Des Grecs.

Les peuples de la Grèce étaient parvenus au plus haut degré de gloire que puisse atteindre une nation : tout à coup les armes des Romains les précipitent du faîte des grandeurs ; le germe de la corruption se développe dans leur sein, et la translation de l'empire à Byzance achève bientôt ce pernicieux ouvrage.

Tel était le déplorable état de la Grèce, lorsque les Ottomans firent la conquête de cette terre à jamais célèbre. La valeur et l'amour de la liberté étaient sortis de tous les cœurs, et la plus grossière superstition y passait pour la première des vertus.

On a souvent agité cette question : Le mépris que nous inspirent les Grecs d'aujourd'hui est-il fondé sur la justice? Rendus à l'indépendance, pour raient-ils reconquérir l'estime des nations?

Il est incontestable que leur dépravation fut la seule cause de tous les maux qui les accablent depuis quatre siècles. Mais loin de nous la prévention, loin de nous l'opinion de ces partisans outrés de la tyrannie ottomane, qui veulent que le Grec soit né pour l'esclavage ! Quel peuple donna jamais des preuves plus victorieuses du contraire ? Sous un gouvernement à la fois réparateur et sévère, qui laisserait prendre à leur génie naturel, à cet esprit actif qui les caractérise encore, tout l'élan dont il est susceptible, peut-être retrouverait-on un jour, dans les Grecs, une nation estimable. Délivrés du joug de fer qui pèse sur leurs têtes, affranchis du besoin de ramper devant leurs oppresseurs, des sentiments plus généreux effaceraient peut-être de leurs cœurs avilis tous ces vices honteux, enfants de la servitude ; le fanatisme et l'ignorance fuiraient devant le flambeau de la civilisation, et les sciences et les arts viendraient refleurir dans leur berceau.

Le sceptre du conquérant paraît s'être appesanti plus particulièrement sur les Grecs de l'île de Candie; ils ne sont nulle part plus maltraités ni plus avilis. L'humiliation où ils sont plongés est telle, qu'il leur est interdit de passer à cheval sous les portes des villes. Leurs archevêques et évêques faisaient cependant exception à la règle générale ; mais l'évèque de la Canée, vieillard infirme et goutteux, fut dernièrement dépouillé de cette prérogative, qu'on trouvait attentatoire au respect dû par un infidèle aux janissaires et à leurs marmites [Note : On sait que les janissaires ont pour leurs marmites le même respect que nos soldats pour leurs drapeaux].

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L'autorité du nouveau pacha a été insuffisante pour la lui con server. Le métropolitain de Candie est aujourd'hui le seul qui n'ait pas éprouvé ce nouvel affront (1) ; les autres prélats font conduire leurs chevaux hors des portes, et sortent modestement à pied de la ville.

L'archevêque métropolitain est considéré comme le chef immédiat des Grecs de l'île de Candie, et le pacha-sérasker peut le rendre personnellement responsable de tout délit commis dans son département par des individus de cette nation. Les autres évêques lui doivent obéissance, et sont, dans leurs diocèses respectifs, soumis à la même responsabilité vis-à-vis des deux autres pachas.

Les Grecs forment, dans chaque ville, une communauté régie par un conseil composé de plusieurs notables décorés du titre pompeux d'archontes : l'évêque en est le président né. Le premier des archontes est chargé de la caisse de la communauté. Ces fonds sont destinés à l'entretien du culte et de ses ministres, au salaire du maître d'école, au service de l'hôpital, et souvent à satisfaire aux grosses avanies que font, au moindre prétexte, les pachas et leurs subdélégués : avanies occasionnées, la plupart du temps, par leurs intrigues et leurs tracasseries perpétuelles ; entretenues par d'avides tyrans ha biles à les faire tourner à leur profit. L'arrivée d'un nouveau pacha devient un surcroît de dépense pour la communauté. Obligée de le meubler à neuf, de l'habiller et de le nourrir avec toute sa suite pendant les huit premiers jours, elle lui doit encore, à titre d'hommage, un présent considérable en argent : trop heureuse si son altesse daigne l'agréer avec bonté, si elle veut bien s'en contenter, et ne pas demander quelque forte somme en sus, à titre d'emprunt! On s'exposerait beaucoup si on lui refusait ce léger service, ou même si on le lui rendait de mauvaise grâce.

La nation a son drogman, ou grammaticos, qui est son intermédiaire dans toutes ses affaires, bonnes ou mauvaises, avec le pacha. Ce grammaticos est un personnage qui porte un kalpak blanc et des papoutches jaunes : c'est le plus distingué des archontes, un illustrissime, bien orgueilleux avec ses compatriotes, bien vil avec le dernier des musulmans, et qui finit très souvent par être la victime de sa sotte ambition et de sa ridicule vanité.

Le hasard me fit rencontrer plus d'une fois le grammaticos de la Canée dans les premières maisons grecques de cette ville. Aux égards qu'on avait pour lui, à l'air de grandeur et d'importance dont il recevait tous les hommages, on l'eût pris d'abord pour un satrape, ou du moins pour le plus puis sant des protecteurs. Ce même personnage, devant un Turc, devenait pour tant le plus rampant des hommes ; on ne trouvait plus en lui qu'un gram maticos.

Dans toutes les provinces ottomanes, l'humiliation des Grecs ne diffère que du plus au moins ; les causes en sont partout les mêmes.

1. Les Consuls et les Francs ne sont point assujettis à cette honteuse formalité. Comme les musulmans, ils passent à cheval sous les portes de la ville et devant les marmites des janissaires.

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Ce sont elles qui amenèrent la chute de leur empire, et qui le maintiendront sans doute longtemps encore dans l'esclavage : je veux parler de cet esprit d'intrigue et de jalousie qui ne cesse de les travailler, et dont l'île de Candie n'est que le moindre théâtre.

Constantinople peut être considérée comme le centre et le foyer de la vanité grecque. Qu'on porte un moment ses regards sur cette caste du Fanal ', restes dégénérés, pour ne pas dire douteux, des plus illustres familles de l'empire. Nulle part on ne verra un plus monstrueux assemblage d'arrogance, d'avilissement et de bassesse.

Sous ce rapport, Candie offre en raccourci le même tableau que la capitale. Il n'est pas une famille qui ne veuille descendre d'une noble race vénitienne: on y conspire à qui mieux mieux pour nuire à un autre plus riche ou plus considéré que soi; on y machine mille complots pour parvenir à ce qui constitue le comble des honneurs, et quels honneurs ! celui d'être grammaticos, ou de siéger dans la communauté.

L'esprit turbulent et inquiet qui caractérise si éminemment les descendants des Crétois se fait surtout remarquer dans une classe destinée à servir d'exemple à toutes les autres. Cette maladie morale semble avoir attaqué plus particulièrement le clergé: le vicaire prosterné aux pieds de son évêque, le moine qui baise la main de son supérieur, trament au même instant d'horribles trahisons contre leurs chefs. Demain peut-être ils s'élèveront sur les ruines de ceux qu'ils encensent aujourd'hui; mais d'autres, plus fourbes ou plus adroits, les auront bientôt renversés eux-mêmes.

Trop ennemis les uns des autres pour conserver le peu de liberté qui leur reste par l'union et la franchise, trop faibles pour agir par eux-mêmes dans leurs perfides manéges, les Grecs sont obligés de se faire, parmi les Turcs, des patrons dont la protection ne s'achète qu'au poids de l'or. La perte de leur fortune est souvent le fruit de ce honteux moyen, et ceux-ci les abandonnent alors à la vengeance et à toute la fureur de leurs adversaires. Enfin, ce qu'on aura peine à croire, on ne voit pas en Candie un seul raya (2) qui ose exploiter le commerce par lui-même. Le plus petit marchand chrétien, ou juif, a toujours un associé musulman, qui ne place ses fonds dans la société qu'aux plus gros intérêts, et jouit, en raison de son seul patronage, de la moitié de tous les bénéfices, sans entrer dans aucune des pertes. Cependant, sur la côte méridionale de Candie, au delà des Monts-Blancs (3), il existe une nation dont la valeur et l'énergie peuvent être comparées à celles de leurs ancêtres. 

 1. Le Fanal est un quartier de Constantinople habité par certaines familles grecques, qui se prétendent issues des plus illustres maisons du Bas-Empire. C'est de ce séjour d'intrigues et d'agitations que sortent les drogmans de la Porte , qui deviennent ensuite princes de Valachie et de Moldavie.
2. On appelle rayas tous les sujets non musulmans du Grand Seigneur. Eux seuls, comme nous l'avons dit plus haut, payent le kharatch ou capitation.
3. Les Monts-Blancs, appelés par les anciens Lemi Montes, coupent à l'ouest l'Ile de Crète en deux parties. Ces montagnes, ainsi nommées des neiges qui les couvrent pendant plusieurs mois, séparent le territoire de la Canée de ceux de Candie et de la Sphachie.

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Les Sphachiotes sont les seuls Grecs de la Crète qui, de nos jours, aient su conserver et faire respecter leur indépendance. Retranchés dans des montagnes presque inaccessibles, et couvertes huit mois de l'année de neiges épaisses, ils ne souffrent au milieu d'eux aucun mahométan. Ce peuple guerrier, sans méconnaître ouvertement l'autorité du Grand Seigneur, se gouverne par lui-même et n'obéit qu'à son capoudan (capitaine). L'officier du pacha de la Canée, qui vient tous les ans y percevoir le kharatch, doit, avant tout, déposer ses armes aux frontières du territoire de la Sphachie. Là, il est reçu parles chefs de la nation, qui l'accompagnent jusqu'au principal village, où le capoudan lui remet le tribut. Sa mission remplie, on le reconduit jusqu'aux confins avec les mêmes formalités et les mêmes précautions.

Le Sphachiole est actif, industrieux, et passe pour le meilleur marin de l'île de Candie. En aucun lieu de la Grèce, l'amour de la liberté ne s'est mieux conservé dans toute sa pureté. Ce petit coin de terre, presque inconnu au reste de l'empire, renferme peut-être les seuls hommes fiers encore de porter le nom de Grecs.

De l'Ile de Candie.

La peinture de ses habitudes et de ses goûts achèvera peut-être de donner une idée juste et précise d'un peuple qui a perdu jusqu'au souvenir et jusqu'au nom de ses ancêtres. Sans rappeler toutes les brillantes qualités de ces derniers, nous nous bornerons à tracer légèrement le tableau fidèle des vices et des défauts de leurs descendants : un nouveau contraste s'établira de lui-même entre les temps présents et les temps passés.

Chez les Grecs modernes, un père rougirait de donner à sa fille les plus légères marques de son affection ; il croirait avilir la dignité paternelle : jamais, au retour d'un long voyage, on ne le voit la serrer dans ses bras, ni lui sourire, ou lui adresser une parole agréable. Un père est un maître absolu dont on redoute la présence ; et les enfants ne sont que de timides esclaves, plus dis posés à la crainte et à la méfiance qu'au respect et à la piété filiale. La tendresse maternelle, qui seule pourrait les consoler, semble ici exclusive ment réservée pour les jeunes gens : et ceux-ci, trop vite abandonnés à eux-mêmes, et corrompus de bonne heure par le pernicieux exemple de leurs parents, ne cessent de propager dans leurs familles tous ces vices inhérents à l'éducation générale.

Pour la jeune fille, employée aux plus viles fonctions du ménage, assujettie à préparer la pipe de son père et de ses amis, nonchalamment étendus sur un sofa, on ne lui saura pas même gré d'une complaisance que n'aurait pas ailleurs le dernier des valets.

1. A  l'époque où Constantin transporta le siége de son empire à Byzance, les Grecs prirent le nom de Romains ou Romaioi  ; et dans tout l'Orient ils ne sont plus connus aujourd'hui que sous celle dénomination. Les Turcs ont depuis corrompu ce mot, et en ont fait celui de Roum ou Ouroum. Ils appellent encore Roum-Ili (Romélie), ou pays romain, une partie de l'ancienne Thrace ni tout le territoire de Byzance.

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Dégradés à ce point inconcevable dans leur jeune âge, les enfants se dédommagent bientôt de leur dépendance passée quand ils se marient, ou que les années leur permettent de devenir maîtres de leurs actions. Leurs parents ne doivent plus alors en attendre ni respects ni égards : un ton brus que et hautain remplace la soumission et la contrainte; et l'orgueilleuse supériorité qu'ils s'arrogent sur les auteurs de leurs jours en impose souvent à ceux-ci, lorsque la vieillesse ou le malheur les obligent de réclamer les secours de ces êtres dénaturés.

La musique et le dessin, ces deux arts agréables, devenus par l'usage un des points essentiels de l'éducation des dames européennes, sont encore étrangers à celles de l'île de Candie. Quelques-unes apprennent à lire, à écrire et à broder ; toute la science des autres se borne à savoir tricoter, pétrir et faire la pâtisserie : encore les connaissances des premières ne sont-elles, à vrai dire, que pour la forme : car aussitôt qu'une fille a atteint sa quinzième année, c'est-à-dire lorsqu'on la suppose suffisamment instruite, ja mais on ne reverra dans ses mains un livre, et encore moins une plume. Les Grecs ont cependant de bonnes traductions des meilleurs ouvrages français, italiens et allemands; mais elles ne sont connues que d'un petit nombre d'hommes qui cultivent les belles-lettres. Peu de femmes sont à portée de les entendre, et leur indolence naturelle ne leur permet guère de chercher à s'instruire : cette île est d'ailleurs peu fréquentée des Européens ; et les dames grecques y vivant dans une retraite égale à celle des musulmanes (1), il leur est difficile de se faire une idée de ce qui se passe hors de leur intérieur, et par conséquent de trouver quelque intérêt à des lectures qui demanderaient une éducation préliminaire, et des connaissances qu'il n'est pas en leur pouvoir d'acquérir.

Le défaut d'imprimerie et la rareté des livres se joignent à tous ces inconvénients pour arrêter en Candie le progrès des lumières et de l'instruction. Des papas, aussi ignorants que superstitieux, sont les seuls précepteurs de la jeunesse; et les livres classiques se réduisent à l'Ancien et au Nouveau Testament. Peu de Grecs sont familiarisés avec la langue d'Homère : la plu part sont hors d'état de comprendre ce qu'ils lisent, ou de rendre compte de ce qu'ils ont lu. J'ai vu, entre les mains d'un logiotatos, une traduction de notre Télémaque, dont il récitait à tout venant plusieurs passages du ton le plus pédantesque et le plus emphatique. Malgré sa réputation colossale d'érudition, ce logiotatos n'avait pourtant aucune connaissance ni de la mythologie ni de l'histoire :

1. Je ne parle ici que des femmes grecques de l'ile de Candie; celles de Constantinople et de Smyrne jouissent aujourd'hui d'une liberté presque aussi grande que les dames franques.

il ignorait jusqu'aux noms des dieux et des anciens héros de sa patrie. En aucun pays du Levant, les filles grecques ne sont soumises à une [393] réclusion plus rigoureuse que dans l'île de Candie : jamais on ne les voit, durant le jour, hors de la maison de leurs parents; elles ne font de visites que le soir, accompagnées de leurs mères et de leurs servantes : encore ces visites, fort rares, ne sont-elles d'obligation qu'entre parentes et amies intimes ; alors toute la famille doit marcher, père, mère, enfants et valets. Rien de plus solennel, à la Canée, qu'une visite de cérémonie. Hors cette circonstance et les deux dernières nuits de la semaine sainte, une fille ne peut sortir, même pour aller à l'église. Je n'ai pu savoir la raison d'un pareil usage.

Les fiançailles d'une jeune Crétoise viennent encore ajouter à la gêne et à la contrainte où elle a vécu depuis son enfance : cette époque lui impose de nouvelles chaînes, et lui interdit désormais tout commerce avec la société. Séquestrée du monde entier, elle ne paraît plus devant les hommes, pas même devant les amis de son père : on craindrait d'éveiller la jalousie du futur époux, qui, de son côté, ne la voit plus que rarement, et comme à la dérobée.

Les fiançailles se font avec beaucoup d'appareil et de solennité, et toujours par le ministère d'un papas. Les deux accordés font l'échange de deux bagues semblables à l'anneau nuptial. Quoique cette formalité n'impose pas les mêmes obligations que l'union conjugale, il est cependant très rare de voir deux fiancés renoncer à leurs premiers engagements, le mariage ne dût-il avoir lieu que plus de vingt ans après, comme cela arrive quelque fois.

Les mariages sont ordinairement célébrés après les fêtes de Pâques. Dans les familles de haut parage, la cérémonie ne se fait point à l'église : un prêtre vient unir chez eux les deux époux, et il est d'usage de l'inviter au repas de noces. La fête ne serait point complète si l'on n'était obligé de faire em porter le soir la plupart des convives sur les épaules de leurs valets.

En fait de mariage, l'inclination des jeunes gens est moins consultée chez les Grecs qu'en aucun lieu du monde. Les alliances s'arrangent souvent entre les familles, à la naissance même des enfants. L'intérêt et les convenances en sont les bases principales.

L'amour trouve cependant ici, comme dans nos heureuses contrées, plus d'un moyen de forcer des barrières en apparence impénétrables.

Malgré la sévère vigilance d'une mère ou d'une aïeule, en dépit de la bigotterie, et d'une foule d'espions domestiques toujours prêts à mal interpréter ses moindres démarches, une jeune Candiote sait, pour tromper le regard de ses argus, trouver mille ressources innocentes, inconnues et inutiles dans les pays où le beau sexe jouit de toute sa liberté. Les amants sont convenus entre eux d'un langage hiéroglyphique, à l'aide duquel on parvient, dit-on, le plus facilement du monde, à nouer et à filer une intrigue, sans que l'œil le plus clairvoyant y distingue autre chose que des objets purement matériels. Par exemple, un petit morceau de drap rouge signifie, mon cœur brûle d'amour pour vous; un clou de girofle, ma passion n'a pas d'égale; 

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une pistache, je voudrais avoir la tête sur votre oreiller. Je ne parle pas du langage des fleurs, qui demanderait seul un vocabulaire particulier.

Pendant le carnaval, les filles non fiancées jouissent d'un peu plus de liberté; et cet heureux temps, trop court pour les amants, leur fournit plus d'une occasion de se répéter et de mettre à exécution ce qu'ils n'ont pu jus que-là se faire entendre que par symbole. Le tumulte d'un bal aide merveilleusement à toutes ces petites intrigues.

Au milieu d'un nuage épais de fumée de tabac, aux sons aigres et discors d'une lyre grossière, commence le chôros, espèce de danse qui con serve encore, dans sa monotonie, de la ressemblance avec celle des anciens Grecs.

Les danseurs forment une longue chaîne, dirigée par le plus habile de la compagnie. Tous partent du même pied, en cadence, le dos rentré, le ventre tendu, et la tête penchée sur l'épaule, sans perdre de vue les mouvements du chef de la bande. Celui-ci présente alternativement à sa danseuse les deux bouts d'un mouchoir brodé, et accompagne quelquefois ce geste de contorsions ridicules et de passes à l'allemande. Ces figures sont toujours les mêmes, et ne varient que par le plus ou le moins d'agitation que se donnent les danseurs, soit en avant, soit en arrière, souvent à la même place, et par des pauses qu'annonce la musique. Le jeune galant, ivre de vin et d'amour, serre enfin dans sa main celle de sa jeune maîtresse, dont les langoureux regards semblent provoquer maintes petites libertés, que favorise encore l'effroyable tintamare de cent voix qui chantent toutes sur le même ton. Le carême vient-il? adieu les ris, adieu les amours ! le plaisir fuit pour une année : il faut de nouveau recourir au langage hiéroglyphique.

Le carnaval a d'autres attraits pour ceux qui ne sont ni de tempérament ni d'âge à faire l'amour. C'est alors que le Grec, ennemi de toute modération, s'abandonne à cette gaieté bruyante et à tous les excès qui constituent à ses yeux le véritable bonheur : les tables sont chargées de viandes, le vin coule à grands flots, et l'air retentit de ses chants d'allégresse.

Un mot sur la cuisine des Grecs ne sera peut-être pas déplacé à l'article du carnaval.

L'art de satisfaire la gourmandise humaine est encore loin, chez ce peuple, de la perfection où l'ont porté dans ce siècle les cuisiniers français : on chercherait eu vain sur leurs tables ces mets délicats, fruits des veilles et des méditations de nos gourmets. Qu'il n'aborde jamais ce rivage, celui dont le palais sensuel veut être flatté chaque jour par de nouvelles combinaisons gastronomiques! qu'il sache que les Grecs mangent encore aujourd'hui ce que mangeaient leurs pères, il y a plus de quatre cents ans.

Un pilaw (2), un iakni, ou un kapama, espèce de daube mêlée d'herbes amères, et qui saisit d'abord l'odorat par l'ail dont elle est assaisonnée; un mousaka ou hachis de viande et d'oignons pilés, aussi indigeste que détestable au goût ;

1. La lyre des Grecs modernes n'a aucune ressemblance avec l'instrument du même nom en usage chez les anciens : elle n'a que trois cordes, et sa forme est celle d'une mandoline de la plus petite dimension. Les Grecs jouent de cet instrument avec un archet.
2. Riz à peine crevé, et assaisonné avec un peu de beurre.

[395] du poisson bouilli ou grillé, dès escargots, du caviar (1) et des anchois ; et, dans les fêtes solennelles, quelque grosse volaille ou une épaule de mouton cuite au four : voilà les meilleurs plats de ces modernes épicuriens , qui estiment en général beaucoup plus la quantité que la qualité. Mais rien n'est comparable à leur pâtisserie, à cette branche importante de la gastronomie. Il faut avoir touché cet heureux sol, pour se faire une idée des beureks aux épinards ou aux oignons, des kalizounias au fromage, des baklavas (2) au miel et à la mantéga, beurre fort, mêlé de graisse de mouton fondue : de telles friandises sont au-dessus: de l'imagination. Malheureusement, il n'est pas permis à tout le monde de s'en rassasier avec impunité. L'estomac d'un Crétois peut seul se flatter d'une heureuse digestion, après un semblable festin de carnaval.

Les Grecs ne sont pas plus difficiles sur l'article de la boisson que sur celui des mets. Un vin ou une liqueur, quel que soit d'ailleurs leur goût, sont toujours à leurs yeux un vin et une liqueur, et conséquemment toujours bons à boire. Autant il serait honteux et criminel d'enfreindre les lois sacrées du carême, autant il serait ridicule de ne pas s'enivrer au moins une fois par jour dans les fêtes du carnaval. Pendant ce temps de bacchanales, un peuple de valets semble rivaliser d'intempérance avec ses maîtres. C'est une lutte effrayante et continuelle d'ivresse et de gloutonnerie.

Il est d'usage en Candie d'avoir un nombreux domestique; mais ce luxe n'exige pas comme ailleurs une fortune considérable, puisqu'on ne paye pas ses serviteurs. Ce sont tous de malheureux enfants, enlevés dès leur jeune âge de leurs familles et de leurs villages, et qui, sans état, sans ressources, deviennent pour ainsi dire la propriété de maîtres durs et avares, qui les laissent souvent manquer du nécessaire. C'est pitié de voir l'état de misère et d'abjection où sont réduites ces infortunées créatures; et leur triste condition fait souvent gémir sur le sort de la pauvre humanité.

Clergé grec, églises, couvents.

J'ai parlé plus haut de l'archevêque métropolitain de Candie. Ce prélat est le chef suprême de tout le clergé du royaume. Ses principaux suffragants sont l'évéque de Cydonie (la Canée), ceux de Rétimo et de Sélino, petit district situé dans la partie occidentale de l'île. Plusieurs autres, répandus dans les diverses provinces, sont tellement indigents, qu'à peine on les connaît hors de leurs diocèses. Tous leurs revenus se bornent aux aumônes et à la charité des fidèles, trop pauvres eux-mêmes ou trop peu généreux pour leur être d'un grand secours.

1. Le caviar est une pâte noire et compacte, composée d'oeufs d'esturgeons séchés au soleil. Le meilleur caviar vient de la Russie.
2. Pâtisseries turques et grecques, dont la digestion esl aussi difficile que la vue en est peu appétissante.

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Aussi l'existence d'un moine est-elle en Candie bien préférable à celle d'un évêque.

Ces moines ou kaloyers sont en possession de plusieurs beaux monastères et de biens immenses. Des paysans, et des hommes de la dernière classe du peuple, sont généralement les seuls que la misère ou l'amour de l'oisiveté portent à embrasser la profession religieuse : on peut donc aisément se faire une idée de l'état de turpitude et d'ignorance où croupissent ces grossiers et égoïstes kaloyers. Étrangers à toutes les connaissances, hors celle de leur rituel, leur occupation principale est de parcourir les campagnes, et d'y tirer le meilleur parti possible de la considération que leur accorde le peuple, pour augmenter leurs revenus, qui suffiraient seuls pour nourrir tous les malheureux de l'île de Candie.

Les couvents de la Sainte-Trinité, de Saint-Jean de Governetto, de Gonia et de Chrysopû, sont les plus considérables du territoire de la Canée : le second passe pour le plus riche en biens-fonds ; mais le premier est le plus vaste de tous, et le plus agréable par sa position.

Les Vénitiens occupaient encore l'île de Candie, lorsque deux saints personnages le fondèrent, il y a près de cent quatre-vingts ans. Une double inscription en grec et en latin, gravée sur la façade de l'église, rappelle à la postérité leurs noms et leur munificence; et les kaloyers, par respect pour leur mémoire, célèbrent un service annuel en leur honneur, le lendemain de la Sainte-Trinité.

Cette dernière fête donne lieu à ce que les Grecs appellent un panaghiri. C'est une espèce de foire où se rendent presque tous les habitants de la ville et des campagnes.

Pendant la liturgie, on apporte, au milieu de l'église, de grands plateaux chargés de pain, de col/yva, de fruits, de poissons secs et de flacons devin. l'igouménos, ou supérieur, les bénit, et les distribue aux pauvres, après avoir réservé la part des défunts, qu'on transporte en grande pompe au réfectoire. Les religieux en font leur déjeuner, et ils n'oublient jamais à cette occasion de boire largement au salut et au repos des âmes de leurs pieux fondateurs.

Le reste de la journée est consacré à la danse et aux plaisirs de la bonne chère.

L'église de la Sainte-Trinité (Agia-Triada) est bâtie au milieu d'une belle cour, ombragée de mûriers et entourée d'un double étage de cellules habitées par les kaloyers. L'architecture de ce monument est simple et élégante ; on regrette seulement de le voir encore imparfait. L'invasion subite de l'île de Candie, par les Turcs, ne permit point de terminer la façade ni le dôme du sanctuaire; et ce dernier n'est recouvert que d'un simple toit debois. On y remarque un lustre de bronze d'une énorme dimension, orné d'aigles à deux têtes, et de divers attributs de la maison d'Autriche : c'est, dit-on, l'offrande d'un consul d'Autriche, originaire des États vénitiens. Les portes qui séparent [397] l'église du vestibule sont décorées, dans toute leur hauteur, de figures de saints, sans proportions, et dont la vivacité du coloris fait le seul mérite. L'église est bien éclairée, tenue avec beaucoup de propreté; mais elle est trop étroite pour sa profondeur. Le pourtour de la nef et celui du chœur sont garnis de stalles en bois dé noyer, réservées aux papas et aux archontes. Les hommes se placent au milieu du temple, et les femmes sous le péristyle.

La cloison « qui sépare le sanctuaire des assistants est richement dorée, et couverte d'une multitude de tableaux et de mauvaises peintures qui représentent le paradis, l'enfer, et les saints les plus vénérés ; tous sont chargés d' ex-voto, et les fidèles s'empressent de venir les baiser dévotement avant et après le service divin.

Au fond de la cour, à droite, on fait voir aux étrangers une salle où sont déposés les ossements des fondateurs de ce monastère, et ceux des kaloyers qui y finissent leurs jours.

Ces religieux ne vivent point en communauté, comme ceux de l'Église latine : ils ne se réunissent, au réfectoire, que deux ou trois fois dans l'année, à certaines fêtes solennelles. Chacun fait son ménage séparé, cultive son terrain, et peut s'absenter quand il lui plaît : la seule formalité qu'il ait à remplir est d'en donner avis à son supérieur.

Vu d'une certaine distance, le couvent de la Sainte-Trinité ressemble à une petite forteresse. Environné de hautes murailles, et situé au milieu d'un bois d'oliviers, il semble commander à toutes les campagnes environnantes qui font partie de ses domaines.

Le couvent de Saint- Jean de Governetto, bâti au milieu des roches inac cessibles du cap Mélek, est beaucoup moins considérable, mais plus riche encore que le précédent : on y jouit de la vue magnifique de la pleine mer et de plusieurs îles de l'Archipel. Une caverne, que les religieux appellent la grotte de Saint-Jean, est la seule curiosité qu'on y montre aux étrangers.

Le gouvernement turc ne permettant point aux Grecs de réparer leurs églises sans un firman ad hoc qu'on leur vend toujours fort cher, les ka loyers du couvent de Gonia, protégés pour leur argent par un riche et puissant aga de la Canée, s'avisèrent depuis quelque temps d'un singulier stratagème pour élargir la nef de leur église : ils demandèrent et obtinrent la per mission de bâtir, de chaque côté de celle-ci, deux grands magasins à paille. Lorsque ces deux prétendus magasins furent suffisamment élevés pour couvrir entièrement les murailles de l'église, ils abattirent intérieurement ces dernières, et leur temple se trouva parce moyen élargi des deux tiers : tous les fidèles s'empressèrent à l'envi de concourir à cette pieuse fraude, et, par  [398] le fait, elle ne coûta aucune dépense aux religieux, qui retirèrent des donations du peuple bien au delà des sommes déboursées pour se rendre favorable l'aga leur protecteur. 

1. Dans toutes les églises grecques, une semblable cloison dérobe au peuple la vue de l'au tel et celle du célébrant. Ce dernier ne parait qu'au moment de l'élévation, et fait processionnellement le tour du temple, suivi de plusieurs acolytes qui portent des images. Les portes du sanctuaire se referment aussitôt que le calice est replacé sur l'autel.

Les autres monastères des environs de la Canée ne méritent point de mention particulière.

L'île de Candie renferme deux couvents de kalogra, ou religieuses grecques : ces maisons se nomment kalogrado. La première est voisine de la capitale, et la seconde à une lieue de la Canée, à Acrotizi. Je visitai plus d'une fois cette dernière, dont la distribution est la môme que celle des couvents d'hommes. Quant au régime, il y a peu de différence : chaque religieuse travaille pour son propre compte, et vit à sa manière ; elles ont toutes une cellule et un petit jardin, où l'on est admis sans difficulté.

Excepté le logement de l'abbesse (igouménissa), et ceux de deux ou trois religieuses qui jouissent de quelque aisance, tout annonce la plus grande mi sère dans ce couvent. Ces sortes d'établissements n'ont point, comme en Europe, de dotations, ni de fonds affectés à leur entretien : ce sont des maisons de retraite, dont chaque habitante tire sa subsistance du travail de ses mains.

Les religieuses de kalogrado font des bas et des bonnets de coton, et leur habitude est de rançonner les étrangers qui s'adressent à elles. Leur cos tume consiste dans une robe de grosse serge noire, avec un voile de mousse line de la même couleur; elles peuvent sortir librement pour vaquer à leurs affaires, et porter leurs ouvrages à la ville : elles doivent seulement prévenir l’igouménissa.

Cette abbesse est renouvelée tous les ans ; on la choisit ordinairement parmi les plus anciennes religieuses de la maison.

Le noviciat dure une année ; à l'expiration de ce terme, les aspirantes font publiquement profession entre les mains de l'évêque du diocèse, qui vient officier en personne le jour de la Saint-Jean, patron du monastère.

L'église est desservie par un papas logé dans une petite maison voisine du couvent : à la propreté et à la recherche de tous les ornements on s'aperçoit, au premier coup d'œil, qu'elle appartient à des religieuses.

Les campagnes de l'île de Candie sont couvertes de petites chapelles ; mais on ne voit dans l'intérieur des villes qu'un petit nombre d'églises : la Canée n'en a qu'une seule.

Le clergé séculier, répandu dans les campagnes, est généralement aussi pauvre que le clergé régulier est opulent : un curé de village n'a pour vivre que son faible casuel, et le mince produit de la charité des fidèles ; à moins qu'il n'augmente son revenu, comme c'est l'usage, par son travail et son industrie.

Ces curés peuvent se marier avant d'entrer dans les ordres ; mais s'ils deviennent veufs après avoir reçu la prêtrise, il leur est interdit de prendre une seconde femme, à moins de renoncer à la liturgie et à la confession : [399] ils ne conservent plus, dans ce cas, que la faculté de bénir les maisons, le premier jour de chaque mois.

Le clergé séculier ne peut parvenir ni à l'épiscopat, ni aux premières dignités de l'Église, toutes exclusivement réservées aux kaloyers. Le costume des deux ordres ne diffère que par la coiffure, qui, pour les premiers, est une toque ronde, évasée par le haut; et pour les derniers, une simple calotte de drap noir ou bleu.

Je ne crois pas qu'il existe au monde de nation plus superstitieuse que les Grecs; il n'en est cependant pas qui soit moins pénétrée des véritables devoirs de la religion : des signes de croix sans nombre, des métagnais ou salutations aux images, la rigide observance des jeûnes et des carêmes, suffisent à leurs yeux pour satisfaire la Divinité. Quant à la probité et à la bonne foi, elles ne sont chez eux que de vains mots. Le confesseur grec donne l'absolution à un voleur, à un assassin ; jamais à l'infracteur des lois sévères du tessaracosti. Leur pratique tient lieu de toutes les vertus. Leur négligence, fût-elle involontaire, est le plus irrémissible des péchés, le plus impardonnable des crimes.

L'existence d'un peuple soumis à quatre différents carêmes dans le cours de l'année paraîtra difficile à concevoir dans un pays aussi dépourvu de végétaux que l'île de Candie. Le premier, celui de Pâques, dure quarante-huit jours; celui des apôtres, douze jours; celui de la Vierge ou de la Panagia, quinze jours; et enfin celui qui précède les fêtes de Noël en dure quarante. En y joignant les mercredis et les vendredis de toutes les semaines, les vigiles et les jeûnes extraordinaires, les vœux particuliers, etc., le nombre des jours où il est permis de faire gras se trouvera réduit à moins de cent cinquante.

La dernière semaine du carnaval est consacrée, chez les Grecs, à se préparer au grand carême. Durant cette huitaine, nommée par eux thirini, on cesse de faire usage de viandes, et l'on ne se nourrit plus que de poisson, d'œufs et de laitage.

Des légumes, du riz, et des herbages cuits à l'eau, composent toute leur nourriture dans ces temps de pénitence; le beurre, l'huile et le laitage même leur sont alors expressément interdits. La vieillesse, ni l'état de maladie, ne sauraient dispenser personne d'une aussi rigoureuse abstinence.

Les fêtes ne sont pas moins nombreuses que les jeûnes : on peut, sans risquer de faire un faux calcul, porter à quarante-cinq ou cinquante par an, non compris les dimanches, les jours où le travail est défendu par l'Église grecque. A la Canée, les fêtes de Pâques, seules, durent une semaine entière.

Si on ajoute à ce nombre les fêtes de famille, telles que fiançailles, mariages, baptêmes et autres, on verra que les Grecs se reposent et se divertissent plus du tiers de l'année.

Le baptême se fait par immersion, comme dans les premiers siècles de [400] l'Église. Après les cérémonies préalables, le prêtre plonge trois fois le nouveau-né dans un vase rempli d'eau tiède, mêlée d'huile bénite et de quelques grains de sel ; le parrain ou la marraine distribuent ensuite à tous les assistants des paras neufs, ornés de petits rubans rouges ; et la fête finit par un long repas, auquel ne préside pas toujours la sobriété. Les Grecs sont tellement persuadés de l'insuffisance du baptême par aspersion, que lorsqu'un catholique embrasse leur religion, il est obligé de se faire baptiser une seconde fois à leur manière.

J'ai parlé plus haut d'un hôpital entretenu par la communauté grecque de la Canée : il est nécessaire de donner quelques éclaircissements sur cet article, afin qu'on ne confonde pas cet asile avec les établissements du même nom que nous avons en Europe.

L'hôpital de la Canée est situé dans le quartier de l'évêché, et à peu de distance de l'église. Une seule pièce au rez-de-chaussée sert à la fois de chambre à coucher, de cuisine et de magasin ; chaque malade doit y apporter son linge et son matelas. Ces malheureux, entassés pêle-mêle sur une petite estrade qui peut à peine contenir trois lits, sont servis par une vieille femme qui reçoit les ordres d'un Grec, revêtu du titre pompeux d'intendant de l'hôpital. Les indigents, hors d'état de payer les remèdes et les visites du médecin, soit qu'ils meurent ou qu'ils sortent guéris de ce lieu de douleur, sont soignés aux frais de la communauté; ceux au contraire qui possèdent encore quelque chose au monde doivent, en sortant morts ou vifs, payer les drogues et le docteur, et faire un présent à la gardienne et à l'intendant, qui n'ont d'autres revenus que ce faible casuel. On voit que cet établissement n'exige pas de grandes dépenses de la part de la ville.

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