Catégorie : Sultans
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Ahmet III, fils de Mehmet IV, monta sur le trône des Ottomans, en 1703, après la déposition de Mustafa II, son frère. C'était aux janissaires révoltés qu'il devait son élévation. Quoiqu'il eût fait tomber les têtes des plus coupables, après avoir recueilli le fruit de leurs crimes, il ne régna pas sans inquiétude ; il changea sans cesse de vizirs, et ne s'occupa qu'à grossir ses trésors, persuadé que l'argent est le premier ressort de la puissance. Ces trésors lui servirent néanmoins à de nobles entreprises.
Charles XII, roi de Suède, s'étant réfugié sur le territoire ottoman, après sa défaite à Pultawa, Ahmet l'accueillit en prince magnanime. Le monarque suédois remplissait Constantinople et le sérail de sa renommée et de ses intrigues : il parvint à rallumer la guerre entre les Turcs et la Russie. Mais Ahmet III n'était pas un rival digne de Pierre le Grand, et le vizir Baltacı Mehmet Paşa, qui commandait ses armées, n'avait aucune idée de la guerre.

Traité de Passarowitz
Sur les bords du Pruth, en 1711, il eut plusieurs jours entre ses mains les destinées du czar et celles de la Russie. Pierre le Grand, réduit à la dernière extrémité, gagna le grand vizir à force de présents, obtint la paix, et la liberté de se retirer avec son armée ; mais il rendit la ville d'Azof à Ahmet. La Morée fut reconquise sur les Vénitiens dans une seule campagne.
Moins heureux contre les impériaux, commandés par le prince Eugène de Savoie, le plus habile des généraux qu'ait jamais employés la maison d'Autriche, Ahmet fut forcé, par la perte de la bataille de Peterwaradin, la prise de Belgrade et celle de Témeswar, de souscrire au traité de Passarowitz. En 1718, le sultan perdit Témeswar, Orsova, Belgrade, la Serbie, et une partie de la Valachie ; mais les Vénitiens restèrent dépouillés de la Morée.

Chute d'Ahmet III
Des succès contre la Perse promettaient de balancer ces revers, lorsqu'on 1730 une révolte précipita Ahmet du trône sur lequel une révolte l'avait élevé. Le fameux Patrona, calife, fut le chef de cette révolution. Forcé de descendre du trône, Ahmet alla lui-même chercher son neveu, Mahmut Ier, le conduisit à l'Hazada, et le saluant comme empereur : « Profitez de mon exemple, lui dit-il ; si j'avais toujours suivi mon ancienne politique, de ne pas laisser longtemps mes vizirs en place, peut-être aurais-je terminé mon règne aussi glorieusement que je l'ai commencé. Adieu, je souhaite que le vôtre soit plus heureux ; je vous recommande mes fils et ma propre personne. » A ces mots, Ahmet III, vainqueur des Russes et des Vénitiens, alla s'enfermer dans la même prison d'où il venait de tirer son neveu, et où il finit ses jours dans l'obscurité, sans qu'on eût cherché à en avancer le terme.
Ahmet III, le 3e sultan que les Ottomans aient déposé en moins d'un demi-siècle, n'avait pas toujours suivi les maximes politiques de son empire et de sa maison. Il est le premier des monarques ottomans qui ait osé altérer les monnaies, et mettre de nouveaux impôts sur les peuples ; mais, par une fatalité dont les exemples ne sont pas rares dans les annales des Turcs, ses failles n'eurent aucune influence sur la catastrophe qui termina son règne, et, comme plusieurs de ses prédécesseurs, il perdit le sceptre par ses qualités plutôt que par ses défauts.
Ce prince avait de l'esprit, de la finesse, et s'appliquait aux affaires publiques. Cependant ces fêtes brillantes dont Constantinople conserva longtemps le souvenir, ces concerts de serins et de rossignols en cage qu'il se plaisait à écouter, entouré de toute sa cour, prouvent qu'il oubliait souvent les devoirs du trône. L'orage qui se forma contre lui, et que sa seule négligence l'empêcha de voir et de dissiper, prouve qu'il ne pensait pas même à ce que loi prescrivait sa sûreté. Il aima avec passion les plaisirs et l'argent ; il n'en fut pas moins ami des sciences ; et, sous ses auspices, une imprimerie fut établie pour la première fois à Constantinople, en 1727. Des moeurs douces et un caractère humain rendaient Ahmet III digne d'un meilleur sort ; il mourut d'une attaque d'apoplexie, à l'âge de 74 ans, le 23 juin 1736, cinq ans et huit mois après sa déposition. E-D.

extrait de Biographie universelle (Michaud) ancienne et moderne..., 1854. Nous avons modernisé et unifié l'orthographe des noms propres et corrigé les erreurs.