; elle nourrit dix mille habitans, et elle pourroit en nourrir cent mille. 

Entourée d’une mer très-poissonneuse, elle produit les plus excellens fruits ; ses bois sont peuplés de gibier, ses campagnes sont couvertes de vignes, d’oliviers et de mûriers ; faut-il après cela s’étonner de la prospérité de ses anciens habitans ? 

La petite ville d’Artaki, bâtie sur les ruines d’Artace, est la plus habitée de la presqu’île ; c’est un mouillage commode, où les vaisseaux viennent chercher un abri quand ils sont forcés de relâcher par l’impétuosité des vents du nord. 

Les ruines de l’ancienne Cyzique sont situées environ une lieue à l’est d’Artaki ; elles s’étendent depuis les bords du golfe jusqu’au pied d’une colline que les habitans appellent Ourso, et qui est une branche du mont Dyndyme, où les Argonautes élevèrent un temple en l’honneur de Cybèle. 

Cette ville étoit au rang des premières de l’Asie ; elle étoit gouvernée par les mêmes lois que Rhodes, Marseille et Carthage : lois sages sans doute, puisqu’ils la rendirent aussi puissante en paix qu’en guerre. 

Paci et bello apta. 

Strabon dit expressément que Cyzique étoit une île de la Propontide, réunie par deux ponts au continent de l’Asie; ces deux ponts n’existent plus ; Cyzique communique maintenant avec le continent par une langue de terre large d’une demi-lieue, et sur laquelle on a bâti deux villages appelés Tulli et Edingik. Voilà donc une nouvelle preuve de la diminution des eaux de la Propontide. 

Les murailles de cette ancienne ville subsistent encore en plusieurs endroits dans leur entier : elles sont construites en marbre et en granit, matériaux précieux dont la presqu’île abonde, et qui étoient autrefois recherchés jusques dans Rome. 

Plusieurs écrivains de l’antiquité ont célébré la magnificence de ses monumens et l’habileté de ses sculpteurs (1). 

(1) Pline, l. 36, chap. 15. 

Strabon vante particulièrement la beauté de ses arsenaux et de ses magasins d’armes et de vivres ; Pline parle d’un écho très-renommé qui s’y trouvoit, dans les environs de la porte de Thrace, et qui répétoit le même son jusqu’à sept fois (eptaphonon) (1). Mais de tous les monumens qu’on y admiroit autrefois, l’amphithéâtre est le seul qui soit assez conservé pour qu’on puisse en reconnoître l’usage. Il est situé sur la colline Ourso, entre les villages de Camumly et Coucoulo. 

(1) Pline, I. 36, c. 15. 

[28] 

CHAPITRE V. 
Description de Brousse. 

Entre la presqu’île de Cyzique et l’embouchure du Rhyndaque, le seul village un peu remarquable qu’on rencontre, est celui de Panerma, peuplé d’environ quatre mille habitans et bâti sur les ruines de l’ancienne ville de Panormus. Il est entouré de plantations de mûriers et de charmants vignobles : mais le pays qui succède à ce riant païsage est entièrement stérile. 

Le plus considérable de tous les fleuves qui se jetent dans la Propontide, est le Rhyndaque : c’est sans doute à cause de sa grandeur que Tournefort l’a confondu avec le Granique. 

Je quitte un instant ici le rivage de la Propontide pour décrire une ville que la trahison de Prusias, l’affreux supplice de Bajazet et tant d’autres grands évènemens ont rendu célèbre ; je remonte le Rhyndaque en bateau jusqu’au village d’Iskelé ; je me rends ensuite par terre au lac d’Abouillonte, Appolloniatis lacus ; d’où après environ cinq heures de marche, j’arrive aux portes de l’ancienne capitale de la Bythynie. 

La ville de Brousse [Bursa] est située sur une éminence, au pied du mont Olympe [Uludağ] ; elle domine une plaine fertile, couverte de mûriers, arrosée de mille ruisseaux, et dans laquelle se trouvent deux sources thermales très-abondantes, dont la chaleur est au degré de l’eau bouillante : elle contient environ cinquante mille habitans, tant turcs que grecs, juifs et arméniens. On y compte cent quarante mosquées : les deux plus magnifiques sont celles de Bajazet, surnommé le Tonnerre, Ildirim Dgiami, et celle de Murât I.er, Mouradia Dgiami. Celle d’Orcan le victorieux, est un ancien monastère grec, à l’entrée duquel on montre un énorme tambour ; les crédules musulmans sont persuadés que cet empereur revient tous les vendredis dans sa mosquée, pour y battre le tambour et réciter son chapelet. 

Les écrivains chrétiens prétendent que la fameuse bataille de Tamerlan contre Bajazet, se donna sur les rives de l’Euphrate ; les turcs, au contraire, s’accordent à dire que Tamerlan, immédiatement après l’avoir gagnée, entra dans Pruse, métropole de Bythynie. Je crois avoir résolu ce problème historique. Pendant le séjour que j’ai fait à Brousse, j’ai découvert une fontaine que les turcs appellent fontaine des Persans, Adgianiler-Tchesmé, et autour de laquelle ils trouvent sans cesse des armes rouillées et des ossemens d’hommes et de chevaux. On sait qu’il périt quatre cent mille hommes dans cette bataille, et que Tamerlan, vainqueur de Bajazet, le condamna à passer le reste de sa vie dans une cage de fer. 

Avant de lever la carte de Brousse et de ses environs, je crus devoir monter sur l’Olympe afin de prendre une idée nette du pays et des objets dont cette ville est entourée. Deux officiers français, d’un mérite distingué, s’y trouvoient alors, l’ingénieur Lafitte et le major Saint-Remy, aujourd’hui général de l’artillerie française. Nous partîmes ensemble le 3 juin 1786, accompagnés d’un janissaire et d’un guide. 

Après avoir monté pendant quatre heures à travers une forêt de châteigners et de noyers d’une grosseur prodigieuse, nous arrivâmes sur une platte-forme couverte de verdure, où des turcomans nomades avoient fixé leurs tentes et faisoient paître leurs troupeaux. 

Deux heures après nous nous trouvâmes près d’un petit lac sur les limites de la végétation et du désert ; et y laissant nos chevaux, nous marchâmes encore une heure à pied pour atteindre le sommet de l’Olympe. 

Elevés au-dessus des montagnes de Phrygie, nous apercevions au loin Constantinople et les îles des Princes, à nos pieds le lac d’Abouillonte, et le fleuve Ufer, qui après avoir parcouru la plaine de Brousse, se dirige vers la mer, à travers des campagnes fertiles et bien cultivées ; le contour de la Propontide et celui de la presqu’île de Cyzique se dessinoient en entier sous nos yeux ; mais le lac de Nicée encaissé dans de hautes montagnes, ne nous découvroit qu’une petite partie de sa surface. De tems à autre des nuages interposés nous déroboient la vue de la terre ; il n’y avoit plus de commerce entre les mortels et nous 

N’est-ce pas la sensation délicieuse que l’on éprouve sur ces lieux élevés, qui a inspiré aux poètes anciens l’idée d’en faire le séjour des dieux ? 

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CHAPITRE VI. 
Voyage de Brousse à l’embouchure du Bosphore, par Nicée et Nicomédie. 

Je reviens de l’Olympe, à l’embouchure du Rhyndaque, en face de laquelle se trouve la petite île de Kalo-Limno, l’ancienne Besbicus (1), que Pline croit avoir été autrefois réunie au continent, de même que la Sicile, l’île de Chypre et l’Eubée (2). Je passe ensuite au village de Moudania [Mudanya], qui pourroit bien être l’ancienne Apamée, pour arriver à Ghio ou Ghemlek. 

Cette petite ville est située au fond du golfe de Moudania, qui, comme l’observe très-bien Strabon, s’enfonce beaucoup dans les terres du côté de l’orient (1). Elle a pris la place de l’ancienne Cius, qui fut détruite par Philippe, père de Persée. Du côté du nord, elle est dominée par la chaîne du mont Arganthan, où le compagnon d’Hercule fut enlevé par les nymphes. Au tems de Strabon, on célébroit encore à Cius une fête dans laquelle des bacchantes parcouroient les montagnes voisines, en appelant Hylas à grands cris. Les romains accordèrent la liberté à ses habitans, en récompense de la conduite amicale qu’ils avoient tenue à leur égard (2). Elle fait aujourd’hui un commerce considérable en bled, en vins, en fruits et en soie avec la capitale. 

Le lac de Nicée, que nous apercevions du haut de l’Olympe, et qui n’est pas fort éloigné de la ville de Ghio, est l’ancien lac Ascanius. Il peut avoir quinze ou dix-huit milles de longueur sur quatre ou cinq de largeur. 

(1) Strab. Geogr. l. 12. 

(2) Strab. Geogr, l. 12. 

La ville de Nicée [Iznik] est située à son extrémité orientale. Elle fut, dit-on, fondée par Antigone, et fut long-tems regardée comme la capitale de la Bythynie ; mais Auguste transféra ce titre à la ville de Nicomédie [Izmit], et occasionna une haine irréconciliable entre ces deux villes. 

Pendant que Pline fut gouverneur de Bythynie, il sacrifia des sommes immenses pour la construction du théâtre de Nicée ; il eut même le projet d’ouvrir un canal de communication entre le lac Ascanius et le golfe de Nicomédie. 

Catulle voyageant dans l’Asie mineure, se fixa quelque tems à Nicée, qui étoit célèbre alors pour les écoles de philosophie. 

Après que Constantin eut embrassé le christianisme, elle devint le siège d’un archevêque, et l’on y tint un concile fameux, où l’on eut l’imprudence d’exposer aux discussions du peuple, les mystères de la religion. 

Le successeur de Jovien fut proclamé à Nicée. On ne songe pas, sans frémir, à ces époques malheureuses où les empereurs étoient élus par les soldats, où le sceptre étoit sans cesse disputé par des factions, et où le sort d’un grand empire dépendoit du caprice des armées. 

Cette capitale, successivement saccagée par les goths et les turcs, par Bajazet et Tamerlan, étoit regardée dans le treizième siècle comme la rivale de Constantinople. Ce n’est plus aujourd’hui qu’un misérable village, extrêmement mal-sain et parsemé de ruines. Presque tous les édifices sont bâtis de débris d’antiquités. On voit çà et là des autels, des statues, des colonnes et des inscriptions enchâssées pêle-mêle dans les murailles avec les matériaux les plus vils. 

A une heure et demie de la porte qu’on appelle Istamboul-kapoussi (la porte de Constantinople), on m’a fait voir, au milieu de la campagne, le tombeau de Caïus Filiscus, fils du médecin Asclépiade, que Pline met au nombre des grands hommes qui ont illustré la Bythynie (1). C’est une pyramide triangulaire de marbre, portée sur un soubassement d’ordre composite. Les turcs appellent ce monument Besh-Tash (les cinq pierres), parce qu’il étoit originairement composé de cinq assises, dont la première a été renversée. 

J’ai ensuite traversé le mont Arganthon, couronné de chênes verds et de châteigniers. J’ai trouvé sur cette montagne le village de Taouchandji, dont les habitans sont chargés d’aller au sommet de l’Olympe observer le moment où la lune du Ramazan paroît sur l’horizon, et de courir à Constantinople en porter la nouvelle. 

Ce mont Arganthon sépare le golfe de Nicée, Cianus sinus, de celui de Nicomédie, Astacenus sinus ; la ville de Nicomédie [Izmit] est située au fond de ce dernier. 

(l) Pline, liv. 7. 

Cette ville, fondée par Nicomède, fils et successeur du traître Prusias, fut très-florissante sous les empereurs romains. On y voyoit un superbe théâtre et un cirque ; ses murailles, s’il faut en croire les écrivains du bas Empire, étoient plus solides que celles de Babylone. Elle fut protégée par Auguste ; Trajan la décora de plusieurs monumens publics ; mais Dioclétien sur-tout y répandit une telle magnificence, qu’elle devint en peu de tems la rivale de Rome. On y retrouve encore les ruines d’un palais qu’on croit avec assez de vraisemblance avoir été bâti par cet empereur. 

Les bords du golfe de Nicomédie sont très-escarpés et très-pittoresques, mais l’intérieur du pays est fort mal cultivé. 

Le village de Gebissé, qu’on rencontre sur la route de Nicomédie à Chalcédoine, est l’ancienne Lybissa où reposent les cendres d’Annibal (1). Il est probable qu’elles sont renfermées sous le monticule qu’on aperçoit à quelque distance du village vers le nord ; et j’invite les voyageurs aie faire ouvrir. 

De Gebissé je me suis rendu par mer aux îles des Princes, que Pline appelle Propontides, sans doute parce qu’elles sont situées à l’embouchure du Bosphore, dans la mer de ce nom. Elles sont au nombre de quatre, et forment un admirable point de vue pour le sérail et les habitans de Péra. 

Les deux premières, Proté [Kınalıada] et Antigonia [Burgazada], sont aussi stériles l’une que l’autre ; dans celles de Prinkipo [Büyükada] et de Kalke [Heybeliada], on trouve plusieurs monastères grecs, placés très-avantageusement sur des éminences, et jouissant d’une température délicieuse. 

Celle de Kalke, anciennement Kalkitis, tire son nom d’une mine de cuivre dont le métal étoit très-renommé chez les anciens ; Pierre Gilles en trouva des scories, et peut-être d’habiles naturalistes y retrouveroient-ils cette mine d’or dont parle Aristote. 

(l) Eutrope, l. 4, ch. 11